Un tigre de Sibérie abattu par balles : un cas loin d'être isolé pour cette espèce menacée
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Un tigre de Sibérie a été retrouvé mort le 20 novembre dans une forêt de la région du kraï du Primorié, dans l'Extrême-Orient russe. Selon l'une des pistes de l'enquête, l'animal protégé pourrait avoir été tué par des chasseurs, cherchant à éliminer un prédateur qui menaçait le gibier. Plusieurs cas de braconnage ont fait scandale en Russie au cours des derniers mois, dont certains impliquant des hauts fonctionnaires.
Une vidéo amateur, publiée par le média russe en ligne Mash le 27 novembre, montre la dépouille du tigre juste après qu'elle a été saisie le 20 novembre. La personne qui filme montre la blessure de l'animal, causée par une arme à feu.
Le tigre de Sibérie est une espèce en danger, selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Avec environ 600 tigres seulement dans l'Extrême-Orient russe, l'animal figure dans le Livre rouge des espèces protégées en Russie, et sa chasse est interdite.
L'organisation à but non lucratif Amur Tiger Center, qui étudie et protège les tigres de Sibérie, a fait écho du drame sur les réseaux sociaux :
La dépouille a été trouvée le 20 novembre à 30 kilomètres du village de Gloubinnoe, précise la direction du ministère de l'Intérieur de la région du kraï du Primorié dans un communiqué du 28 novembre. Selon le ministère, l'alerte a été donnée par le directeur du département de la sécurité économique et de la lutte contre la corruption de la ville de Vladivostok, Ilya Kortchevets, alors en congé. Une enquête pénale a été ouverte pour chasse illégale d'animaux sauvages protégés.
Plusieurs médias russes ont émis des soupçons sur le rôle joué dans la tragédie par Ilya Kortchevets, qui selon eux pourrait avoir lui-même tué le tigre. Le ministère a déclaré qu'il n'y avait à ce stade aucune raison de penser que leur employé soit impliqué dans l'incident.
"Le tigre aurait été tué pendant une partie de chasse nocturne illégale"
L'organisation Amur Tiger Center a été chargée de l'expertise vétérinaire dans le cadre de l'enquête. Son directeur, Sergey Aramilev, explique les circonstances dans lesquelles le tigre pourrait avoir été tué :
Selon une des versions [étudiées dans le cadre de l'enquête, NDLR], le tigre aurait été tué pendant une partie illégale de chasse nocturne aux animaux ongulés [animaux à sabots comme le sanglier, le cerf et l'élan, NDLR]. En voyant le tigre, les braconniers, sûrement pour des motifs de délinquance et d'aversion envers ce prédateur qui chasse lui aussi les animaux ongulés et avec qui ils sont donc en concurrence pour les ressources, ont tiré. Il n'y avait pas d'objectif de revendre le tigre, car la dépouille a été abandonnée dans la forêt.
Chaque année, environ 10 à 15 tigres de Sibérie sont tués par des braconniers en Russie. En juillet 2021, deux braconniers ont été condamnés pour avoir tué Pavlik, un tigre réintroduit dans la nature après un séjour en centre de réhabilitation.
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Le trafic de peaux et d'os de tigre, denrées particulièrement recherchées en Asie, est très lucratif. Il existe cependant d'autres raisons qui poussent les gens à s'en prendre aux tigres, explique Sergey Aramilev :
Il y a du braconnage dit "protestataire", par exemple quand un chasseur pas très sensibilisé à l'écologie décide que le tigre présente une menace pour les animaux ongulés et risque de tous les manger. Ou bien un habitant local, qui décide de "se venger" contre le tigre qui a tué sa vache ou son cheval. Il existe aussi du braconnage "délinquant" – quand quelqu'un tire sur un tigre juste comme ça, sans aucun objectif, pour ainsi dire pour satisfaire ses ambitions. Par exemple, après avoir vu un tigre depuis la fenêtre de sa voiture. Parfois, les gens tirent car ils ont peur, cela peut arriver aussi. Il faut aussi évoquer ceux qui essaient de se faire de l'argent grâce au tigre. Il peut s'agir d'individus, parfois de groupes organisés. Mais ils finissent toujours par entrer dans le champ de vision des forces de l'ordre.
Élans, oiseaux : des députés mis en cause
Pour lutter contre le braconnage, un mécanisme de compensation a été mis en place pour les habitants dont le bétail ou les animaux de compagnie ont été attaqués par des tigres. L'objectif est d'éviter les représailles contre les félins. Une loi adoptée en 2013 punit sévèrement les actes de braconnage envers les animaux protégés.
En 2021, plusieurs hauts fonctionnaires ont été accusés de braconnage en Russie. Un élan mort a été trouvé en octobre dans la voiture du député communiste Valery Rachkine, qui a ensuite avoué l'avoir tué sans disposer de permis de chasse. Le député du parti majoritaire Russie unie Alexander Kramarenko a été identifié en juin sur des photos publiées sur Instagram, où il pose avec un fusil devant des dizaines d'oiseaux morts disposés pour écrire les mots "Chukotka 2021", d'après le nom de la région où se déroulait la partie de chasse. Un autre député a été exclu du parti Russie unie après avoir renversé un élan avec une motoneige en février. La chasse illégale d'animaux protégés est pratiquée par de nombreux VIP, qui ne sont pas toujours condamnés, comme le rapporte le média russe Novaya Gazeta.
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