"Les gens meurent de soif" : des milliers de Soudanais contraints à l'exode
Alors que le monde muslman célébrait l’Aïd-el-Fitr vendredi 21 avril, les affrontements se sont poursuivis au Soudan malgré des appels au cessez-le-feu. Au septième jour des combats entre l’armée régulière et les paramilitaires, de nombreux habitants, qui n’avaient plus ni nourriture ni eau, ont pris le chemin de l’exode. Entre pénuries en tous genres et fuite désespérée vers les zones épargnées par les combats, nos Observateurs racontent le chaos de ces derniers jours.
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À l'origine des combats qui secouent le Soudan depuis le 15 avril, des tensions entre les deux généraux qui dirigent le pays depuis un coup d'État qu'ils ont mené contre la transition démocratique en octobre 2021. Autrefois alliés, Abdel Fattah al-Burhan, chef des forces armées soudanaises (SAF), et Mohamed Hamdan Dagalo, chef des forces paramilitaires de soutien rapide (RSF), se disputent désormais le pouvoir, n'hésitant pas à plonger le pays dans un bain de sang.
Dans la capitale Khartoum, de nombreuses familles sont à court de nourriture alors que l'électricité et l'eau courante sont coupées dans plusieurs quartiers.
"Les Forces de soutien rapide occupent la station d'eau"
Notre Observatrice, Intisar Mahmoud, une habitante du nord-ouest de la capitale, décrit une situation intenable :
Depuis samedi dernier, le 15 avril, nous n'avons ni eau ni électricité dans la zone d'Halfaya-Bahri. Pour obtenir de l'eau potable, les habitants du quartier se rendent dans des zones proches où l'eau n'a pas été coupée et la transportent dans des grands bidons.
J'ai appelé la station d'eau "Bahri", dont nous dépendons. L'un des employés m'a assuré que les Forces de soutien rapide (RSF) occupaient la station et empêchaient les équipes d'ingénieurs d'effectuer les travaux de réparation et de maintenance.
Le quartier où je vis est calme pour le moment, mais des affrontements intermittents avec des armes légères ont lieu dans les quartiers adjacents.
Les combats empêchent aussi le personnel médical d'agir. "70 des 74 hôpitaux de Khartoum et d'autres zones touchées par les combats ont été mis hors d'usage", indique le syndicat des médecins soudanais.
Pénurie de personnel dans une maternité
Abdullah Adam, qui travaille comme infirmier dans une maternité à Khartoum, a lancé des appels désespérés à l'aide sur les réseaux sociaux, l'établissement manquant cruellement de personnel.
Le centre accueille des enfants dont l'âge varie de quelques jours à 5 ans. Ces enfants sont de parents inconnus et manquent de soutien. À l'heure actuelle, il y a plus de 350 enfants dans le centre. Et il y a une pénurie importante de personnel médical et d'équipements. Très peu de mères allaitantes sont disponibles pour s'occuper des bébés. L'alimentation et l'allaitement ne prennent généralement pas plus de quelques heures, mais le nombre de personnes qui se sont manifestées pour aider reste très faible.
Entre 10 000 à 20 000 civils ont fui vers le Tchad voisin, selon l'ONU. De nombreux habitants ont aussi pris la route en direction de la ville de Wad Madani, à quelque 200 kilomètres du sud de Khartoum, dans le gouvernorat d'al-Jazira, épargné par les combats du fait de l'absence d'installations militaires.
Des déplacés de la capitale ont notamment trouvé refuge chez les habitants à Al-Kamlin, une petite commune sur la route de Wad Madani. Une résidence étudiante a en outre été transformée en un centre d'accueil.
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© {{ scope.credits }}"Les gens arrivent avec juste quelques affaires sur les épaules"
À Wad Madani, des membres du comité de résistance (organisation informelle de militants pour la démocratie) ont organisé l'accueil des familles qui ont fui les affrontements. Fadhel (pseudonyme) en fait partie.
Les bénévoles accueillent les familles à la gare routière de Wad Madani, elles sont venues de Khartoum pour beaucoup. Elles sont accueillies dans des écoles et des maisons aménagées par des particuliers.
Une fois reçues à la gare, les familles sont conduites vers leur lieu d'hébergement. Les enfants, les femmes, les personnes âgés et en situation de handicap sont évidemment privilégiés. Les gens arrivent avec juste quelques affaires sur les épaules, ils sont complètement démunis. Certains ont tout laissé derrière eux. Une famille arrivée hier [jeudi 20 avril] n'avait même pas de quoi payer le bus. Des bénévoles s'en sont chargés.
Grâce à des dons, on arrive à fournir de la nourriture aux familles, mais la situation risque de se compliquer au fil des jours, car les prix sont en train de flamber. Un sac de sucre de 50 kg est passé de 30 000 [environ 45 euros] à 42 000 livres soudanaises ces deux derniers jours. Le prix du sac de farine a bondi de 9 500 à 17 000 livres soudanaises.
Beaucoup de familles n'ont pas d'argent. Et les produits de première nécessité manquent, les lentilles, l'huile, les produits d'hygiène etc.
@maazmakawe #نزوح#عشرات#المواطنين. #السودان#الحرب#أذية #أنقذو #الخرطوم#تنزنف #محمد_رمضان #السودان_وطن_للكل . #لا_حول_ولا_قوة_الا_بالله ♬ الصوت الأصلي - Marina@#123
La plupart des organisations humanitaires internationales ont dû suspendre leur aide après que trois employés du Programme alimentaire mondial (PAM) ont été tués au début des affrontements.
Le bilan des combats était vendredi de 413 morts et 3 551 blessés, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).