Maroc : des migrants tentent aussi de rejoindre Ceuta par la mer malgré une météo difficile

Des candidats à l’immigration quittent les plages de Tanger pour tenter de gagner Ceuta, le 17 mai 2021.
Des candidats à l’immigration quittent les plages de Tanger pour tenter de gagner Ceuta, le 17 mai 2021. © Twitter

Des milliers de migrants qui se trouvaient au Maroc sont entrés depuis le 17 mai dans l'enclave espagnole de Ceuta. Le phénomène fait suite à des tensions diplomatiques entre l’Espagne et le Maroc, accusé d’avoir intentionnellement relâché le contrôle de ses frontières. Si des migrants sont passés par la frontière terrestre, d’autres ont rejoint l'enclave par la mer, depuis les villes jouxtant Ceuta ou même depuis Tanger, comme le montrent plusieurs vidéos.

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Un nombre record de migrants sont entrés à Ceuta sur la seule journée du 17 mai. Selon les estimations, ils étaient environ 8 000, dont 1 500 mineurs.

Des milliers de migrants sont entrés à Ceuta en contournant à la nage la barrière séparant le territoire marocain de cette enclave espagnole, depuis la plage de Tarajal.

Des milliers de migrants sont entrés à Ceuta en contournant à la nage la barrière séparant le territoire marocain de cette enclave espagnole, depuis la plage de Tarajal.

Des migrants sont même partis de plus loin : des vidéos publiées sur les réseaux sociaux et également envoyées à la rédaction des Observateurs montrent des personnes embarquant depuis Tanger, une ville portuaire située à 40 kilomètres de Ceuta et où se retrouvent beaucoup de candidats à l’immigration en Europe du fait de sa proximité avec l’Espagne continentale, située à 14 kilomètres. Les conditions météo du 17 mai ne permettaient pas aux migrants de traverser le détroit de Gibraltar, mais l’assouplissement des contrôles des gardes-côtes marocains les a incités à rejoindre Ceuta par la mer.

"Certains portaient des gilets de sauvetage et d'autres des chambres à air de voiture"

Notre Observateur Sedrick Kouayi travaille avec l’ONG Humanisme sans frontières, et a été témoin du départ de plusieurs embarcations de la plage d’Akabar à Tanger, malgré des conditions météo peu favorables.

Le dimanche 16 mai dans la matinée, certaines vidéos ont commencé à circuler pour dire qu’il n’y avait pas les militaires assurant la sécurité des plages et empêcher les personnes de traverser. L'information a pris de l'ampleur et les personnes ont commencé à se diriger vers la plage d’Achacar à Tanger.

Après l’assouplissement des contrôles aux frontières marocaines, des migrants quittent la plage de Tanger en bateau.

 

"Normalement, il est impossible de poser une embarcation en plein jour sur une plage aussi ouverte"

La situation était compliquée, j'ai pu constater par moi-même les difficultés qu'avaient les personnes à la plage pour embarquer. La météo était très agitée, il y avait de fortes vagues. À la plage, il y avait d’un côté des familles profitant du soleil et de la baignade, et d'un autre, des personnes migrantes d'origine subsaharienne essayant d'embarquer. Parmi les plaisanciers, certains ont apporté leur aide aux migrants.

La majorité des personnes migrantes sur la plage avaient des embarcations gonflables. Certains portaient des gilets de sauvetage et d'autres des chambres à air de voiture. Les gens étaient excités à l’idée d’embarquer, je dirais qu'ils étaient désespérés mais pas effrayés.

Notre Observateur dit ne pas savoir si ces embarcations ont pu rejoindre ou non Ceuta.

Des migrants quittant Tanger pour tenter de rejoindre Ceuta.

 

Normalement, il est impossible de poser une embarcation en plein jour sur une plage aussi ouverte sans se faire repérer par les agents de sécurité, mais à leur grande surprise, ce lundi, il n'y en avait aucun. Il y avait sur la plage des secouristes, qui d'ailleurs ont porté secours à une ou deux personnes sur le point de se noyer.

Depuis le début du mois de ramadan [mi-avril, NDLR], les personnes migrantes parlaient d'une éventuelle ouverture des frontières par le Maroc. Sur WhatsApp et Facebook, des messages vocaux relayant cette rumeur étaient partagés, ce qui a motivé certaines personnes, y compris dans les villes qui ne sont pas directement proches des côtes, à se rapprocher de Ceuta.

Le relâchement du contrôle des autorités marocaines est lié à une montée des tensions entre l’Espagne et le royaume chérifien. Mi-avril, l’Espagne a accueilli, pour des soins, Brahim Ghali, le leader du Front Polisario, affecté par le Covid-19. Le Front Polisario est un groupe armé qui lutte pour l’indépendance du Sahara occidental, un territoire que le Maroc considère comme lui appartenant.

Des troupes espagnoles déployées à Ceuta

Le 18 mai, des troupes espagnoles ont été déployées à Ceuta pour tenter de contenir le flux de migrants. Des véhicules blindés se sont alignés sur la place alors que les soldats faisaient face à des centaines de migrants tentant de passer la frontière.

Après l'entrée de milliers de migrants à Ceuta, des troupes espagnoles ont été déployées dans l’enclave.

Des vidéos postées sur les réseaux sociaux montrent des centaines de personnes dans les rues de Ceuta, dont des migrants dans une file d’attente de la Croix-Rouge, attendant d’être enregistrés par les autorités. D’autres tentaient de monter sur des bateaux effectuant la traversée du détroit de Gibraltar, vers l’Espagne continentale.

Au moins 1500 migrants qui sont entrés à Ceuta seraient mineurs.

Le Maroc est un partenaire clé de l’Union européenne pour réguler les flux migratoires illégaux : le pays affirme avoir empêché 70 000 migrants illégaux de traverser vers le Vieux continent en 2019.

Ces migrants cherchent particulièrement à entrer à Ceuta ou Melilla, les deux enclaves espagnoles sur le continent africain, frontalières du Maroc. Près de la moitié des migrants qui avaient atteint Ceuta en ont été expulsés, à la suite de l’intervention militaire espagnole. Mais les près de 1 500 mineurs entrés dans l’enclave sont légalement autorisés à rester en territoire espagnol.