Que sait-on de l’arrestation de Greta Thunberg en Allemagne, soupçonnée d’être une mise en scène ?
Mardi 17 janvier, l’activiste suédoise Greta Thunberg a été arrêtée lors d’un sit-in à Lützerath, en Allemagne, à l'occasion d'une mobilisation contre l'extension d'une mine de charbon à ciel ouvert. Une vidéo publiée sur Twitter où elle prend la pose pour les photographes alors qu’elle est tenue par des policiers a été vue dix millions de fois en deux jours. Ces images ont alimenté les accusations d’une "mise en scène" et d’une "fausse arrestation". Pourtant, la séquence complète ne permet pas d’étayer cette allégation, et un journaliste sur place ainsi que la police allemande ont nié ces accusations.
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La vérification en bref
- La vidéo a été filmée par un journaliste de l’agence Reuters. Dans la séquence complète, on voit Greta Thunberg d’abord dans le sit-in au milieu d’autres activistes, puis embarquée, tenue par les mains et les pieds, par la police, avant qu’elle ne soit remise debout par les agents et photographiée par la presse.
- Un journaliste de Reuters affirme ne pas avoir été informé en amont de la venue de l’activiste et l’avoir découverte lors de la couverture de l’événement.
- La police d’Aix-la-Chapelle dit ne pas avoir arrêté formellement Greta Thunberg et avoir laissé les journalistes prendre quelques photos afin de ne pas entraver leur travail avant d’emmener l’activiste suédoise dans un bus pour contrôler son identité.
Les détails de la vérification
"L'arrestation fake de G. Thunberg lors d’une manif en Allemagne… préparez les caméras, etc. Vraiment une imposture", s’indigne un utilisateur de Twitter en partageant une vidéo où on voit l’activiste suédoise, souriante, se faire photographier alors qu’elle est tenue par deux policiers, avant que ces derniers ne l’emmènent au loin.
Greta Thunberg a participé le 17 janvier à une mobilisation d’activistes qui dénoncent un projet d’agrandissement d’une mine de charbon, lequel aurait pour conséquence de raser le village de Lützerath, dans l’ouest de l’Allemagne.
Pour de nombreux utilisateurs, la séquence de l’arrestation est la preuve que tout était préparé et mis en scène pour les médias, et que l’arrestation de Greta Thunberg serait donc fausse. La vidéo la plus vue, avec une légende en anglais, atteignait les 11 millions de vues au 19 janvier.
Mais que voit-on dans la vidéo dont vient cette séquence ? Les images ont été filmées par l’agence Reuters et sont disponibles sur son site Internet.
Dans la séquence complète, on voit d’abord Greta Thunberg au milieu des autres manifestants, assise. Des policiers l’attrapent par les pieds et les mains avant de l’extirper du sit-in et de la porter sur plusieurs mètres. C’est à partir de la 30e seconde de cette vidéo que commence la séquence où Greta Thunberg sourit avec les deux policiers à côté d’elle. Elle esquisse d’ailleurs ce sourire car un autre manifestant à côté d’elle, également emmené par la police, lui dit : "Hé, je ne savais pas que tu étais célèbre ! On prend un selfie ?", ne l’ayant visiblement pas reconnue auparavant ou cherchant à faire une blague.
Les journalistes présents sur place étaient-ils au courant de la venue de l’activiste suédoise ? Contactée par la rédaction des Observateurs de France 24, l’équipe de Reuters ayant couvert l’événement affirme qu’elle n’avait pas été informée que Greta Thunberg allait se joindre à cette manifestation, et l’avoir découvert au moment où elle a rejoint le sit-in.
La police allemande affirme avoir laissé la presse faire son travail
Mais alors, du côté de la police allemande, pourquoi a-t-on permis à Greta Thunberg de poser devant des journalistes pour qu’ils la prennent en photo ? Contactée par la rédaction des Observateurs de France 24, la police d’Aix-la-Chapelle, dont dépend la région de Lützerath, précise :
Nous ne savions pas que Greta Thunberg serait là. Mais nous ne procéderions jamais à des mises en scène, car nous ne sommes pas des figurants de Greta Thunberg. Il faut plutôt demander à Madame Thunberg pourquoi elle a voulu attirer l’attention sur elle.
Au cours de la mission, il y a eu des critiques isolées selon lesquelles le travail de la presse a été entravé. Et lorsque nous laissons la presse faire son travail et prendre des photos, cela poserait problème désormais ?
Cela montre à quel point il est difficile de plaire à tout le monde. Nous avons toujours dit qu'il était important que la police permette le reportage et garantisse la protection des journalistes dans les situations critiques. Les deux ont été possibles ce jour-là et c'est pourquoi les journalistes ont pu faire leur travail.
Tout le groupe de personnes, y compris Greta Thunberg, a dû donner ses coordonnées à la police, mais ils n'étaient pas en état d'arrestation [Greta Thunberg a effectivement été emmenée ensuite dans un bus de police avant d’être rapidement relâchée selon Reuters, NDLR].
Dans un tweet le 18 janvier, Greta Thunberg a de son côté déclaré : "Hier, je faisais partie d'un groupe qui a protesté pacifiquement contre l'expansion d'une mine de charbon en Allemagne. Nous avons été arrêtés par la police puis détenus, mais nous avons été relâchés plus tard dans la soirée. La protection du climat n'est pas un crime."
Yesterday I was part of a group that peacefully protested the expansion of a coal mine in Germany. We were kettled by police and then detained but were let go later that evening.
— Greta Thunberg (@GretaThunberg) January 18, 2023
Climate protection is not a crime.#LuetziBleibt #LuetziLebt #KeepItInTheGround #ClimateJustice
Greta Thunberg, égérie des médias controversée et cible des intox
Greta Thunberg n’en est pas à son premier coup d’éclat médiatique : elle s’est d’ailleurs fait connaître par une grève scolaire devant son école pour dénoncer "l’inaction climatique" en 2018.
En août 2019, elle traverse l’Atlantique en voilier pour se rendre à une manifestation pour le climat en marge du sommet de l’ONU. Lors de ces manifestations, elle se rend aussi devant la Maison Blanche pour interpeller le président américain Donald Trump.
#GretaThunberg à une manif pour le climat avec de jeunes activistes américains devant la Maison Blanche. Ne s’exprime pas pour l’instant. pic.twitter.com/F1iWFaRfby
— Sonia Dridi (@Sonia_Dridi) September 13, 2019
Les journalistes, friands de sa présence, n’hésitent pas à allègrement la filmer ou la photographier, renforçant chez certains la perception d’une égérie construite par les médias, et d’une collusion avec les journalistes, sans aucune preuve réelle. Pour certains analystes spécialistes du prix Nobel, sa popularité et cet aspect controversé seraient parmi les raisons faisant qu’elle n’aurait pas à ce jour obtenu le prix Nobel de la paix.
Greta Thunberg est aussi la cible des fausses informations, l’accusant à tort et à travers d’être manipulée par des lobbys, grassement payée, ou de ne pas respecter ses engagements, comme le résumait France Info dans un article en 2019.
La rédaction des Observateurs de France 24 a documenté plusieurs intox visant l’activiste suédoise depuis 2019, à retrouver ci-dessous :
Non, ces photos n’ont pas été prises après un discours de Greta Thunberg au festival de Glastonbury
Greta Thunberg, un fusil à la main ? La ressemblance est frappante, mais...