"Je suis inquiet pour notre avenir" : à Kaboul, les habitants essaient de fuir les Taliban
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Les Taliban ont encerclé la capitale de l’Afghanistan, dimanche, après plusieurs semaines d’offensive dans le reste du pays. Face à l’arrivée du groupe islamiste, de nombreux habitants paniqués ont essayé de fuir, alors que les ambassades étrangères évacuent leur personnel. Nos Observateurs sur place espèrent que le gouvernement et les Taliban tiendront leurs promesses d’éviter les combats et de garantir la sécurité des habitants.
Des vidéos et des photos partagées sur les réseaux sociaux montrent le chaos qui régnait à Kaboul lorsque les Taliban sont arrivés aux portes de la ville le 15 août 2021. Des habitants se sont précipités pour retirer de l'argent et prendre la route dans l’espoir de quitter le pays, désormais presque entièrement contrôlé par les Taliban.
Capital Kabul right now, Traffic blocked, everyone is in a hurry and are rushing to their homes.#Kabul #Afghanistan pic.twitter.com/QqDXwUm5c7
— Obaidullah Rahimi Mashwani (@IamObaidRahimi) August 15, 2021
Une vidéo publiée sur Snapchat le 15 août 2021 montre les habitants de Kaboul fuir la ville à pieds et en voiture.
الناس في كابول يسحبون الأموال من البنوك.#أفغانستان. pic.twitter.com/Y8MESc5yPS
— بن_محسن_🕵️ (@honesty___words) August 15, 2021
Les combattants taliban ont dans un premier temps reçu l’ordre d’attendre à l’extérieur de la ville en attendant les négociations avec le gouvernement pour une transition "pacifique" du pouvoir, ainsi que de laisser passer les personnes qui souhaitaient partir.
"Les Afghans ne doivent pas s'inquiéter […]. Il n'y aura pas d'attaque sur la ville. Et il y aura un transfert pacifique du pouvoir vers un gouvernement de transition", a déclaré le ministre de l'Intérieur, Abdul Sattar Mirzakwal le 15 août 2021.
"Kaboul est une ville fantôme, les magasins sont fermés, les rues sont vides. Les gens sont frustrés et angoissés"
La rédaction des Observateurs a parlé avec Abdullah (le prénom a été modifié), un activiste défenseur des droits humains caché à Kaboul. Bien que le gouvernement afghan et les Taliban aient promis une transition pacifique du pouvoir, il s’inquiète pour la sécurité des journalistes et des activistes sur place:
Kaboul est plutôt calme. Au moins nous savons qu’il n’y aura pas de bataille pour le transfert du pouvoir. Mais Kaboul est une ville fantôme, les magasins sont fermés, les rues sont vides. Les gens sont frustrés et angoissés.
Pour les groupes qui pourraient être persécutés par les Taliban, comme les activistes, les défenseurs des droits humains et les journalistes, il y a de réelles inquiétudes. J’espère que les Taliban tiendront leurs promesses et que la sécurité de tous les habitants sera garantie.
"Si [les Taliban] disent qu’ils ont changé, ils doivent le prouver"
Mostafa (le prénom a été changé), enseignant à Kaboul contacté par la rédaction des Observateurs, ne pense pas que les Taliban tiendront leurs promesses de garantir la sécurité et de respecter les droits humains.
La ville est complètement vide, il n’y a pas de gouvernement, pas de police, pas d’armée, personne. L'atmosphère est pleine de peur, de panique, et d’incertitude.
Les combattants taliban ne sont pas une armée disciplinée, donc j’ai peur qu’il y ait des violations : ils peuvent s’attaquer à des maisons, ou aller chercher les femmes, les officiels, les journalistes et les punir. S’ils volent ou tuent ou commettent tout autre crime, il n’y aura aucun système pour les capturer. Les gens ne savent pas auprès de qui se plaindre. Les Taliban ont dit [que les gens pourraient partir librement], mais il faut attendre de voir ce qu’ils vont vraiment faire : s’ils disent qu’ils ont changé, alors ils doivent le prouver.
