Le long des côtes françaises, des méga-chalutiers traqués pour leurs atteintes à l’environnement
Publié le : Modifié le :
“Bloom”, une ONG française de défense de l’océan, a lancé la page Twitter “Trawl watch” pour sensibiliser le public sur la surpêche près des côtes françaises. Elle s’appuie notamment sur des ressources accessibles en ligne pour traquer les bateaux.
L’ONG française “Bloom”, qui s’est fait connaître pour sa campagne contre la pêche électrique, désormais interdite, continue de dénoncer les pratiques de pêche jugées destructrices au large des côtes françaises. Dans son viseur : les immenses chalutiers qui viennent pêcher en masse dans les bandes côtières françaises (jusqu'à 20 kilomètres vers le large). Certains de ces bateaux mesurent plus de 100 mètres et peuvent pêcher plus de 200 tonnes de poissons par jour pour les plus grands. Sur le compte Twitter “Trawl Watch France”, l’ONG pointe du doigt les navires aux pratiques de pêche jugées dangereuses pour les écosystèmes marins.
Pour repérer leur présence et surveiller leur activité, Bloom traque en ligne plusieurs bateaux grâce à des sites en accès libre tel que "Global Fishing Watch”, qui permettent de suivre les bateaux à la trace grâce à un signal de localisation qu’ils émettent en permanence.
En plus des photos et des vidéos transmises à Bloom par les activistes et les pêcheurs, ces sites sont précieux pour identifier les bateaux aux comportements problématiques, comme l’explique Laetitia Bisiaux, activiste et chercheuse pour l’ONG :
Quand un chalutier pêche, on peut voir [sur ce type de site, NDLR] que sa vitesse se réduit. Il y a aussi un tracé caractéristique, notamment pour les chalutiers de fond, qui font des zigzags quand ils pêchent. Certains algorithmes du site Global Fishing Watch permettent aussi de le déterminer.
9/29 : Nous avons observé un autre géant industriel très près des côtes, dans les 6 milles nautiques, vers Calais : le "Carolien" (126 m de long, 17 m de large).
— Trawl Watch France (@TrawlWatch) March 13, 2023
Celui-ci appartient directement à Cornelis Vrolijk. pic.twitter.com/lHSR4RYgdU
Notre but, c’est de sensibiliser le public en montrant les failles dans la réglementation. Ces immenses bateaux sont faits pour pêcher en haute-mer, ils ont même développé des usines à bord pour transformer le poisson. Ils n’ont rien à faire à cinq kilomètres des côtes. Ils perturbent les écosystèmes côtiers en pêchant massivement, et apportent aussi de la concurrence [déloyale] aux pêcheurs artisanaux.
6/29 : C’est le cas du « Prins Bernhard ». Retenez bien son nom. Nous avons traqué ce chalutier pélagique géant de 88m pendant des semaines.
— Trawl Watch France (@TrawlWatch) March 13, 2023
Le bilan est sans appel : ce monstre a ravagé les eaux côtières françaises, parfois à moins de 6 milles (11 km) de la côte ! pic.twitter.com/olHYhXR90y
Dans l’Union européenne, les chalutiers peuvent pêcher près des côtes, y compris dans les aires maritimes protégées, sans enfreindre la réglementation, qui impose surtout des restrictions en matière d’espèces de poissons pêchés et de techniques de pêche. L’association défend l’ajout d’un amendement à la proposition de loi de restauration de la nature de la Commission européenne, déposée par des députés “Europe écologie - Les Verts” et “La France Insoumise”, pour réserver la bande côtière (environ 20 kilomètres vers le large) aux bateaux de moins de 25 mètres.
La trajectoire des bateaux en ligne permet aussi de mettre à jour des pratiques illégales de pêche. Bloom a déposé une plainte auprès du Procureur de la République du Havre et de Boulogne-sur-Mer le 20 février dernier contre quatre chalutiers belges et néerlandais. L’itinéraire de ces chalutiers, couplé à des vidéos publiées par l’équipage sur les réseaux sociaux, constitue selon l’ONG des preuves “légitimes” qu’ils auraient pêché du bar dans les eaux françaises sur sa période de reproduction, ce qui est interdit.
🚨 PLAINTE HISTORIQUE : pour contrer l’impunité des destructeurs de l’océan et des animaux marins, nous avons décidé de déposer une plainte pénale.
— Laetitia Bisiaux (@Laeti_Bisiaux) February 20, 2023
Message aux industriels cupides : l’urgence pour le climat et le vivant est telle que nous ne laisserons plus RIEN passer. 🧵 https://t.co/3WaMBsUlD9
“On veut que ça devienne de plus en plus compliqué d’avoir des pratiques destructrices pour l’environnement”
Les sites permettant de tracer en ligne les bateaux sont bien connus des activistes de défense de l’océan. Grâce à ces ressources, la rédaction des Observateurs de France 24 avait révélé les pratiques de pêches illégales de plusieurs chalutiers chinois à travers le monde.
>> LIRE SUR LES OBSERVATEURS : Ligne directe : comment enquêter sur les douteuses pratiques des flottes chinoises
C’est aussi pour sensibiliser le grand public sur ce type de ressource en ligne que “Trawl Watch” est née selon Laetitia Bisiaux:
Beaucoup d’utilisateurs Twitter connaissent le compte L’avion de Bernard [qui permet de suivre les déplacements des jets privés, NDLR] et savent désormais qu’on peut tracer les avions. Ça marche tellement bien que les gens se cachent presque pour utiliser leur jet, ce qui montre que les pratiques ont changé. On veut que ce soit pareil pour les bateaux, que ça devienne de plus en plus compliqué pour ces chalutiers d’avoir des pratiques destructrices pour l’environnement.
C’est notre initiative, mais peut-être que d’autres personnes commenceront à repérer d’eux même les chalutiers aux mauvaises pratiques. Là, ce serait gagné.