Deux léopards d’Arabie tués au Yémen : la sauvegarde des espèces protégées, mission impossible dans un pays en guerre

Photos montrant deux léopards tués par un paysan dans la région de Lawder, dans le sud du Yémen, le 2 juillet sur les réseaux sociaux. Images relayées sur la page Facebook "Protect Yemeni tigers endangered".
Photos montrant deux léopards tués par un paysan dans la région de Lawder, dans le sud du Yémen, le 2 juillet sur les réseaux sociaux. Images relayées sur la page Facebook "Protect Yemeni tigers endangered". © Facebook / Protect Yemeni tigers endangered

Les images montrant deux léopards d’Arabie tués, relayées sur les réseaux sociaux depuis le 2 juillet, ont choqué les défenseurs de l’environnement au Yémen. Mais dans un pays miné par la guerre, traquer les braconniers et les chasseurs d’espèces protégées comme celle-ci relève presque de l’impossible.

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Ces images, partagées par des défenseurs de la cause animale au Yémen, montrent un homme accompagné d'un enfant posant à côté de deux léopards morts.

Photo de l'homme qui a tué deux léopards dans la région de Lawder, dans le sud du Yémen, partagée depuis le 2 juillet sur les réseaux sociaux.
Photo de l'homme qui a tué deux léopards dans la région de Lawder, dans le sud du Yémen, partagée depuis le 2 juillet sur les réseaux sociaux. © Y.TigerS
Photo montrant une foule amassée autour des deux léopards tués, dans la région de Lawder, au sud du Yémen. Le 2 juillet 2021.
Photo montrant une foule amassée autour des deux léopards tués, dans la région de Lawder, au sud du Yémen. Le 2 juillet 2021. © Y.TigerS

Le léopard d'Arabie est un animal menacé, protégé par la loi yéménite. Il vit dans les zones reculées et accidentées des hautes montagnes, notamment dans le sud du Yémen. Il en subsiste environ 200 dans toute la péninsule arabique. L'animal est classé "en danger critique d'extinction" par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (Cites). 

Alertée par des citoyens, l'Agence de protection de l'environnement a mené l'enquête et a pu retrouver l'auteur de cet acte. 

Abdelslam Al Jaabi est employé à l'Agence de protection de l'environnement. 

"Nous ne pouvons pas faire grand chose pour le moment, à cause de la guerre”

Les deux léopards ont été tués le 2 juillet dans le gouvernorat d'Abyan, dans le district de Lawdar, une région montagneuse. Nous avons pu retrouver l'homme qui les a tués. C'est un berger de la région, il les a tués au fusil. Il a justifié son acte en disant que les léopards avaient attaqué à plusieurs reprises ses moutons, et qu'il a eu aussi peur pour ses enfants.

Je ne peux accepter de telles explications. Il n'est pas rare que des léopards soient braconnés, et leur peau vendue dans les marchés. En tout cas, nous avons mis sur pied une équipe qui va se rendre à Lawdar, pour rassembler des preuves et témoignages afin que l'auteur de cet acte, et ses éventuels complices, soient sanctionnés. 

Malheureusement, cela peut prendre du temps, car la situation sécuritaire est très instable dans cette région. Nous ne pouvons pas faire grand chose pour le moment, et pour les autorités locales, la défense des animaux n'est pas la priorité en ce moment vu le chaos sécuritaire qui règne dans la région. 

Déjà secoué par une guerre depuis 2015 entre le gouvernement du président Abdrabbo Mansour Hadi, reconnu par la communauté internationale, et le mouvement houthi d'obédience chiite, le Yémen est le théâtre d'un deuxième conflit qui affecte particulièrement les régions du sud du pays, où la présence du léopard d'Arabie est la plus notable. Depuis plusieurs semaines, la région de Lawdar, dans le gouvernorat d'Abyan, connaît de violents combats entre les forces du gouvernement yéménite et celle d'un mouvement indépendantiste, le Conseil de Transition du Sud. Les combattants d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) sont également présents à Abyan, et ont perpétré des attaques contre plusieurs tribus locales. 

Abdelslam Al Jaabi espère qu'il y aura au moins une loi plus stricte pour protéger les animaux, même si il reste difficile de l'appliquer dans un pays en guerre : 

Je pense que la loi destinée à protéger les animaux est obsolète. Une décision ministérielle datant de 2014 portant sur la protection de l'environnement prévoit de punir toute personne qui tue un animal menacé d'une amende de 60 dollars (50 euros). C'est une somme trop peu élevée. Il faudrait durcir les sanctions, imposer des amendes beaucoup plus conséquentes, pour espérer dissuader ceux qui commettent ces actes. 

C'est dans le gouvernorat limitrophe d'Ad Dali' que cet animal est le plus présent, parce qu'il y très peu d'habitants et d'activité humaine dans cette région. 

Depuis 2014, nous avons documenté dix cas de léopards tués au Yémen, et deux cas de léopards capturés. Les responsables n'ont jamais été retrouvés. 

 Selon les dernières estimations officielles, il y aurait environ 200 léopards dans la péninsule arabique. Mais je pense qu'il y en a plus aujourd'hui, car la dernière enquête remonte à plusieurs années. 

Le léopard d'Arabie est un animal plutôt nocturne. Il sort et chasse la nuit. C'est pour cela qu'il est très difficile de le filmer quand il est en liberté. Nous avons récemment obtenu une rare vidéo où on le voit en plein jour.

En avril, une vidéo montrant la capture d'une femelle léopard dans le gouvernorat d'Abyan avait également suscité l'indignation des défenseurs de l'environnement au Yémen. Les deux vidéos montrent le félin enfermé dans une cage, puis attaché à un tronc d'arbre.

Cette vidéo, diffusée le 3 avril, montre la femelle léopard enfermée dans un cage par des paysans dans la région de Lawder.

 

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YouTube © Youtube

Le même animal a été attaché à un tronc d'arbre pour être transporté, comme le montre la vidéo ci-dessus, mise en ligne le 4 avril.  

L'Agence de protection de l'environnement avait alors expliqué dans un communiqué avoir dépêché des émissaires pour demander au paysan qui avait capturé le léopard de le libérer, mais que ce dernier avait refusé. L'Agence avait alors lancé un appel aux forces de sécurité pour qu'elles interviennent, sans succès. 

Selon l'ONG Holm Akhdar,18 léopards ont été tués entre 2015 et 2018.