En Syrie, “les hôpitaux ne peuvent plus accueillir les blessés” après le séisme

Photo montrant un hôpital surchargé, à Bab al-Hawa, dans le gouvernorat d’Idleb (nord-ouest).
Photo montrant un hôpital surchargé, à Bab al-Hawa, dans le gouvernorat d’Idleb (nord-ouest). © @yusefgharibi via Twitter

Hôpitaux saturés, secours débordés : dans le nord-ouest de la Syrie, le personnel médical s’inquiète face au manque de médicaments et d’infrastructures pour accueillir les centaines de blessés qui continuent d’affluer, au lendemain du violent séisme qui a frappé la région. Dans les zones contrôlées par l’opposition dans le gouvernorat d’Idleb, un infirmier joint par la rédaction des Observateurs de France 24 dit craindre une crise humanitaire de grande ampleur. Surtout que la Turquie voisine, également touchée par le séisme, vient d’annoncer la fermeture d’un poste-frontière qui permettait de transporter les blessés graves et d’acheminer l’aide humanitaire. 

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Le tremblement de terre de magnitude 7,8 a provoqué l’effondrement de milliers de structures déjà rendues vulnérables par onze années de guerre civile. Cette région est la dernière enclave contrôlée par les rebelles, et souffrait déjà de tous les maux, entre les bombardements des forces gouvernementales et leur allié russe, les pénuries en tous genres et les populations de déplacés entassés dans des camps de fortune. 

Dans ces zones, les hôpitaux sont débordés et les médecins syriens affirment qu’ils ne disposent pas des équipements nécessaires pour faire face à l’afflux de blessés. En outre, un certain nombre d’hôpitaux ont été endommagés par le tremblement de terre, ce qui a mis les hôpitaux fonctionnels davantage sous pression.  

Déjà, les hôpitaux du nord-ouest de la Syrie étaient régulièrement la cible des frappes aériennes menées ces dernières années par les forces syriennes et russes.

Vidéo publiée le 6 février 2023 par la Syrian American Medical Society (une ONG qui vient en aide à plusieurs hôpitaux dans les zones contrôlées par l'opposition) montrant un hôpital à Bab-Hawa, près de la frontière avec la Turquie.

“C’est la première fois qu’on creuse une fosse commune ici”

À Atme, près d’un camp de réfugiés au nord d’Idleb près de la frontière turque, des volontaires ont creusé un fosse commune à la va-vite, mardi 7 février, pour y enterrer les occupants d’un immeuble qui s’est effondré non loin. Saïd al Saïd, activiste à Atme, explique : 

Il s’agit d’une trentaine de personnes décédées dans l’effondrement d’un immeuble de cinq étages. Ils ont été enterrés dans ce camp de réfugiés à Atme, parce que des membres de leurs familles y vivent. C’est la première fois qu’on creuse une fosse commune ici. Ils ont été enterrés directement, sans être transportés à l’hôpital, car tous les hôpitaux sont saturés. Ceux-ci ne peuvent plus accueillir de blessés. On compte plus de 2 000 blessés dans les hôpitaux de la zone jusqu’ici. Ce sont leurs proches qui se sont déplacés sur les lieux, pour aider à leur identification.

Des personnes sont en train de creuser une fosse commune dans un camp de réfugiés à Atme. Trente personnes sont mortes dans l’effondrement d’un immeuble non loin.
Capture d’écran d’une vidéo filmée dans un hôpital à Afrin, dans le gouvernorat d’Alep (nord-ouest), lundi 6 février. Les images montrent des personnes mortes, dont le corps a été recouvert par une couverture. “Plus de 150 cadavres non identifiés sont dans cet hôpital”, affirme Barra Abdulrahman, un journaliste syrien qui a publié cette vidéo.
Capture d’écran d’une vidéo filmée dans un hôpital à Afrin, dans le gouvernorat d’Alep (nord-ouest), lundi 6 février. Les images montrent des personnes mortes, dont le corps a été recouvert par une couverture. “Plus de 150 cadavres non identifiés sont dans cet hôpital”, affirme Barra Abdulrahman, un journaliste syrien qui a publié cette vidéo. © @Baraa_Abdu, via Twitter

La crise risque de s’aggraver alors que la Turquie a décidé de fermer lundi 6 février le poste-frontière reliant ce pays au gouvernorat d’Idleb, alors qu’il s’agit d’un important point de passage pour l’acheminement des blessés graves vers la Turquie et celui du matériel médical et de l’aide humanitaire vers la Syrie. 

“Si le poste-frontière reste fermé, on se retrouvera face à une catastrophe humanitaire de grande ampleur.”

Le poste-frontière de Bab al-Hawa a été complètement fermé hier, dans les deux sens. Depuis hier, aucun blessé n’a passé la frontière, ni les malades, ni les ambulances. 

Les hôpitaux du sud de la Turquie reçoivent de nombreux blessés, c’est pour cela que le poste frontalier a été fermé. Même les cas graves ne sont pas autorisés. 

Si le poste-frontière reste fermé, on se retrouvera face à une catastrophe humanitaire de grande ampleur. Aucune aide ne nous est parvenue jusqu’ici, ni de la part d’autres pays ni de l’ONU. Tous les postes frontaliers à Idleb et dans le nord d’Alep sont fermés.

La recherche de blessés et de morts dans les décombres est lente, car les équipes de la Défense civile manquent de moyens devant l’ampleur de la destruction.  

La fermeture de la frontière a également des répercussions sur les opérations de secours internationales. C’est l’un des seuls moyens d’acheminer l’aide dans le nord-ouest de la Syrie. De plus, les routes entre la Turquie et la Syrie ont été gravement endommagées par le séisme.

>> À lire sur Les Observateurs de France 24 : “Il n’y a personne pour nous aider” : dans les zones rebelles en Syrie, la détresse face au séisme

La Défense civile syrienne, aussi connue sous le nom de Casques blancs et qui fait office de principal service de gestion des urgences dans les zones contrôlées par l’opposition, a déclaré mardi que des centaines de familles étaient toujours piégées sous les décombres des bâtiments effondrés. Elle a estimé qu’une aide internationale urgente était nécessaire pour sauver des vies, le temps étant compté.

Mardi 7 février au matin, le nombre de morts avait dépassé les 5 100 dans les deux pays. En Syrie, 1 622 personnes sont mortes, dont au moins 790 dans le nord-ouest contrôlé par l’opposition.