Côte d’Ivoire : pour faire place à un pont, un bidonville entièrement rasé à Abidjan
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Boribana, l'un des plus grands bidonvilles d'Abidjan a été rasé en raison de la construction d'un pont. Photo prise par notre observateur Lookman.
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Des opérations de déguerpissement ont démarré vendredi 29 novembre à Boribana, l’un des plus grands bidonvilles d’Abidjan. Plusieurs habitations précaires y ont été démolies par des pelleteuses devant des populations médusées. Le gouvernement prévoit d'ériger sur la zone le quatrième pont d’Abidjan pour désengorger le nord de la ville. Un de nos Observateurs s’est rendu sur place.
Quelques habitants cherchent encore dans les décombres des affaires qui peuvent encore être sauvées quatre jours après le passage des bulldozers. Vendredi 29 novembre, tout un pan du quartier Boribana, l’un des plus grands bidonvilles d’Abidjan, dans la commune de Attécoubé, et qui compte près de 60 000 habitants, a été démoli.
Le gouvernement ivoirien a décidé d’ériger sur cette zone, située au bord de la lagune Ebrié, un quatrième pont pour désengorger le nord de la capitale ivoirienne. L’infrastructure longue de 1,4 km doit relier le Plateau, quartier administratif et des affaires à Yopougon, la plus grande commune de la capitale ivoirienne (5 millions d’habitants), desservie uniquement par l’autoroute du Nord et très souvent engorgée.
Les dégats dans le quartier Boribana dans la commune de Attécoubé, après le passage des bulldozers.
Photo prise par notre observateur Lookman.
“Personne n’y croyait”
Si les travaux du projet urbain ont été lancés depuis le 30 juillet 2018, l’opération de déguerpissement a surpris les populations. Lookman (pseudonyme) un de nos Observateurs à Abidjan, s’est rendu sur les lieux :
Selon plusieurs habitants, les autorités communales sont venues les prévenir la veille de la démolition de leurs habitations. Personne n’y croyait. Mais deux pelleteuses sont venus le lendemain. Elles ont démoli une grande partie du quartier. C’est la grande désolation ici. Tout le monde est tendu. Certains dont les maisons ont été pour l’instant épargnées par l’opération de déguerpissement sont en train d’enlever les toits. D’autres sauvent ce qu’ils peuvent.
Boribana est un grand bidonville qui s’est construit anarchiquement sur les bords de la lagune Ebrié. Il n’y avait pas de plan d’urbanisation. C’est une zone non-constructible qui abrite des ouvriers et des chauffeurs de taxi issus de milieux défavorisés. C’est un quartier où il y a beaucoup d’insécurité.
Certains habitants sauvent ce qu'ils peuvent des décombres de leur habitation. Photo prise par Lookman
Une bonne partie des propriétaires de bâtis et des locataires ont été indemnisés par le gouvernement depuis le mois de mai pour qu’ils puissent se reloger ailleurs. Mais les gens pensaient que l’Etat allait leur donner encore un peu de temps. Ils ont reçu en moyenne la somme de 300 000 francs Cfa. Mais certains ont refusé de partir parce qu’ils trouvaient la somme insuffisante. Ils auraient préféré que l’Etat leur octroie des maisons au lieu de leur donner de l’argent.
Beaucoup de gens ne savent pas où aller. Certains se déplacent vers un autre quartier précaire à Adjamé en attendant de trouver une solution durable. C’est assez triste.
Une partie du quartier déjà rasée en 2014
La construction du quatrième pont d’Abidjan est financée par un prêt de la Banque africaine de développement d’une valeur de 103 milliards de francs CFA (soit près de 156 millions d’euros) dont plus de 30 milliards (soit 45 millions d’euros) doivent servir à indemniser les populations.
D'autres emportent eux les toits de leur maison détruite. Photo prise par Lookman.
Selon, Salimata Coulibaly, coordinateur adjointe du projet de transport urbain d’Abidjan interrogée par l’AFP, “ les batîs détruits sont ceux pour lesquels les propriétaires ont reçu effectivement leur indemnité d’éviction (...). Il peut y avoir des omissions. Il y a des bureaux qui sont ouverts pour qu’ils soient pris en charge ”.
Ce n’est pas la première fois que le quartier de Boribana fait l’objet d’opération de déguerpissement. En 2014, une partie du quartier avait été rasé après un glissement de terrain suite à des inondations.