Intox : une vidéo d’un contrôle routier tendu d'Ivoiriens par des soldats français refait surface
Une vidéo montrant des soldats français procéder à des contrôles à un barrage routier en Côte d’Ivoire indigne des utilisateurs de Facebook. La vidéo est en réalité ancienne puisqu’elle a été filmée le 7 novembre 2004, alors que l’armée française procédait à des contrôles sur un pont d’Abidjan, dans un contexte de fortes tensions militaires et diplomatiques entre la France et la Côte d’Ivoire à la suite de l’attaque de la base militaire française de Bouaké, le 6 novembre 2004.
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La vérification en bref
- Des publications relayées depuis le 14 novembre affirment, vidéo à l’appui, que l’armée française mène des contrôles de véhicules en Côte d’Ivoire. Une de ces publications a été vue plus de 260 000 fois sur Facebook.
- La vidéo date de 2004 et est issue d’un reportage du magazine d’enquête "90 Minutes" de Canal +.
- Des contrôles avaient été menés par des soldats français sur un pont d’Abidjan le 7 novembre 2004, après une nuit où l’armée française avaient tiré sur des manifestants se dirigeant vers une base militaire de l’armée française dans le sud de la ville.
Le détail de la vérification
"Les Français contrôlent les Ivoiriens. Ivoiriens, Ivoiriennes, réveillez-vous! Il n'est pas encore tard. Prévenir vaux mieux que guerrir (sic)", affirme une des publications relayant une vidéo où l’on voit des soldats français contrôler des conducteurs en Côte d’Ivoire. Les échanges sont tendus, les conducteurs reprochant aux soldats leur comportement méprisant.
Une des publications relayant la vidéo a été vue plus de 268 000 fois, au 23 novembre, sur Facebook
Comme le détaille le site de vérification ivoirien Eburnie Today, la vidéo est loin d’être récente. La qualité de l’image le suggère déjà, et plusieurs utilisateurs le font remarquer dans les commentaires.
Une recherche de la vidéo avec l’outil InVid Weverify permet de retrouver un reportage intitulé "extrait 90 Minutes Côte d'Ivoire novembre 2004", publié en 2016 par la chaîne Dailymotion "Utopitape", spécialisée dans le transfert d'archives télé sur cassettes VHS vers les plateformes numériques.
On peut confirmer qu’il s’agit du magazine d’enquête "90 Minutes" car son présentateur de l’époque, Paul Moreira, ainsi que le logo de l’émission sont visibles à la 42e minute de la vidéo.
À partir de 6’49 dans cette vidéo, on retrouve le même véhicule contrôlé que dans la vidéo publiée récemment sur Facebook.
Les premières minutes du reportage, diffusé en 2004 par le magazine d’enquête de Canal + "90 Minutes", permettent de comprendre le contexte initial : le 6 novembre, l’armée ivoirienne menait une opération pour reprendre le contrôle du nord du pays aux forces rebelles dirigées par Guillaume Soro.
Deux avions ivoiriens déployés pour attaquer les rebelles avaient alors bombardé par surprise un camp de la force de paix française à Bouaké, chargée de faire tampon entre les deux camps. Cette force de paix, mise en place à partir de 2002 dans le cadre de l’opération Licorne, se devait d’être complémentaire de la mission des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI), opérationnelle de 2004 à 2017.
En représailles du bombardement de son camp, l’Armée française avait détruit l’intégralité de la force aérienne ivoirienne. Elle avait notamment tiré sur des civils en colère se dirigeant dans la nuit du 6 au 7 novembre en direction de la base française du 43e BIMA, dans le sud d’Abidjan. C’est ce que documente le début du reportage de "90 Minutes".
La vidéo du contrôle routier est ainsi filmée le lendemain, 7 novembre 2004, alors que les soldats français patrouillent sur les ponts Charles-de-Gaulle et Houphouët-Boigny, seuls accès vers le sud de la ville.
La vidéo avait d’ailleurs déjà circulé en mai 2022, avec des légendes très similaires, et sans non plus préciser qu’elle était ancienne, comme le montrait déjà l’AFP Factuel.
Qu’en est-il de la présence française en Côte d’Ivoire ?
Ce sont les Forces françaises en Côte d’Ivoire (FFCI), créées le 1er janvier 2015, qui sont actuellement présentes dans le pays dans le cadre d’un partenariat de défense actif depuis 2012. Elles ont un statut de "force de présence", selon le site de l’Armée française, et n’ont en tout cas pas vocation à effectuer des contrôles routiers.
Les FFCI ont récemment été la cible d’une autre intox, des publications en ligne les accusant d’avoir quadrillé la ville ivoirienne de San Pedro dans le but de fomenter "un coup d’État". Mais il s’agissait d’opérations de routine menées avec l’armée ivoirienne et prévues de longue date, comme nous l’expliquions dans cet article.