ITALIE

Ils ont dit non à la Cosa nostra

Des jeunes de Palerme ont lancé en 2004 un site Web, Addio Pizzo, pour dénoncer le racket dont sont victimes les commerçants siciliens. Ils ont aujourd'hui convaincu près de 200 commerçants de rompre la loi du silence et de refuser de payer le « Pizzo », la taxe mafieuse. Chloe Tucciarelli, l'une des organisatrices de cette campagne, et Riccardo Agnello, un entrepreneur local, nous racontent leur combat contre la Cosa Nostra. Entreprise incendiée à Palerme parce que le propriétaire refusait de payer la taxe mafieuse - 19 août 2007  

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Des jeunes de Palerme ont lancé en 2004 un site Web, Addio Pizzo, pour dénoncer le racket dont sont victimes les commerçants siciliens. Ils ont aujourd'hui convaincu près de 200 commerçants de rompre la loi du silence et de refuser de payer le « Pizzo », la taxe mafieuse. Chloe Tucciarelli, l'une des organisatrices de cette campagne, et Riccardo Agnello, un entrepreneur local, nous racontent leur combat contre la Cosa Nostra.

« Un boulanger doit payer 100 ou 200 euros par mois »

Chloe Tucciarelli, l'une des organisatrices de la campagne Addio Pizzo.

Nous avons lancé cette campagne en 2004, pour en finir avec la loi du silence. Tout le monde sait que les commerçants sont rackettés, mais personne ne disait rien. Ca se passe toujours pareil. Des gars de la mafia passent au magasin et disent qu'ils font une quête pour Noël, ou pour aider les familles de prisonniers. Si le commerçant refuse de payer, ils reviennent et tentent de l'intimider. S'il refuse encore, ils versent de la colle dans la serrure de sa boutique, ou ils lui crèvent les pneus. Et ça peut aller comme ça jusqu'au tabassage en règle. Ils ne tuent plus les commerçants réfractaires, car ils ont compris que c'était contreproductif. De même, ils ne dépassent pas certaines sommes, sinon personne ne pourrait payer. Les prix varient beaucoup, mais, en gros, un boulanger doit payer 100 ou 200 euros par mois. Ca peut aller jusqu'à des dizaines de milliers d'euros pour les grosses entreprises. Aujourd'hui, près de 200 commerçants ont renoncé publiquement à verser le Pizzo. Pour l'instant, nous n'avons pas été menacés par la mafia. Je crois qu'ils ne nous prennent pas encore au sérieux. Mais parmi les commerçants qui ont pris position contre le racket, certains ont eu des problèmes. L'un d'entre eux s'est même fait brûler son entreprise récemment. Notre campagne porte sur la Sicile, où nous vivons, mais c'est un problème qui touche toute l'Italie du Sud. Et même le sud de la France, je crois. »

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« Je n’ai pas voulu payer, et il ne m’est rien arrivé »

Riccardo Agnello, designer et fabricant de meubles à Palerme, a été approché plusieurs fois par la Cosa nostra. Il a toujours refusé de payer.

La première fois qu'ils m'ont appelé, c'était il y a dix ans. C'est ma secrétaire qui a décroché. Ils l'ont menacée et insultée, lui expliquant que je devais me ‘mettre en règle'. C'est leur méthode. En général, après ce genre de coup de fil, on va trouver un intermédiaire, un gars proche de la mafia qui va négocier à notre place. Mais moi je suis allé voir un juge que je connaissais. Il a mis mon téléphone sur écoute, ainsi que ceux d'autres commerçants. Et ça a conduit à l'arrestation de la famille Del Borgo, qui régnait alors sur le centre de Naples.

La deuxième fois, c'était en 2000. Cette fois, c'est un ami antiquaire qui avait été contacté. Ils lui demandaient de payer le pizzo, lui et huit autres antiquaires de la ville. Cette fois je suis allé voir un conseiller municipal de Palerme. Ce conseiller a prévenu la police, qui m'a demandé de les aider à prendre les malfaiteurs la main dans le sac. C'est ce que j'ai fait. J'ai déposé l'argent dans un pot de fleur le long d'une avenue, comme les mafieux me l'avaient ordonné au téléphone. La police a pu les arrêter. Et depuis je n'ai plus de problème. On croit qu'il est très dangereux de ne pas payer le pizzo, mais c'est faux. La plupart du temps, les commerçants payent parce qu'ils pensent qu'ils vont faire copain copain avec les mafieux. Ils paient parce qu'ils ont la même mentalité et qu'ils pensent que ça peut aider leur business. Moi, je viens d'une famille où on a toujours refusé de payer. »

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Un clip de l’association posté sur YouTube

Incendiée pour avoir refusé de payer le pizzo

Cette entreprise était sur le territoire du chef mafieux Salvatore Lo Piccolo, l'un des successeurs du célèbre Bernardo Provenzano. Le patron de l'entreprise, qui dispose aujourd'hui de nouveaux locaux, a toujours refusé de payer le pizzo. Cet incendie a provoqué un tollé au sein de la population locale.