En Iran, même la contestation pacifique entraîne de lourdes peines après des “simulacres” de procès

Un tribunal iranien a considéré les "cheveux courts" de Marzieh Amiri comme un crime. Elle a été libérée sous caution. Au centre : Le couple de blogueurs Astyazh et Amir, condamné à cinq ans de prison pour une vidéo les montrant en train de danser. À droite : la journaliste Nazila Maroufian condamnée à deux ans de prison, photo a été prise après sa libération sous caution.
Un tribunal iranien a considéré les "cheveux courts" de Marzieh Amiri comme un crime. Elle a été libérée sous caution. Au centre : Le couple de blogueurs Astyazh et Amir, condamné à cinq ans de prison pour une vidéo les montrant en train de danser. À droite : la journaliste Nazila Maroufian condamnée à deux ans de prison, photo a été prise après sa libération sous caution. © Montage Les Observateurs de France 24

Après des mois de grèves et de manifestations en Iran, des milliers de personnes ont été arrêtées et risquent désormais de lourdes peines, allant jusqu'à la mort.  Les militants et les ONG affirment que le système judiciaire iranien accroît la pression sur les personnes arrêtées, utilisant la torture et l’extinction pour obtenir des aveux.

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Depuis le début des manifestations autour du slogan “femme, vie, liberté” en Iran à la mi-septembre 2022, au moins 19 000 personnes ont été arrêtées par le régime islamique, selon les organisations de défense des droits de l’homme. Des milliers d’entre elles, mises en examen par le bureau du procureur général, font actuellement l’​​​​​​​objet de procès, qu’Amnesty International qualifie “d’​​​​​​​inéquitables” et de “simulacres”. Certaines peines ont déjà été prononcées par les tribunaux.

Plus de cinq ans de prison pour une danse

Des manifestants ont été condamnés à de lourdes peines, même pour des délits mineurs. 

Ainsi d’Astiyazh Haghighi et Amir Ahmadi, un couple d’​​​​​​​une vingtaine d’​​​​​​​années, arrêtés le 1er novembre 2022 après avoir publié une vidéo les montrant en train de danser près de la place Azadi à Téhéran. Ils a été condamné à cinq ans de prison pour “promotion de l’​​​​​​​immoralité et de la prostitution”, “rassemblement et conspiration contre la sécurité nationale” et “propagande contre l’​​​​​​​État”. Le couple a également été accusé “d’inviter les gens à protester” sur ses comptes de réseaux sociaux, où ils sont suivis par plus d’​​​​​​​un million de personnes. 

Alors que de nombreux médias ont rapporté que le jeune couple avait été condamné à plus de dix ans de prison, Mizan, un site web émanant du système judiciaire iranien, a démenti ces informations et affirmé qu’​​​​​​​Astiyazh et Amir avaient été condamnés à cinq ans de prison.

 

Selon des proches du couple, ils sont depuis détenus, sans avoir eu accès à un avocat. 

Une journaliste arrêtée après avoir interviewé le père de Mahsa Amini

De nombreux journalistes ont été aussi arrêtés en Iran. Parmi eux, Vida Rabbani. Elle a été arrêtée le 23 septembre 2022 et condamnée à onze ans de prison pour “rassemblement et conspiration contre la sécurité nationale” et “propagande contre l’​​​​​​​État”. Le juge qui l’​​​​​​​a condamnée a également mentionné un poème qu’​​​​​​​elle a publié sur les réseaux sociaux et qui assimilait la prière islamique à un baiser. Selon le juge, il s’​​​​​​​agissait d’​​​​​​​une “profanation”.

Le journaliste et humoriste Ehsan Pirbernash a lui été arrêté le 28 octobre 2022 et condamné le 10 janvier 2023 à dix-huit ans de prison. Il a été accusé “d’​​​​​​​insulte à l’​​​​​​​islam d’​​​​​​​une manière jugée blasphématoire”, “d’​​​​​​​incitation à la violence contre le gouvernement de la République islamique” et de “propagande contre le système de la République islamique” pour avoir critiqué le gouvernement de manière satirique. Sa condamnation est la plus sévère infligée à un journaliste depuis le début de ces manifestations

Nazila Maroufian, également journaliste, a été arrêtée le 30 octobre 2022 après avoir interviewé le père de Mahsa Amini, dont la mort après son arrestation par la police des mœurs a été l’évènement déclencheur du mouvement. Elle a été condamnée à deux ans de prison avec sursis pour “propagande contre l’​​​​​​​État”. Elle a été libérée sous caution le 12 janvier 2023.

Photo of Nazila Maroufian right after her release from prison, she shows a victory sign and has refused to wear a headscarf

Marzieh Amiri, une autre journaliste iranienne, est également en plein procès. Arrêtée le 31 octobre 2022, elle a été accusée, lors de son premier procès, de “rassemblement et conspiration contre la sécurité nationale” et de “promotion de l’​​​​​​​immoralité et de la prostitution”, sous prétexte qu’​​​​​​​elle portait les cheveux courts, selon le témoignage de sa sœur sur les médias sociaux.

Photo of Marzieh Amiri, after she was released on bail, with her short hair

Autre cas encore, celui de Niloufar Hamedi et Elaheh Mohammadi, deux journalistes qui ont médiatisé la mort de Mahsa Amini, et qui sont en détention depuis le 26 octobre 2022. Elles sont accusées “d’​​​​​​​attroupement et de conspiration contre la sécurité nationale” et de “propagande contre l’​​​​​​​État”. Les services de renseignements iraniens les accusent également d’​​​​​​​espionnage pour le compte des États-Unis et d’​​​​​​​avoir été formées par la CIA.

Au total, au moins 67 journalistes ont été arrêtés en quatre mois et demi, selon les organisations iraniennes de défense des droits de l’​​​​​​​homme.

Artistes et étudiants également dans le collimateur des autorités 

Parmi les manifestants arrêtés, on trouve aussi les noms de 720 étudiants universitaires, 46 avocats et 97 artistes. Farahnaz Nazeri, artiste, a été condamnée à dix ans de prison pour “incitation à la guerre et au meurtre”, “propagande contre l’​​​​​​​État” et “promotion de l’​​​​​​​immoralité et de la prostitution”.

En Iran, des dizaines de prisonniers risquent également d’​​​​​​​être exécutés après avoir été accusés de crimes passibles de la peine de mort. À ce jour, le régime a exécuté quatre manifestants et 13 autres sont dans les couloirs de la mort.

Selon Amnesty International, la plupart de ces lourdes peines, notamment la peine de mort, se basent uniquement sur des aveux extorqués sous la contrainte.

Le 27 janvier, Amnesty International a appelé les autorités iraniennes à suspendre l’​​​​​​​exécution imminente de trois jeunes Iraniens : Arshia Takdastan, 18 ans, Mehdi Mohammadifard, 19 ans, et Javad Rouhi, 31 ans. L’ONG a déclaré : “Les autorités iraniennes doivent immédiatement annuler les condamnations injustes et les peines de mort prononcées à l’​​​​​​​encontre de trois jeunes manifestants, qui ont été soumis à d’​​​​​​​effroyables tortures, notamment des flagellations, des décharges électriques, au fait d’être suspendu la tête en bas et à des menaces de mort sous la menace d’​​​​​​​une arme.”