Au Sri Lanka, “plus de 10 heures d’attente” pour avoir de l’essence

A gauche : Une file de pousse-pousse, ou rickshaw, automatiques fait la queue à 2 km d'une station-service dans la banlieue de Colombo, le 17 mai 2022. A droite : Des personnes font la queue avec des bouteilles de gaz dans une banlieue de Colombo.
A gauche : Une file de pousse-pousse, ou rickshaw, automatiques fait la queue à 2 km d'une station-service dans la banlieue de Colombo, le 17 mai 2022. A droite : Des personnes font la queue avec des bouteilles de gaz dans une banlieue de Colombo. © Observateurs France 24

La pénurie d’essence qui touche le Sri Lanka, officiellement depuis le lundi 16 mai, a provoqué de longues files d'attente dans les stations-service. La nouvelle s’est ajouté aux troubles généralisés dans le pays, qui connaît sa pire crise économique depuis son indépendance en 1948. Un activiste sri lankais raconte les conséquences concrètes sur le quotidien dans la capitale, Colombo.

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La pandémie de Covid-19 a durement frappé l'économie sri-lankaise, centrée sur le tourisme, laissant le gouvernement avec un déficit important de 2,4 milliards de roupies sri-lankaises, soit 6,3 milliards d'euros. Le pays a puisé dans les réserves de change pour rembourser. La crise a entraîné une dévaluation de la monnaie ainsi que des pénuries de nourriture, de médicaments et de carburant, car le Sri Lanka ne peut plus se permettre d'importer ces biens de première nécessité.

Résultat, le quotidien des Sri-Lankais est désormais fait de pénuries et de longues files d'attente. Des vidéos montrent ainsi, à l'extérieur des stations-service, d'interminables files de voitures ou de pousse-pousse automatiques - aussi appelés rickshaw, un moyen de transport populaire.  

Une vidéo partagée le 17 mai 2022 montre une longue file de voitures faisant la queue devant une station-service à Pannipitiya, une banlieue de Colombo.
Une vidéo partagée sur Twitter le 17 mai 2022 montre une file de pousse-pousse automatique faisant la queue sur 2 km devant une station-service à Peliyagoda, une banlieue de Colombo.

“Les prix des denrées alimentaires et du carburant ont doublé, alors que les revenus n'ont pas évolué”

Prasad Welikumbura est un activiste sri-lankais qui participe aux manifestations dans la capitale Colombo depuis le premier jour.

 

“Les gens doivent faire la queue pendant plus de dix heures pour obtenir du carburant. Cela a affecté le transport des marchandises et des produits de première nécessité, il est difficile de se rendre au travail tous les jours. J'utilise habituellement un taxi pour me déplacer, mais en ce moment, je dois parfois attendre plus d'une heure pour en trouver un. Ça a touché tout le monde dans le pays, et je crois que cela a massivement affecté la productivité des gens et leur contribution au PIB.

Au cours des trois à quatre derniers mois, les prix des denrées alimentaires et du carburant ont doublé. A contrario, les revenus des gens n'ont pas évolué. Il y a une pénurie généralisée de lait en poudre, de bouteilles de gaz, de carburant... Pour aggraver les choses, il y a aussi une pénurie de médicaments et de matériel médical.

Une vidéo montre des personnes faisant la queue avec des bouteilles de gaz propane vides, souvent utilisées pour alimenter des cuisinières à gaz, à Dehiwala-Mount Lavinia, une banlieue de Colombo, le 19 mai 2022.

Certaines industries comme la construction sont complètement à l'arrêt en raison de la hausse du prix des matériaux. Cela a fait perdre à des dizaines de milliers de personnes leur niveau de vie. Parallèlement, les personnes vivant dans des copropriétés et des appartements ne peuvent pas cuisiner en raison de la pénurie de gaz propane liquide.

Comme il s'agit d'une protestation massive et que la participation est généralisée, les revendications des manifestants sont nombreuses. Ils veulent principalement que la famille Rajapaksha sorte de la politique. Ils veulent aussi les mettre derrière les barreaux pour avoir volé l'argent public. Il y a un appel pour un changement de système, mais il n'y a pas d'accord commun sur le type de changement qui doit se produire.”

Les manifestants se sont rassemblés depuis le mois de mars contre le président Gotabaya Rajapaksa, lui reprochant la mauvaise gestion de la pandémie de Covid-19 et les réductions d'impôts qui, selon eux, ont aggravé la situation économique. Ils réclament sa démission. 

En place depuis 2019, le gouvernement de Rajapaksa comprenait également deux de ses frères et deux neveux. Ces derniers ont démissionné début mai . Le nouveau Premier ministre, Ranil Wickremesinghe, a annoncé que le pays n'avait plus qu'une journée d'essence et qu'il ne pouvait plus se permettre d'en importer. Les deux principaux partis d'opposition ont décidé d’apporter leur soutien à ce nouveau gouvernement pour sortir de la crise.

Contestation généralisée 

Pour faire face aux pénuries de carburant, des coupures de courant ont été imposées depuis le 23 février. L'annonce, le 31 mars, de coupures d'électricité quotidiennes de 13 heures avait déclenché la première vague de manifestations qui s'est depuis transformée en contestation généralisée.

Le gouvernement espère que les importations d'essence et de diesel, permises par l’utilisation d’une ligne de crédit indienne, pourront atténuer la crise dans les prochains jours, mais le Premier ministre a averti les citoyens que "les deux prochains mois seront les plus difficiles de notre vie”.