"Personne ne nous vient en aide" : en Ukraine, le désespoir des étudiants indiens et africains bloqués près de la frontière russe

Des centaines d’étudiants étrangers, notamment originaires d’Inde et du continent africain, sont bloqués dans la ville ukrainienne de Soumy, à une cinquantaine de kilomètres de la frontière russe. Enfermés dans leur résidence et livrés à eux-mêmes dans une ville en guerre, nos Observateurs racontent leur quotidien.

Mohammad Mahtab Raza, étudiant en médecine indien, a publié une vidéo sur Twitter avec ses camarades enfermés à Soumy, Ukraine pour alerter sur leur situation.
Mohammad Mahtab Raza, étudiant en médecine indien, a publié une vidéo sur Twitter avec ses camarades enfermés à Soumy, Ukraine pour alerter sur leur situation. © Les Observateurs de France 24
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 Des centaines d’étudiants étrangers sont actuellement bloqués à Soumy, ville de l’est de l’Ukraine à une cinquantaine de kilomètres de la Russie. Livrés à eux-mêmes, ils ont lancé des appels à l'aide sur les réseaux sociaux. 

Mohammad Mahtab Raza a 23 ans. Il est indien et étudie la médecine à l’université d’État de Soumy depuis 2019. Depuis sa résidence pour étudiants internationaux, il décrit sa détresse et celle de ses camarades coincés dans une ville en pleine guerre. 

[ A Soumy] Les voies ferrées ont été détruites, les bus ne fonctionnent pas et les chauffeurs de taxi refusent de prendre les gens. C’est même impossible de sortir de l’immeuble. Toutes les heures ou presque il y a des explosions.

Hier [le 3 mars] aux alentours de 19 heures, une frappe aérienne est passée juste au-dessus de notre résidence. Nous avons dû courir vers les bunkers. Beaucoup d'étudiants pleuraient et criaient.

Après cette frappe, nous n’avions plus d'électricité ni d'eau. L’électricité est revenue depuis, mais pas l'eau, nous n'avons pas pu nous brosser les dents ni aller aux toilettes.

Mohammad Mahtab Raza accompagné d’autres étudiants de sa résidence, a publié le 4 mars 2022 cette vidéo sur son compte Twitter. Voilà ce qu’il dit en Hindi “ Nous sommes bloqués à Soumy, sans aucune aide. (...) On nous a dit qu'il y avait des bus à la frontière russe mais nous ne pouvons pas sortir du bâtiment (...) Nous attendons de l’aide de notre gouvernement "

Selon lui, ils seraient près de 800 étudiants indiens bloqués à Soumy. Avec eux beaucoup d'étudiants venus du Nigeria, d'Égypte et d'autres pays d'Afrique.  

Personne ne nous aide. Nous sommes coupés du reste du monde sans informations sur l’évolution de la situation. J'ai mes parents au téléphone tous les jours, ils ont vraiment très peur pour moi. Rien n’est certain quant à l’évolution de la situation, nous voulons réellement sortir d’ici.

Shivangi Shibu est aussi indienne. Elle a 25 ans et vit depuis quatre ans à Soumy où elle étudie également la médecine. Elle nous parle depuis une autre résidence non loin de celle de Mohammad Mahtab Raza, où vivent trente étudiants internationaux.

Depuis le début de la guerre, elle a documenté son quotidien sur Twitter.

On est fatigués, vraiment fatigués. On ne sait pas comment on va s’en sortir. Ça fait neuf jours aujourd’hui, on survit et on apprend beaucoup.

Les étudiants de la résidence de Shivangi Shibu dans le bunker de leur logement

Plusieurs étudiants africains ont aussi raconté leur détresse à Soumy.

Le groupe “Black Women for Black Lives”, créé pendant le conflit actuel pour aider les étudiants noirs qui cherchent à fuir l’Ukraine alors qu’ils font face à de nombreuses discriminations, reçoit depuis quelques jours d’innombrables messages d’étudiants inquiets bloqués à Soumy. Ils s'efforcent de les rassurer et de les 'informer comme ils peuvent.

Deux messages reçus par l’association Black Women for Black Lives de la part d’étudiants bloqués à Soumy. Le premier via SMS le deuxième via Twitter
Deux messages reçus par l’association Black Women for Black Lives de la part d’étudiants bloqués à Soumy. Le premier via SMS le deuxième via Twitter © Les Observateurs de France 24

“S’il vous plaît, les étudiants à Soumy ont besoin d’aide pour sortir de la ville. Nous n’avons pas réussi à sortir et nous commençons à manquer de vivres” indique le premier message. Le deuxième message décrit la même situation que celle de Mohammad Mahtab Raza : “Depuis quand vous n’avez plus d’eau ? - Depuis 19 heures, juste après l’explosion. Mon téléphone n’avait plus de batterie, mais la lumière est revenue. Toujours pas d’eau.”

“Soumy sera sûrement le dernier endroit à être évacué”

Alors que des milliers de résidents étrangers ont été évacués par leur pays, la situation est plus compliquée dans l’est de l’Ukraine, où les combats font rage. Si l’Inde a conseillé à ses ressortissants de fuir le pays, nos Observateurs indiquent n’avoir pour l’instant reçu aucune information précise de leur pays.

Shivangi Shibu :

On espère bientôt recevoir des nouvelles positives de l'Inde. L’ambassade nous dit simplement de sortir du pays, mais c’est très compliqué. On entend que les étudiants indiens et africains se font rejeter des trains et des frontières. Quand ce sera à notre tour, je ne sais pas ce qui va se passer. Mais Soumy sera surement le dernier endroit à être évacué. 

Jeudi 3 mars, la Russie et l'Ukraine se sont mis d’accord pour mettre en place des corridors humanitaires destinés à évacuer les civiles des zones de combat. Le même jour, lors d’un échange téléphonique avec le Premier ministre indien, Narendra Modi, Vladimir Poutine a évoqué le cas des étudiants indiens bloqués dans l’Est, affirmant qu’ils étaient “pris en otage” par l’armée ukrainienne, un propos contesté par la suite par le gouvernement indien. 

De son côté, le ministère des Affaires étrangères indien a indiqué être "préoccupé par le cas des étudiants à Soumy" et a demandé à l'Ukraine et à la Russie des trêves locales pour permettre d'évacuer ses ressortissants.

Nos Observateurs espèrent simplement que l'Ukraine comme la Russie sauront prendre en compte leur sécurité. 

On espère que quelqu’un puisse nous faire sortir loin d’ici, je ne sais pas où. La frontière polonaise peut-être, mais elle est loin. L’option plus proche, c’est la Russie. Tout ce qu’on veut, c'est que la prochaine destination soit notre maison, quel que soit le moyen de s’y rendre. On ne perd pas espoir.

Nous sommes Indiens, mais l’Ukraine est notre deuxième maison, ça fait quatre ans que je vis là, j’ai tellement de souvenirs et d’amis, tout ça est en train d’être détruit.” tient à signaler Shivangi Shibu. “S’il vous plaît, faites la paix, arrêtez cette guerre."