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Inde : deux intox sur des musulmanes ciblées en marge des tensions sur le voile à l’école

Inde : deux vidéos décontextualisées circulent sur les réseaux sociaux, alors que l'interdiction du port du voile à l’école a déclenché des manifestations et des contre-manifestations entre musulmans et hindous.

Inde : deux vidéos décontextualisées circulent sur les réseaux sociaux, alors que l'interdiction du port du voile à l’école a déclenché des manifestations et des contre-manifestations entre musulmans et hindous.
Inde : deux vidéos décontextualisées circulent sur les réseaux sociaux, alors que l'interdiction du port du voile à l’école a déclenché des manifestations et des contre-manifestations entre musulmans et hindous. © Observateurs
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Alors que l’interdiction du hijab dans des écoles du Karnataka, un État du sud de l'Inde, a déclenché des manifestations et des contre-manifestations entre musulmans et hindous, deux vidéos publiées le 8 et le 10 février ont été détournées pour faire croire à des attaques contre les musulmans,  et nourrissent les tensions.

Une vidéo trompeuse d’un homme déguisé avec une burqa 

“Voilà pourquoi le hijab, la burqa, les masques devraient être interdits” affirme ce tweet en anglais, publié le 8 février, et qui cite le ministère indien de l’Éducation nationale.

La scène montre des policiers arrêter un véhicule, puis demander à une femme apparemment enceinte d’enlever son hijab. On découvre alors qu’il s’agit d’un jeune garçon, qui a caché des marchandises sous sa robe et son hijab. 

La vidéo a également été partagée en anglais ici, cumulant 46 000 vues, et en hindi iciici et ici.

En menant une recherche par image inversée via l’outil InVid We Verify (voir ici comment procéder), on retrouve la vidéo en version plus longue. Elle a été publiée sur YouTube le 10 mars 2021 par la chaîne de télévision bangladaise Smile TV. 

La légende indique que la police avait arrêté un homme déguisé en femme enceinte, pour trafic de drogue à Chittagong, la deuxième ville du Bangladesh, située dans le sud du pays.

On remarque également que les policiers de la vidéo portent l'uniforme bleu de la police bangladaise, et non pas l’uniforme beige de la police indienne.

Comparaison de l’uniforme de police bangladais (à gauche) et indien (à droite)
Comparaison de l’uniforme de police bangladais (à gauche) et indien (à droite) © Observateurs

Un article du journal bangladais CVoice24 du 9 mars 2021 explique que la police du poste de Rauzan, un district de Chittagong, a arrêté le 9 mars deux hommes déguisés en femmes enceintes, portant la burqa, alors qu’ils cachaient de la drogue sous leurs vêtements.

L’incident s’est donc déroulé au Bangladesh, non en Inde, et n’a rien à voir avec les manifestations et contre-manifestations autour du port du hijab.

Des garçons opposés au port du voile arrosent les manifestantes ?

Une deuxième vidéo, publiée en ourdou le 10 février sur Twitter par un compte pakistanais qui relaie des informations sur l’islam, prétend montrer des étudiants arroser d'eau sale les femmes qui portent le hijab. La vidéo ne mentionne pas où l’incident se déroulerait. Elle a atteint plus de 105 000 vues.

On voit des garçons arroser avec des seaux d’eau des filles portant des robes et des hijab noirs, dans une allée bordée d’arbres.

Elle a également été partagée en anglais le 9 février ici.

Grâce à une recherche d’images inversées via InVid We Verify, la première occurrence que nous avons trouvée est cette vidéo partagée le 23 février 2019 sur Facebook, qui indique que la scène s’est déroulée à l’université de l’Est au Sri Lanka.

Une autre vidéo de la page Facebook de Lanka Sun News, une page d’information sri-lankaise qui n’est plus active, partagée le 24 février 2019, affirme également que la vidéo est celle d'un bizutage de l'université de l'Est au Sri Lanka.

Le site d'information Puthithu, géré par des Sri Lankais vivant à l'étranger, a interrogé les étudiants de l’université dans un article du 24 novembre 2019. Ceux-ci ont confirmé qu’il s’agissait d’un bizutage.

En recherchant la localisation de l’incident sur Googles Maps puis sur Mapillary, on retrouve la rue bordée d’arbres qui apparaît sur la vidéo.  

La vidéo montre en réalité des étudiants se jetant de l'eau les uns sur les autres lors d'un bizutage dans une université du Sri Lanka, dans une vidéo antérieure au 23 février 2019, et non pendant les manifestations actuelles en Inde.

L'interdiction du foulard dans des écoles du sud du pays déclenche des manifestations de masse

En janvier, des étudiantes d'un lycée du district d'Udupi, dans l'État du Karnataka, ont protesté contre une interdiction mise en place par le lycée de porter le voile dans les salles de classe. D’autres écoles ont suivi, appliquant une interdiction similaire. 

Les manifestations contre l’interdiction du port du hijab ont pris de l’ampleur dans cet État du sud de l’Inde, sur fond de polarisation religieuse, et ont incité les autorités régionales à fermer temporairement les écoles secondaires la semaine du 7 février.

Muskan Khan, une étudiante de l'État du Karnataka qui porte le foulard, est devenue le symbole des manifestations contre l'interdiction du hijab après qu'une vidéo d'elle s’opposant à des manifestants hindous, publiée le 9 février, est devenue virale.

Des militants hindous ont organisé des contre-manifestations, exigeant que le châle de couleur safran, un symbole religieux hindou, soit autorisé dans les écoles. 

En Inde, de nombreuses intox circulent régulièrement à propos des tensions entre la minorité musulmane indienne et les nationalistes hindous, comme expliqué dans des articles précédents

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