FRANCE

Envoyer des tonnes de blé au Liban : l’initiative en ligne d’un agriculteur français

A gauche, une tonne de blé réquisitionnée par l'agriculteur laitier Régis Desrumaux. Le sac de blé est décoré en hommage aux victimes de Beyrouth. A droite, l'agriculteur céréalier Vincent Guyot a lancé une campagne de dons.
A gauche, une tonne de blé réquisitionnée par l'agriculteur laitier Régis Desrumaux. Le sac de blé est décoré en hommage aux victimes de Beyrouth. A droite, l'agriculteur céréalier Vincent Guyot a lancé une campagne de dons.
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Un agriculteur français de l’Aisne, dans le nord de la France, a lancé une campagne sur les réseaux sociaux afin de récolter du blé pour soutenir les victimes de l’explosion survenue le 4 août à Beyrouth, au Liban. Sa vidéo a été vue plus de 60 000 fois depuis sa publication le 10 août, ce qui a incité d’autres agriculteurs à rejoindre le mouvement. Malgré l’enthousiasme des protagonistes, transporter et stocker le blé jusqu’au Liban s’avère être compliqué.

Le 10 août, Vincent Guyot, un agriculteur céréalier issu de l’Aisne, a posté une vidéo sur Twitter pour promouvoir sa campagne de soutien. Dans l’extrait, il interpelle Julien Denormandie, le ministre français de l'Agriculture, et la journaliste franco-libanaise Léa Salamé afin de relayer la campagne.

Je suis prêt à donner une tonne de blé pour le Liban. Mais moi, simple agriculteur céréalier du nord de l’Aisne, je n’ai pas les moyens opérationnels pour organiser cette chaîne de solidarité. Aidez-moi à l’organiser pour qu’on puisse faire du concret pour ce pays.

Dans cette première vidéo, l'agriculteur français Vincent Guyot appelle les agriculteurs de France à donner une tonne de blé pour la collecte au profit des victimes de Beyrouth.

 

“Poster un tweet, c’est facile. Mener à bout une opération humanitaire est très différent”

L’agriculteur tient ses followers informés de l’évolution de la campagne à travers le hashtag #UneTonnedeBlePourleLiban. Vincent Guyot explique à la rédaction des Observateurs de France 24 :

Je suis un agriculteur et un producteur de blé. De mon point de vue, cette campagne de donation est plus concrète que de donner de l’argent. Aujourd’hui, nous avons commencé à communiquer à ce propos, mais la phase opérationnelle n’a pas encore vu le jour. J’espère que la semaine prochaine ce sera le cas. C’est simple de poster un tweet, mais mener une opération humanitaire est très différent. Cela prend plus de temps.

Cette année, entre 29 et 30 millions de tonnes de blé ont été récoltés en France. Or, le marché domestique français n’en consomme que 15 à 20 millions. Récolter ce blé pour le Liban ne devrait pas poser de problème pour le marché français.

Puisque la campagne est encore à ses débuts, difficile d’estimer la quantité de blé qui sera récoltée. Une dizaine de jours après la publication de sa première vidéo, le projet de Vincent Guyot attend toujours un soutien du gouvernement. L’agriculteur affirme ne pas être en capacité de transporter à lui seul plusieurs tonnes de blé de la France au Liban, un trajet de plus de 4 000 km.

Jean Yves Le Drian et d’autres hommes politiques sont tagués dans cette vidéo publiée le 17 août.

 

“Beaucoup d’agriculteurs de ma région m’ont écrit car ils veulent participer à l’initiative”

Régis Desrumaux est un agriculteur en élevage laitier dans l’Oise. Après avoir vu la vidéo de Vincent Guyot, il s’est engagé à donner une tonne de son blé au profit de la campagne. Il raconte :

 

J’étais choqué de voir ce qui est arrivé à Beyrouth. Lorsque j’ai vu l’appel de Vincent Guyot sur les réseaux sociaux, je me suis dit que nous devions y contribuer. Notre métier consiste à alimenter les gens. C’est toujours plus facile de donner [de sa récolte] lorsqu’on est producteur. Une tonne de blé peut aider bien plus qu’un euro.

Beaucoup d’agriculteurs de ma région m’ont écrit car ils voulaient y participer. Nous sommes encore dans la première phase [de la collecte], à la case départ. 

“On a aussi besoin d’aide pour reconstruire des cellules de stockage des aliments”

Dr. Serge Zaka est un agronomiste libanais vivant en France. Il a fui la guerre civile au Liban avec sa famille en 1991. Il a retweeté la publication de Vincent Guyot afin d'attirer l’attention sur la campagne.

 

La campagne est intéressante, car le blé est réellement un aliment de base dans la nourriture libanaise pour fabriquer de la farine et du pain.

Je ne m’inquiète pas des conditions de transport car nous sommes en France et nous sommes habitués à transporter du blé. Mais on ne peut pas simplement envoyer du blé n’importe où, n’importe comment. Beaucoup de silos autour de Beyrouth ont été détruits par l’explosion.

Il est important de fournir plusieurs types de blé. On fabrique du pain avec certaines variétés, et des pâtisseries avec d’autres. Nous devons donc nous assurer que les donations de blé sont diversifiées. Nous ne pouvons pas fournir uniquement du blé pour le pain car les populations ont besoin aussi d’autres variétés de blé.

Le Liban a aussi besoin d’aide pour reconstruire des cellules de stockage des aliments et regagner un peu d’autonomie. C’est une priorité qu’il faut prendre en compte avant d’envoyer de grandes quantités d’aliments. Les silos peuvent entre temps être fabriqués à Chypre pour y stocker le blé par exemple.

En tant que libanais, je suis très content de cette campagne. J’ai un doctorat en agrométéorologie et j’ai étudié en France. Au fond, je suis franco-libanais. Je suis arrivé en France pour mes études et pour fuir la guerre civile dans mon pays. À travers cette campagne, je sens que je rends quelque chose au Liban, même à distance.

Actuellement, les politiques français interpellés n’ont pas encore rejoint la campagne, mais Vincent Guyot continue de publier des mises à jour sur les réseaux sociaux à travers le hashtag #unetonnedeblepourleliban. Vous pouvez suivre la campagne et contacter l’agriculteur sur son compte Twitter @Guyotvincent02.

Article écrit par Sophie Stuber.