“Armes à bord” pour “le M23” : intox autour d’un avion de l’armée française stationné en RD Congo
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Depuis le 22 novembre 2022, des comptes Twitter affirment, images à l’appui, qu’un avion militaire français aurait été contraint d'atterrir à l’aéroport de Kisangani, en République démocratique du Congo, alors qu’il était sur le point de ravitailler des "ennemis de la RDC". Mais plusieurs sources congolaises et françaises expliquent qu’il s’agissait en réalité d’une mission de relève d’équipage en route vers l’Île de la Réunion, qui a été contrainte d’atterrir à la suite d'une panne de moteur.
La vérification en bref
- Depuis le 22 novembre, des comptes Twitter partagent des photographies montrant un avion de l’armée française stationné en République démocratique du Congo, à l’aéroport de Kisangani. D’après ces comptes, cet avion chargé "d’armes" aurait été contraint d’atterrir alors qu’il s’apprêtait à ravitailler des "ennemis de la RDC".
- La rédaction des Observateurs a contacté plusieurs sources congolaises et françaises afin de vérifier ces allégations : il s’avère que cet avion militaire s’est posé à Kisangani le 18 novembre 2022, à la suite d'une avarie signalée sur l’un de ses moteurs.
- Le porte-parole du gouvernement de la République démocratique du Congo, ainsi que l'état-major des armées françaises indiquent tous deux que ce vol ne comportait pas d’armes. Parti de France métropolitaine avec une escale effectuée au Tchad et une à venir au Burundi, il avait pour destination finale l’Île de la Réunion où ce vol "de routine" devait seulement procéder à une relève d’équipage.
Le détail de la vérification
"En route pour ravitailler les terroristes du M23, un avion militaire français a atterri à Kisangani en RDC", "Un avion français chargé de bombes et d’armes automatiques a été arrêté à l’aéroport de Kisangani"... Depuis le 22 novembre, ces phrases sont partagées par des comptes Twitter congolais. Ceux-ci diffusent également des images d’un avion de l’armée de l’air française stationnant sur le tarmac de l’aéroport de Kisangani-Bangoka, en République démocratique du Congo.
D’après ces publications qui cumulent plusieurs centaines de retweets, cet avion serait en fait chargé d’armes et de bombes. Il aurait été intercepté, ou bien contraint d’atterrir, alors qu’il s'apprêtait à ravitailler des "ennemis de la République démocratique du Congo", notamment le mouvement rebelle du M23, qui affronte actuellement les forces armées congolaises dans l’est du pays.
Pour vérifier ces allégations, la rédaction des Observateurs de France 24 a contacté plusieurs sources. Tout d’abord, le porte-parole des Forces armées de République démocratique du Congo (FARDC), Sylvain Ekenge, explique avoir été mis au courant de l'atterrissage de cet avion le 22 novembre. Il précise également :
L'avion a émis un signal de détresse et a été autorisé à se poser le 18 novembre à l'aéroport de Kisangani. C'était un avion de l'armée de l'air française qui allait de N'djamena au Tchad vers le Burundi. Les autorités de l'aéroport et les FARDC ont procédé aux vérifications d'usage et, contrairement à ce qu'on peut lire sur les réseaux sociaux, aucune arme n'a été trouvée à l'intérieur.
Il s'avère que l'avion a eu un problème technique et que l'équipage est en attente d'une pièce à changer pour pouvoir redécoller. En attendant, l'équipage est actuellement logé dans un hôtel de Kisangani.
Même son de cloche du côté du porte-parole du gouvernement congolais, Patrick Muyaya, qui a donné une conférence de presse le 22 novembre et transmis les mêmes informations, comme relayé sur Twitter par le journaliste de RFI Pascal Mulegwa.
#RDC🇨🇩: Le ministre @PatrickMuyaya sur l’avion militaire français qui a atterri en détresse à l’aéroport international de Bangoka à Kisangani. @RFI pic.twitter.com/24slxFLpVe
— Pascal Mulegwa (@pascal_mulegwa) November 22, 2022
Enfin, ces explications ont été confirmées et précisées par des sources françaises. Contacté par la rédaction des Observateurs de France 24, le cabinet du chef d’état-major des armées françaises ajoute :
Le CASA CN-235 de l'armée de l'Air et de l'Espace effectuait le trajet de France métropolitaine vers la Réunion (avec une étape prévue à N'Djamena et une autre à Bujumbura, au Burundi) pour une relève d'équipage. Il n'y a pas de fret à bord [pas de transports de cargaisons, NDLR].
L'avion a signalé une panne de l'un de ses deux moteurs au-dessus de la République démocratique du Congo, où il a été dérouté vers l'aéroport de Kisangani pour résoudre le problème. L'avion est actuellement stationné sur l'aéroport de Kisangani, en attente des pièces de rechange et de l'équipe de dépannage qui devraient arriver très prochainement.
Nos confrères du média Politico ont contacté des responsables de la sécurité de l’aéroport de Kisangani, qui leur ont également indiqué que l’équipe envoyée depuis la France métropolitaine pour procéder à la réparation de l’avion devrait arriver en République démocratique du Congo le jeudi 24 novembre.
Les accusations de présence "d’armes" transportées par des militaires français et destinées à des groupes rebelles sont des intox régulièrement partagées, comme récemment au Mali ou plus anciennement en 2021.
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