Solargen Congo : des investisseurs dénoncent une nouvelle arnaque à l'énergie solaire
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Début janvier, la rédaction des Observateurs de France 24 s’est intéressée à la société “Sonnedix Gabon”, une arnaque à la pyramide de Ponzi qui a disparu le 10 janvier après être exposée par notre Observateur. Des lecteurs ont depuis alerté nos équipes sur une société similaire basée en République du Congo, qui emploie les mêmes méthodes. Nous avons enquêté, avant que la société ne disparaisse subitement avec l'argent de nombreux investisseurs le 5 février.
La société “Sonnedix Gabon” avait été l’objet d’alertes de la part de lecteurs et surtout d’un de nos Observateurs gabonais, Boursier Tchibinda, qui usurpait l’identité d’un vrai opérateur international dans le domaine, Sonnedix Holdings.
L’entreprise gabonaise, qui avait une page Facebook et un site internet, se présentait comme une entreprise “fournisseuse d’énergie solaire” qui “offre aux usagers du monde une opportunité d’investissement très rentable et très sûre”. Derrière cette promesse se cachait ce qui semblait être une pyramide de Ponzi, escroquerie où les investissements des derniers entrants du système permettent de financer les gains des premiers investisseurs. Le système s’était effondré mi-janvier faisant perdre à de nombreux Gabonais leurs investissements.
Lire sur les Observateurs : “Tout ça avait l’air si réel !” : les ressorts de l’arnaque pyramidale “Sonnedix Gabon”
Cette escroquerie aurait-elle fait des adeptes dans d’autres pays ? Depuis le mois de janvier, d’autres lecteurs nous ont alertés sur une page Facebook nommée “Solargen Congo”qui se présente comme une entreprise “dans la protection de l’environnement qui a ouvert une autre filiale d'investi[sse]ment”.
Sur sa page Facebook, le système proposé ressemble à s’y méprendre à celui de Sonnedix Gabon : la société propose à ses clients de louer des générateurs pour panneaux solaires et d’investir pour créer de l’électricité. Plus le client investit, plus il peut espérer des rendements importants.
La page Facebook de Solargen Congo diffusait ainsi un tableau identique à celui qui avait été utilisé par Sonnedix Gabon.
Il ne s’agit pas de la seule ressemblance : sur la page Facebook, on retrouvait également des visuels rappelant fortement l’interface utilisée par Sonnedix Gabon, et les mêmes arguments affirmant que le projet est “crédible” ou mettant en avant des témoignages d’utilisateurs qui ont déjà reçu leur argent grâce au système.
Des logos et des noms de société usurpés
La rédaction des Observateurs de France 24 s’est intéressée au logo et au lien indiqué dans la page Facebook.
Le logo mis en avant est celui de la société américaine Solargen US dont l’objectif est, selon son site internet, de “montrer la polyvalence des systèmes photovoltaïques”. Contactée par notre rédaction, la société explique : “nous n'avons rien à voir avec la location de panneaux solaires ou de tout autre projet en Afrique”.
Autre élément douteux : la page Facebook renvoie vers le site Solargentechnologies. Le site est celui d’une autre entreprise, Solargen Technologies, basée au Kenya, mais qui n’utilise pas du tout le même logo, et qui n’a rien à voir avec Solargen US.
Elle se décrit comme une société “fondée pour relever les défis des communautés mal desservies en Afrique : l'énergie, l'eau et la sécurité alimentaire grâce à des pratiques commerciales équitables.”
Les responsables de cette société ont transmis un communiqué à notre rédaction affirmant “nous sommes basés au Kenya et en Somalie, et nous ne faisons pas de publicité pour du travail ou des partenariats en Angola, au Congo, ou en Zambie, et de telles informations ne devraient pas être associées à notre entreprise”.
Des photos de dons ou de conférences pour crédibiliser l’initiative
Autre point commun avec Sonnedix Gabon : la page Facebook Solargen Congo semble vouloir montrer qu’elle mène des activités caritatives. Plusieurs photos sur sa page Facebook montrent des distributions par ses membres, portant des t-shirts Solargen Congo, à des enfants d’écoles rurales congolaises. L’entreprise Sonnedix Gabon avait utilisé le même procédé avant de disparaître dans la nature.
Solargen Congo a même organisé des séances de distribution de cadeaux en offrant à ses futurs membres des bouteilles de vin, des téléviseurs, ou des enceintes bluetooth. Des hommes en uniformes militaires étaient présents lors de ces séances, sans qu’il soit possible de confirmer qu’il s'agissait vraiment de militaires congolais.
La société Solargen Congo est allée encore plus loin en organisant une conférence au Palais des congrès de Brazzaville le 28 janvier. Des photos de l’événement ont été diffusées sur les réseaux sociaux et des membres de Solargen Congo ont affirmé qu’au moins 500 personnes avaient assisté à la rencontre.
Une source travaillant au Palais des Congrès de Brazzaville jointe par notre rédaction a confirmé que cet événement avait bien eu lieu au nom de Solargen Congo, et a précisé que les organisateurs avaient payé “environ 1 million de francs CFA [soit environ 1 500 euros, NDLR] pour louer la salle qu’on voit sur les photos et qui peut accueillir jusqu’à 600 personnes”.
Pour l’heure, il est difficile d’établir si la société SolarGen Congo a convaincu les investisseurs : ses groupes WhatsApp avaient cependant environ 3 000 membres au total au 6 février, signe de la popularité de l'initiative, sans qu'il puisse être possible de savoir si tous ces membres avaient réellement investi.
Sa page Facebook ne comptait au 31 janvier que 180 abonnés, semblait avoir disparu au 6 février, ou avoir été hackée. On pouvait y lire la mention “pipopipo”, pour “pipeau” indiquant que la page avait peut être été modifiée pour dénoncer une escroquerie. Une archive de la page avant sa disparition est visible ici.
Il n’est pas non plus possible d’établir un lien direct entre la société Sonnedix Gabon et Solargen Congo. La copie du modèle du premier par le deuxième, et les nombreuses ressemblances entre les deux sociétés invitent cependant à la prudence.
Contactée et alertée sur le cas de Solargen Congo, Jean-Pierre Nonault, le Directeur Général des Institutions Financières Nationales (DGIFN), a précisé le 9 février :
Le cas de Solargen Congo est très clair : c’est une entité illégale au Congo. Elle ne bénéficie pas de statut légal, et n’avait pas d’agrément pour avoir une activité dans le secteur financier. Solargen Congo n’a d’ailleurs pas rencontré les autorités légales et est rapidement allé sur les médias sociaux, ou a organisé des conférences pour attirer des investisseurs.
Il y a eu des failles car il n’y a pas eu de veille informationnelle suffisante. Nous allons rapidement faire connaître au maximum cette situation. Nous essayons de déployer un système de veille informationnelle prochainement, et prévoyons de développer une application pour mieux informer sur les bons réflexes en matière financière.
Le Directeur Général des Institutions Financières Nationales dit par ailleurs avoir rencontré un responsable de Solargen Congo actuellement “aux arrêts”, qui lui “a confirmé que tout cela était une arnaque”.
La DGIFN avait alerté sur un cas similaire en République du Congo au mois d'avril dernier avec la société "Omega Pro" qui promettait des rendements exorbitants à des investisseurs.
Mise à jour : ajout le 09/02 à 16h30 de la déclaration du Directeur Général des Institutions Financières Nationales de la République du Congo