Quand j’avais sept, huit, neuf ans, j’ai vécu l’ancien régime Taliban. Les femmes étaient complètement négligées, ignorées. Ma mère n’avait pas le droit d’aller chez le docteur toute seule. Elle n’avait pas le droit d’aller acheter à manger pour nous. S’il y avait une urgence, elle ne pouvait pas aller à la pharmacie. Ma sœur n’avait pas le droit d’aller à l’école. C’est ce qui nous inquiète le plus concernant le retour au pouvoir des Taliban. »
Preparations for Taliban transition. #Afghanistan #Kabul pic.twitter.com/ebVUah6B4v
— Ihtisham Ul Haq (@iihtishamm) August 15, 2021
حوزه ۱۳ پولیس، کابل در روز روشن توسط مردم چور شد.
— Zaki Daryabi (@ZDaryabi) August 15, 2021
اگر چارهای برای دارایی های عامه سنجیده نشود، در بی حکومتی چیزی از آن باقی نخواهد ماند. pic.twitter.com/f7LlPngWKJ
"Les Taliban ont occupé toutes les villes, nous n’avons nulle part où aller"
Les habitants qui n’ont pas les moyens de s’enfuir sont désormais pris au piège, comme Ali (le prénom a été changé), un commerçant contacté par la rédaction des Observateurs :
La situation à Kaboul n’est pas normale, les magasins sont fermés, les personnes ont peur et les rues rappellent une ville fantôme. Les gens attendent de voir ce qui va se passer.
Je suis inquiet pour notre avenir, surtout pour ma famille, car mon père pourrait être une cible des Taliban. Maintenant qu’ils ont occupé toutes les villes, nous n’avons nulle part où aller. Nous nous cachons quelque part avec ma famille. J’ai essayé de fuir l’Afghanistan mais je n’ai pas réussi parce que je n’avais pas assez d’argent.
Kabul airport.
— Sadia Tajali (@saadia_sadia) August 15, 2021
Expensive cars leaving their passengers right under the plane, no passport checks, no security checks , nothing. pic.twitter.com/zAvVOJY3qQ
Dans cette vidéo partagée sur Twitter et Whatsapp, des Afghans essaient de fuir Kaboul à bord des derniers avions disponibles. La femme qui filme la vidéo dit : "Regardez ce qui arrive au peuple Afghan." On peut entendre des tirs au loin.
Craignant l’arrivée imminente des Taliban, les ambassades étrangères ont commencé à évacuer leur personnel. Des témoins affirment avoir vu de la fumée au-dessus de l’ambassade américaine à Kaboul, provenant supposément de documents sensibles brûlés avant le départ.
Dans cette vidéo publiée sur Snapchat le 15 août, un habitant de Kaboul filme un hélicoptère ressemblant à ceux utilisés pour l’évacuation du personnel de l’ambassade américaine.
Leaving the former Green Zone @Kabul pic.twitter.com/GAL3Fu2osF
— David Martinon (@david_martinon) August 15, 2021
Le président afghan Ashraf Ghani a quitté le pays pour le Tadjikistan, selon plusieurs responsables afghans, tandis que les Taliban ont annoncé avancer vers l'intérieur de la ville.
د ذبیح الله مجاهد د اعلان نه وروسته چې کابل ته طالبان د دي لپاره لیږو چې د چور چپاول او غیر مسؤله وسله والو مخه ونیول شي اوس ماښام طالبان د کابل ښار اتمې حوزې سرک نو ساحې ته داخل شول.د سیمې اوسیدونکي وایې د طالبانو په راتګ سره اوس وضیعت نورمال شو. pic.twitter.com/Tor14D7oDi
— Naseeb Zadran (@NaseebKhanZ) August 15, 2021
Les Taliban ont gouverné l’Afghanistan depuis 1996 jusqu'à l’intervention militaire américaine de 2001. En février 2020, les États-Unis et les Taliban ont passé un accord historique prévoyant le retrait des troupes américaines. Après le départ de l’armée américaine en mai et juin 2021, les Taliban ont lancé une campagne militaire qui leur a permis de reprendre contrôle de nombreuses provinces.