Russie

Catastrophe écologique au Kamtchatka : "Des phoques ont été retrouvés morts sur le rivage"

Photos publiées sur Instagram par Anton Morozov (snowave_kamchatka).
Photos publiées sur Instagram par Anton Morozov (snowave_kamchatka).
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Des centaines d’animaux morts ont été retrouvés échoués sur une plage de la péninsule de Kamtchatka dans l’Extrême-Orient russe le 3 octobre. Si l’origine de cette catastrophe écologique reste pour l’heure inconnue, les soupçons se portent sur la rivière Nalycheva, à côté de laquelle se trouve une décharge de produits chimiques. Des surfeurs se plaignaient déjà depuis plusieurs semaines de brûlures aux yeux après s’être baignés dans l’océan. L’un d’entre eux explique pourquoi ils ont lancé l’alerte sur les réseaux sociaux.

 Le 2 octobre, Kristina Rosenberg, guide touristique et habitante de la région, a publié sur Instagram une vidéo montrant des pieuvres, des étoiles de mer et des oursins morts et échoués sur une plage.

Vidéo publiée sur Instagram par kristy_rozenberg le 2 octobre.

Ces images ont été filmées dans la baie de Malaïa Lagernaïa, près de la ville de Petropavlovsk-Kamtchatski, où se trouve un récif prisé par les plongeurs. Greenpeace a repris ces images dans un tweet partagé plus de 1 600 fois.

Tweet publié par Greenpeace Russie (@greenpeaceru) le 3 octobre.

La catastrophe semble être loin d’être endiguée : le 8 octobre, d’autres animaux morts ont encore été retrouvés sur le rivage, comme en témoignent les images partagées par l’opérateur touristique Freeride Travel sur Instagram.

Photos publiées sur Instagram par freeride_travel le 8 octobre.

Une origine encore inconnue

Le gouverneur du kraï de Kamtchatka, Vladimir Solodov, a demandé sur Instagram que des analyses d’eau soient effectuées, répondant à l’appel d’un club de surfeurs. Les premiers résultats indiquent des niveaux excessifs de produits pétroliers, de phosphate (10,8 fois supérieur à la norme), de fer (6,7 fois) et de phénol (2,9 fois), selon le service fédéral de supervision de l’environnement Rosprirodnadzor. Une carte interactive publiée sur le portail officiel du gouvernement régional permet d’accéder aux résultats par localité.

Une enquête pénale a été ouverte pour découvrir l’origine de cette pollution. Les autorités envisagent plusieurs pistes : des causes naturelles liées à l’activité sismique ou volcanique, ou bien des causes liées à l’activité humaine.

Dans une vidéo qui a commencé à circuler sur WhatsApp et Telegram le 5 octobre, on voit de la mousse orangée et une substance huileuse jaunâtre au fond d’un cours d’eau. La personne qui filme se présente comme faisant partie d’une équipe de chercheurs de l’agence fédérale de pêche, de l’institut d’océanographie KamtchatNIRO et affirme se trouver le long d’un affluent de la rivière Nalycheva, qui se jette dans l’océan.

Vidéo publiée sur la chaîne @spastiokean sur l'application de messagerie Telegram le 5 octobre.

Des chercheurs de l’Université fédérale d’Extrême-Orient affirment également avoir observé, lors d’un vol en hélicoptère avec le gouverneur, une traînée de supposées microalgues dans ces rivières. Des observations cohérentes avec les résultats des analyses, qui y révèlent des niveaux de phosphate, de fer et de phénol anormalement élevés.

"Certains d’entre nous ont eu des brûlures chimiques aux yeux, un plongeur a même eu des brûlures aux mains"

Ces découvertes interviennent après que des surfeurs se soient plaints sur les réseaux sociaux de brûlures aux yeux et de gênes dans la gorge après avoir passé du temps dans l’océan. 

Rasul Gadjiev est un moniteur de surf du club Snowave Kamtchatka, basé un peu plus au nord sur la plage de Khalaktyrski.

 

La première fois, c’était autour du 12 septembre. En sortant de l’eau, nous avions comme un voile devant les yeux, nous ne voyions rien. Nous avons d’abord cru à une insolation. Puis, quand nous y sommes retournés par un temps maussade et avons ressenti la même chose, nous avons compris que quelque chose n’allait pas. L’eau de l’océan avait pris un arrière-goût métallique, elle était devenue jaunâtre, une mousse étrange était apparue à la surface. Certains d’entre nous ont eu des brûlures chimiques aux yeux, un plongeur a même eu des brûlures aux mains.

Photo publiée sur Instagram par Anton Morozov (snowave_kamchatka) le 4 octobre.

Après la tempête qui a duré du 25 au 28 septembre, ses collègues surfeurs ont continué à observer les mêmes symptômes en sortant de l’eau.

 

Nous avons aussi remarqué que les phoques se comportaient bizarrement : d’habitude, ils montent brièvement à la surface, puis redescendent au fond de l’eau, où ils se sentent bien. Là, ils restaient à la surface, sans aller sous l’eau. Le lendemain, j’ai vu des vidéos qui montraient ces phoques échoués sur le rivage, morts.

Photo publiée sur Instagram par Anton Morozov (snowave_kamchatka).

Selon Rasul Gadjiev, les soupçons des habitants se portent notamment sur la déchèterie chimique de Kozelski, implantée en 1979 entre le volcan Avachinski et l’océan. Non loin de là s’écoule un affluent de la rivière Nalycheva.

Il affirme n’avoir jamais rien vu de tel auparavant :

 

D’habitude, lorsqu’un oursin est rejeté sur la plage après un orage, il peut rester vivant encore quelques jours, on peut le voir en ouvrant sa coquille. Là, ces animaux étaient déjà morts, l’orage a juste rejeté leur cadavre sur la plage.

Pendant ce temps, les habitants de la ville et leurs enfants continuent de se promener sur la plage. Même sans entrer en contact avec l’eau, lorsque le vent souffle depuis l’océan, ils commencent à avoir mal à la gorge, un peu comme si on avait pulvérisé du gaz poivré. C’est un danger, car comme on ne connaît pas la source de la pollution, on ne peut même pas savoir quelles en seront les conséquences.

Article écrit par Poline Tchoubar.