Iran : après l’exécution d’un deuxième manifestant, la crainte d’une “spirale meurtrière”
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L’Iran a procédé lundi 12 décembre à la deuxième exécution d’un manifestant depuis le début du mouvement de protestation en cours depuis septembre. Pour notre Observateur, cela pourrait être le début d’une “folie meurtrière” qui pourrait sous peu passer à la “vitesse supérieure”. Au moins 11 manifestants sont actuellement dans les couloirs de la mort, alors que 28 autres personnes, dont des mineurs, font face à des accusations pouvant entraîner la peine de mort.
Majid Reza Rahnavard, 23 ans, a été pendu “en public” tôt ce lundi, dans la ville de Mashhad. Il avait été reconnu coupable d’avoir “mené une guerre contre Dieu” après avoir été accusé d’avoir mortellement poignardé deux membres de la force paramilitaire Basij le mois dernier.
Dans une vidéo présentée comme ayant été filmée sur la tombe de Rahnavard lundi, on peut entendre des gens scander “Martyr du pays Majid Reza Rahnavard”.
Selon le collectif d’activistes d’opposition 1 500 tasvir, la famille de Rahnavard n’était pas au courant qu’il allait être exécuté. Elle a reçu un appel téléphonique d’un fonctionnaire à 7 heures ce matin, lui disant : “Nous avons tué votre fils et enterré son corps au cimetière de Behesht-e Reza”..
La mort de Majid Reza Rahnavard intervient moins d’une semaine après celle de Mohsen Shekari, 23 ans, premier manifestant connu à avoir été exécuté, par pendaison, le 8 décembre. Il avait été condamné pour “inimitié envers Dieu" après avoir été accusé d’avoir attaqué un membre du Basij avec un couteau à Téhéran et d’avoir bloqué une rue pendant une manifestation.
They allowed #MajidRezaRahnavard’s mother to visit him, and didn’t speak of execution at all. She left smiling and hoping that her son would be released soon.
— 1500tasvir_en (@1500tasvir_en) December 12, 2022
This morning she arrived when her son’s murderers were burying his dead body alone.#StopExecutionInIran pic.twitter.com/9n2k02uE60
Une vidéo déchirante montrant le moment où la mère de Mohsen Sherkari apprend sa mort a circulé sur les réseaux sociaux. Selon 1 500 tasvir, le régime lui avait demandé de garder le silence pour obtenir sa libération.
خانوادهی #محسن_شکاری در جلو خانهیشان پس از شنیدن خبر اعدام فرزندشان.#مهسا_امینی pic.twitter.com/GiFIruQLl5
— +۱۵۰۰تصویر (@1500tasvir) December 8, 2022
“Il n’y a aucune ressemblance avec la justice"
Le caractère expéditif des procédures judiciaires alimente les craintes que d’autres manifestants ne soient exécutés, et sous peu. Pour Hadi Ghaemi, directeur exécutif du “Centre pour les droits de l’Homme en Iran”, une ONG basée à New York, estime que les manifestants sont condamnés à mort après des “simulacres de procès” sans aucune procédure régulière.
Second Iranian protester was hanged today morning, just 23 days after his arrest.
— Parham Ghobadi (@BBCParham) December 12, 2022
Majidreza Rahnavard appeared with a broken arm in an Iranian state TV report. pic.twitter.com/hMGkidpA6V
C’est vraiment difficile d’appeler ça un procès. Il n’y a aucune ressemblance avec la justice. Les accusés politiques jetés dans ce système judiciaire injuste et brutal se voient refuser le droit à un procès public ou à un avocat de leur choix et sont maintenus en isolement total et torturés, avant d’être jugés à huis clos.
En général, les seules preuves utilisées par ces tribunaux sont de faux “aveux” obtenus sous la contrainte et au cours d’interrogatoires prolongés et brutaux. Les accusés n’ont pas d’avocat et semblent généralement meurtris ou torturés. Les juges dans ces affaires sont là pour approuver les demandes du procureur.
Les peines sont prononcées très rapidement, même si la procédure passe par un tribunal de première instance, une cour d’appel et la cour suprême. C’est si rapide qu’aucune de ces procédures ne semble avoir de substance. Dans l’exécution la plus récente, celle de Majid Reza Rahnavard, l’ensemble du processus s’est déroulé en seulement vingt et un jours. C’est terrifiant.
Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, la mère du rappeur kurde Saman Seyedi (connu aussi sous le prénom de Yasin), 24 ans, actuellement dans le couloir de la mort, a déclaré que les autorités avaient “écarté l’avocat de [son] fils”.
Ein Revolutionsgericht hat den kurdischen Rapper #SamanYasin (27) aus #Kermanshah zum Tode verurteilt. Samans Mutter appelliert an die Weltgemeinschaft, die Tötung ihres unschuldigen Sohnes zu verhindern. Seid seine Stimme! #IranRevolution #StopExecutionInIran #JinaMahsaAmini pic.twitter.com/7a0GhzhSix
— Düzen Tekkal (@DuezenTekkal) December 8, 2022
“La République islamique intensifie sa folie meurtrière”.
Selon l’ONG Iran Human Rights, au moins 458 civils ont été tués et quelque 18 000 personnes arrêtées depuis le début des manifestations, le 16 septembre, jour du décès de Mahsa Amini des suites de son arrestation par la police des mœurs. Ces manifestations ont rapidemment eu comme mot d’ordre l’éviction des chefs religieux iraniens et un changement de régime.
Pour Hadi Ghaemi, la République islamique pourrait recourir à des mesures plus extrêmes encore pour écraser le mouvement de protestation :
Pas un seul responsable iranien n’a été tenu pour responsable du meurtre de Mahsa Jina Amini, ni des plus de 400 manifestants qui ont été tués. Au lieu de cela, la République islamique intensifie sa folie meurtrière, qui devrait bientôt passer à la vitesse supérieure.
Le régime et son système judiciaire ont certainement la capacité d’exécuter un nombre croissant de personnes. Ce sont les mêmes personnes qui ont exécuté des prisonniers politiques en grand nombre pendant des décennies. Ce sont les mêmes qui ont tué 5 000 prisonniers politiques en l’espace de quelques semaines en 1987. Le président iranien était l’un des hommes à l’origine de ces crimes contre l’humanité [à l’époque, Ebrahim Raisi, procureur adjoint de Téhéran, était l’un des quatre membres nommés au comité dit “de la mort” de la capitale, NDLR]. Ils veulent exécuter davantage de personnes, c’est leur façon d’asseoir leur pouvoir, de montrer qu’ils sont aux commandes.
“La communauté internationale doit accroître la pression économique et diplomatique”
Cependant, nous ne sommes plus dans les années 1980. La situation actuelle est beaucoup plus fragile. Il y a beaucoup de colère dans le pays, même dans les propres rangs du pouvoir, et dans le monde entier. C’est devenu une situation très fluide et dangereuse qui peut changer à tout moment.
La communauté internationale doit faire plus que des déclarations. Si elle ne met pas un terme à cette situation, elle donne le feu vert à ces crimes. Nous encourageons également les citoyens à descendre dans la rue pour pousser leurs gouvernements à agir afin de tenter de sauver des vies en Iran.
Selon Amnesty International, l’Iran exécute plus de personnes par an que n’importe quelle nation autre que la Chine.