Burkina Faso : un festival de musique à domicile pour "faire taire les armes"
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Au Burkina Faso, la menace terroriste a entraîné la fermeture de plusieurs lieux de rencontre et rendu difficile l’organisation d’événements festifs. Pour recréer du lien et adresser un message de paix, un collectif de musiciens a organisé en novembre le festival "Salon Musique", avec un concept original : celui d’aller jouer directement au domicile des habitants et dans les quartiers populaires.
Du 22 au 30 novembre, une dizaine d’artistes venus du Burkina Faso, d'Allemagne, de Suède, de France, de Belgique et de Madagascar ont participé au festival "Salon Musique" organisé à Ouagadougou, la capitale. Face à la raréfaction des espaces culturels et à la peur de sortir le soir, l’initiative permet aux habitants de recevoir un spectacle "à domicile".
Car le Burkina Faso fait face à une situation sécuritaire difficile et à une importante menace terroriste. Au total, les attaques attribuées aux groupes jihadistes, certains affiliés à Al-Qaïda, d'autres au groupe État islamique, ont fait près de 700 morts depuis début 2015, selon un comptage de l'AFP en novembre, et environ 500 000 déplacés internes et réfugiés, selon l'ONU.
Fin novembre, les États-Unis ont annoncé le rapatriement des enfants américains mineurs se trouvant au Burkina Faso. Une semaine plus tôt, le ministère français des Affaires étrangères avait classé tout le pays en zone rouge et orange pour les touristes occidentaux, c’est-à-dire "déconseillé sauf raison impérative" ou "formellement déconseillé".
"Cette année, nous avons choisi comme thème 'Faire vivre les arts pour faire taire les armes'"
Pour le chanteur burkinabè Patrick Kabré, qui organise ce "Salon Musique" avec l'association des Arts Solidaires pour la deuxième année consécutive, l’objectif du festival est ainsi d'égayer le quotidien des habitants et leur permettre de profiter de moments de cohésion, tout en montrant une autre facette du Burkina Faso :
Après les événements malheureux qui se sont déroulés au Burkina Faso, les attaques terroristes et la peur, plusieurs endroits où on jouait et où on pouvait retrouver du monde ont disparu. Les gens ont envie d’aller voir des spectacles, mais c’est devenu compliqué.
On s'est dit que c'était dangereux et qu’il fallait réinventer la scène vivante. L’idée de "Salon Musique" est simple : c’est de faire en sorte que les arts vivants rejoignent les gens chez eux, dans leur salon, dans leur jardin, dans leur quartier.
"Nous allons chez la vendeuse de haricots comme chez l’ambassadeur !"
Cette année, nous avons choisi comme thème "Faire vivre les arts pour faire taire les armes". Je pense qu’il faut tendre le micro à autre chose que de la peur, que les armes, et rappeler qu’ici, la vie continue. Les gens ont souvent vécu dans la difficulté, mais il faut qu’on puisse avoir encore des moments de partage, de convivialité, autour des musiques qui nous réunissent.
Lors du festival, nous allons dans les quartiers populaires, dans des marchés, mais aussi dans les quartiers les plus huppés. Chez la vendeuse de haricot comme chez l’ambassadeur ! Nous allons aussi dans ces "zones rouges" pour apporter un peu de joie au travers de spectacles. Quand nous allons dans des quartiers ou dans des villages, nous n’avons pas besoin de communiquer à l’avance : une équipe fait du porte-à-porte, on annonce le spectacle avec des microphones et le soir les gens sont là !
"Faire grandir ce projet avec des artistes de la région, au Mali et au Niger"
L’objectif est aussi de montrer une autre image du Burkina Faso aux ambassadeurs, aux expatriés qui vivent ici, car ce sont eux qui ensuite parlent de notre pays ailleurs. Notre mission, c’est de leur dire que le Burkina Faso c’est aussi cette diversité des cultures, la musique, la danse. Nous sommes allés par exemple dans le jardin de l’Union européenne au Burkina Faso. C’est important de leur montrer que la musique et les arts ont un rôle important à jouer en terme de cohésion dans notre pays.
C’est vraiment un projet "de cœur". Nous l’avons financé avec nos moyens : les techniciens sont des bénévoles, un collectif nous a aidé pour la communication, les artistes ont participé à leurs frais de transport et nous nous sommes débrouillés pour les loger ! L’année prochaine, nous espérons obtenir des soutiens pour faire grandir ce projet avec des artistes de la région, au Mali et au Niger.
Tout au long de l’année, Patrick Kabré mène des projets artistiques avec son association et son collectif, Atelier Silmandé. Des séances auprès d'enfants sont notamment animées en amont du festival, au sein d'écoles. Le concept "Salon Musique" continue également de vivre lors d’événements ponctuels à Ouagadougou comme dans le reste du pays, en fonction des moyens dont disposent les artistes.
Article écrit par Maëva Poulet (@maevaplt).