Cisjordanie : un concert électro organisé sur un site religieux pris pour cible
Publié le : Modifié le :
Samedi 26 décembre, un concert qui se déroulait sur un site archéologique et religieux en Cisjordanie, près de Jéricho, a été interrompu par des habitants en colère. Les organisateurs de la soirée affirment pourtant qu’ils étaient bien autorisés à utiliser cet espace. Sur demande du Premier ministre palestinien, une commission d'enquête a été créée.
Des dizaines de personnes se sont rassemblées, samedi 26 décembre, dans le sanctuaire de Nabi Musa, lieu présumé de la tombe du prophète Moïse, près de Jéricho, pour assister à un concert de la DJ Sama Abdulhadi, qui a acquis une notoriété internationale en tant que première DJ palestinienne. Mais l'événement a pris fin plus tôt que prévu : un groupe opposé à l’utilisation du site sacré est venu interrompre les festivités, affirmant que les jeunes consommaient de la drogue ainsi que des boissons alcoolisées.
Destination de pèlerinage, le sanctuaire accueille aussi une mosquée et a été rénové en 2019 pour recevoir plus de visiteurs. Le site religieux et archéologique abrite des chambres d’hôtels et un restaurant.
#شاهد.. فيديو متداول للحفلة الصاخبة التي جرت مساء اليوم في مقام النبي موسى شرق القدس المحتلة. pic.twitter.com/EZ28NFTnif
— Shady Sopoh (@shadysoboh) December 26, 2020
Une vidéo publiée sur Twitter le 26 décembre montre la DJ Sama Abdulhadi entourée de danseurs.
Les premières images du concert publiées sur les réseaux sociaux ont rapidement fait réagir et un groupe d’hommes de Jérusalem s’est rendu sur place pour faire cesser le concert.
Plusieurs vidéos montrent ainsi le groupe d’hommes entrer dans la cour du sanctuaire, faire éteindre la musique et demander aux participants de quitter les lieux. Certains ont refusé, affirmant que l’événement avait été autorisé.
هذا فيديو أثناء طردهم، شوفوا محولين المقام لديسكوا! pic.twitter.com/z0eoJV9sk2
— رؤى أبودية || 💚 (@rua_abudia) December 26, 2020
Dans cette vidéo publiée le 26 décembre, plusieurs hommes arrivent dans la cour du sanctuaire où se déroule le concert et demandent aux participants de quitter les lieux.
— Local Focus - Security Alerts (@LocalFocus1) December 26, 2020
Dans cette vidéo publiée le 26 décembre, un homme allume ce qui ressemble à des feux d’artifice pour pousser les participants à quitter la fête.
Les forces militaires israéliennes sont arrivées sur place peu de temps après l’intervention du groupe d’hommes.
Les vidéos partagées en ligne montrent peu de participants et n’attestent pas de la présence d’alcool ou de drogues. Mais de nombreux internautes se sont indignés sur les réseaux sociaux après des rumeurs évoquant une autorisation délivrée par le ministère palestinien du Tourisme ou par le ministère des Affaires religieuses, qui ont participé au projet de rénovation du sanctuaire en 2019. Les deux ministères ont nié avoir donné leur aval à la tenue du concert.
Cependant, des e-mail obtenus par The New Arab révèlent bien une série d’échanges entre les organisateurs du concert et le ministère du Tourisme, qui gère les zones du site sacré se trouvant à l'extérieur de la mosquée. Ces courriers électroniques montrent que le ministère a approuvé la demande d’utilisation de la cour du sanctuaire pour un spectacle, à condition que l’événement respecte certaines mesures de sécurité, le règlement du site ainsi que son importance religieuse et culturelle.
Des membres de l’équipe de Sama Abdulhadi ont expliqué au New Arab que cet événement s’inscrivait dans le cadre de l’un des projets en cours de la DJ, visant à diffuser des concerts dans des lieux historiques et culturels de Cisjordanie, afin d’attirer l’attention sur eux. La performance faisait partie d’un projet de promotion du patrimoine culturel au Moyen-Orient, à travers de concerts de musique électronique diffusés sur des plateformes comme Beatport ou Twitch.
Ils assurent également qu’il n’y avait pas de boissons alcoolisées ni de drogue en circulation durant le concert, qui a été organisé dans une cour du sanctuaire et non dans la mosquée.
Des appels à la libération de Sama Abdulhadi
Le lendemain de l’événement, la police israélienne a installé un barrage routier près du sanctuaire de Nabi Musa pour en interdire l’accès, mais cela n’a pas empêché des dizaines de Palestiniens d’accéder au sanctuaire pour prier et nettoyer le site.
قوات الاحتلال تحاصر مسجد ومقام النبي موسى في أريحا، خلال قيام شباب مقدسيين بإصلاح أبوابه وتنظيفه pic.twitter.com/KQRPx2FStE
— المركز الفلسطيني للإعلام (@PalinfoAr) December 28, 2020
Les forces de sécurité israéliennes ont surveillé le sanctuaire le 27 décembre, alors que des gens se rassemblaient pour prier et nettoyer le site.
Des meubles et d’autres objets laissés sur place après l’événement ont été déplacés à l’extérieur du sanctuaire pour être brûlés.
— Local Focus - Security Alerts (@LocalFocus1) December 27, 2020
Sur demande du Premier ministre palestinien, une commission d'enquête a été créée et la DJ Sama Abdulhadi a été arrêtée par la police palestinienne le 27 décembre pour son rôle dans l’organisation de l’événement.
Plusieurs associations de défense des droits humains ont appelé mardi 29 décembre à sa libération.
Selon Ammar Dweik, directeur de la Commission palestinienne indépendante des droits de l’Homme, une organisation créée par l’Autorité palestinienne, Sama Abdulhadi avait bien reçu une autorisation pour ce concert. "Nabi Moussa n'est pas un site uniquement religieux mais également touristique (...) et si la musique électronique n'y était pas appropriée, le ministère n'aurait pas dû donner son autorisation", a-t-il commenté auprès de l’AFP. Ammar Dweik a précisé que la détention de la jeune DJ a été prolongée de 15 jours.