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Non, rien ne prouve que cet Italien s'est immolé par le feu pour contester les mesures sanitaires

Une vidéo impressionnante montrant un homme en feu s'immoler par le feu devant une station de police. Certains ont affirmé qu'il s'agirait d'un professeur ayant perdu son travail à cause du passe vaccinal. Mais rien ne permet de l'affirmer.
Une vidéo impressionnante montrant un homme en feu s'immoler par le feu devant une station de police. Certains ont affirmé qu'il s'agirait d'un professeur ayant perdu son travail à cause du passe vaccinal. Mais rien ne permet de l'affirmer. © Observateurs

Une vidéo montrant un homme en feu circule sur les réseaux sociaux, affirmant qu'il s'agirait d'un professeur italien qui s’est immolé par le feu après avoir perdu son travail à cause des restrictions sanitaires. Si l’Italie oblige bien les professeurs à compléter leur parcours vaccinal par l’administration de trois doses de vaccin contre le Covid-19, la famille de cet homme a nié cette version et aucun élément factuel ne permet de l’attester.

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Dans la séquence de 25 secondes, on voit un homme en feu devant une station de police. Les légendes – circulant en français, en italien et en anglais – expliquent que l’homme, "un enseignant de 33 ans", s’est "immolé par le feu à Cosenza" une ville du sud de l’Italie, après avoir été "suspendu faute de pass ‘sanitaire’"(sic).

En Italie, depuis le 26 novembre 2021, les enseignants ont l’obligation d’être à jour des vaccinations contre le Covid-19 qu’il s’agisse d’une, de deux ou de trois doses dans les cinq mois suivants la dose précédente. Le document du ministère de l’Éducation italien précise que le non-respect de cette obligation entraîne une suspension de fonction et de salaire, mais pas une rupture du contrat de travail.  

Ce serait donc en opposition à cette obligation que cet enseignant se serait, selon ces publications, immolé par le feu. 

Nous ne publions qu’une capture d’écran de la vidéo et non la vidéo en entier en raison de son caractère choquant. Elle montre l’homme en feu, et deux autres personnes intervenir avec des extincteurs pour tenter de l’éteindre. 

Capture d'écran d'une publication en français, floutée par France 24.
Capture d'écran d'une publication en français, floutée par France 24. © Twitter

Que s’est-il passé ?

La scène s’est bien déroulée devant un poste de police de Cosenza, dans la région italienne de Calabre. Une comparaison des éléments visibles dans la vidéo et de photos du poste de police confirment qu’il s’agit bien du même endroit, un poste en périphérie de la ville gérant la localité de Rende.

Comparaison du lieu de la scène en vidéo (à gauche) et du même endroit sur Google Map au poste de police de Cosenza.. L’homme qui a filmé la scène était au niveau du rectangle vert derrière des haies.
Comparaison du lieu de la scène en vidéo (à gauche) et du même endroit sur Google Map au poste de police de Cosenza.. L’homme qui a filmé la scène était au niveau du rectangle vert derrière des haies. © GoogleMap / Observateurs

Une recherche dans des médias italiens locaux sur l’incident permet de retrouver plusieurs articles expliquant que la scène a eu lieu le 31 janvier. D’autres articles incluent la réaction de la police italienne, qui précise que l’homme travaillait dans une école de la région milanaise et avait demandé quelques jours de congés pour des raisons personnelles afin de se rendre en Calabre, région où il s’est immolé par le feu. 

Aucun témoin venu en aide à la victime n’a été en mesure de lui attribuer une revendication et la police a affirmé qu’il n’était pas connu pour ses positions politiques ou militantes. L’homme a été hospitalisé dans un état grave dans un hôpital de Naples.

La famille dément les rumeurs

Selon le média de vérification des faits italien Open Online, la rumeur de l’immolation de l’homme pour une supposée opposition aux restrictions sanitaires serait liée à une publication sur Facebook du syndicat de l’Union italienne du travail de la province de de Monza et de la Brianza. Celle-ci indiquait notamment : "Il semblerait que l'origine du geste soit la suspension du service pour ne pas avoir effectué la vaccination anti Covid-19."

Ce communiqué, rapidement effacé, a été corrigé par un erratum précisant que les raisons de l’immolation n’étaient pas avérées. Pour autant, plusieurs articles ont emboîté le pas à cette version citant le syndicat comme source. 

Capture d'écran de la publication initial du syndicat italien à l'origine de la rumeur d'une immolation par le feu liée au pass vert en Italie.
Capture d'écran de la publication initial du syndicat italien à l'origine de la rumeur d'une immolation par le feu liée au pass vert en Italie. © OpenOnline

Pour répondre aux rumeurs, la famille de la victime a diffusé un communiqué le 1er février précisant :

"Son geste n'est en aucun cas imputable à une protestation liée au passe vert [le nom du passe sanitaire en Italie, NDLR], étant donné que notre proche avait déjà reçu les injections des deux premières doses de vaccin et attendait la troisième. Nous demandons donc le silence et le respect de la douleur et de la vie privée, malheureusement déjà largement bafouées, aussi pour permettre au personnel soignant d'agir de la meilleure façon possible et sans aucune pression médiatique."

Selon le site italien Lacnews24, l’homme avait été vacciné en août et devait faire sa dose de rappel pour le mois de février.

Malgré ces démentis, plusieurs groupes sur des messageries en ligne comme Telegram ont appelé à se rassembler devant le poste de police de Cosenza où a eu lieu l’incident pour rendre hommage à ce professeur qui, selon eux, "s'est sacrifié pour sauver ce pays et démontrer à tous les Italiens qu'on ne peut plus vivre dans ces conditions".

Capture d'écran d'une publication sur Telegram où un utilisateur appelle à manifester à 15 heures le 3 février devant la caserne de Rende ou a eu lieu l'incident.
Capture d'écran d'une publication sur Telegram où un utilisateur appelle à manifester à 15 heures le 3 février devant la caserne de Rende ou a eu lieu l'incident. © OpenOnline

En résumé

Il n’existe à ce jour aucune indication des motivations de ce professeur italien à s’être immolé par le feu. La thèse d’un acte désespéré à cause d’une suspension de ses fonctions est née d’une rumeur lancée par un syndicat, depuis démentie par le syndicat lui-même, par la police locale et par la famille. Le professeur, dans un état grave actuellement, n’a donné aucune raison de son geste.