[Actualisation le 26/11/19 - Au moins quatre manifestants ont été tués lundi dans des émeutes anti-ONU à Beni, selon l'auditeur (procureur) militaire, Kumbu Ngoma. Dix personnes, dont trois militaires FARDC, ont également été blessées. "Il y a eu quatre morts dans la journée, dix blessés, tous des civils, ainsi que trois militaires Fardc (de l'armée congolaise)", a déclaré à l'AFP l'auditeur (procureur) militaire, Kumbu Ngoma.]
La colère est de nouveau montée d’un cran ce lundi 25 novembre à Beni, dans la province du Nord-Kivu, dans l’est de la RD Congo. Dans la matinée, les habitants de Beni ont appris la mort de huit personnes, tuées dans la nuit, au niveau du quartier de Masiani, dans la commune de Mulekera.
Aux alentours de 7 heures du matin, des centaines de personnes sont descendues dans les rues pour dénoncer l’insécurité et les tueries à répétition. Peu après, le bâtiment de la mairie de Beni a été incendié. Certains des manifestants se sont ensuite dirigés vers une base civile de la Monusco, dans laquelle ils ont réussi à pénétrer.
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"Les gens en ont ras-le bol d'enterrer les habitants à Beni"
J’ai pris part aux manifestations jusqu’aux alentours de midi. Ce matin, nous avons appris dans des groupes d’information sur WhatsApp la mort de huit personnes dans notre commune de Mulekera, qui est pourtant censée être l’une des plus sécurisées de Beni. J’ai pris ma moto et je me suis rendu sur place. J’ai vu des gens découpés à la machette. C’est très grave. Qu’est ce qu’il va se passer maintenant ? Nous aussi nous allons devoir prendre la fuite ? Pour aller où ?
Nous nous sommes donc retrouvés avec plusieurs voisins pour marcher en direction du rond-point central de Beni. Des groupes de pression, comme la Lucha ou la Veranda Mutsanga, ont pris la tête du cortège. Des manifestants se sont ensuite dirigés vers la mairie et l’ont mise à feu. La police a tiré pour disperser les manifestants, c’est à ce moment-là que je suis rentré chez moi.
Pendant ce temps, d’autres personnes allaient vers la base de la Monusco pour demander son départ. Ici, les gens en ont ras-le-bol d'enterrer les habitants. En l’espace d’un mois, c’est plus d’une cinquantaine de personnes qui ont été tuées et, à ma connaissance, les suspects ne sont pas arrêtés [au total 77 civils ont été tués depuis le 5 novembre à Beni et ses environs, dans le Nord-Kivu, selon le Groupe d'Étude du Congo (GEC) de l'Université de New York, NDLR]. Les gens ont le sentiment que la Monusco ne fait rien : leur base est très proche de l’endroit où a eu lieu le massacre de la nuit passée. Certains se posent des questions, pensent que cette organisation serait complice.
La mairie de #Beni sous le feu par les manifestants en colère après les mort de plus à Boikene par les soient disant ADF
Maroy Grâce (@MaroyGrace) November 25, 2019
Congo 💔 pic.twitter.com/EBnuK7FJl6
Des centaines de personnes envahissent une base de l'ONU
Plusieurs images diffusées sur les réseaux sociaux montrent la situation extrêmement tendue qui prévalait au sein de la base de Monusco. Selon l’AFP, les forces de sécurité congolaises ont tiré dans la matinée à balles réelles, procédant le plus souvent à des tirs de sommation, pour tenter de contenir les manifestants à proximité du camp onusien et d'un autre à proximité.
L'image fera sans nul doute tour du monde, montrant une mission (@Monusco) se dissident de protection des "civils", et dont les memes civils veulent son départ par inefficacitésur terrain avec massacres à repetition.
Adrien Ambanengo (@ambadrien) November 25, 2019
Base mobile de Boikene à Beni#MonuscoOut #Rdcongo pic.twitter.com/p8ynKwJhvy
Léo njo Léo, kivumbi na jasho... Trop c trop.... La population de béni en colère, UN monusco doit partir et les infiltrés rwandais dans l'armée FARDC @fatshi13 @FCC_RDC @radiookapi @bbcafrique @PaulKagame @VitalKamerhe1 @FRANCE24 @moise_katumbi @DenisMukwege @bembajp @JeanineMa pic.twitter.com/mdZWwrHqoj
Achiza Z Serge (@achizaserge961) November 25, 2019
Au moins un manifestant et deux policiers ont été blessés, selon le correspondant de l'AFP sur place. Pour l’instant, aucun bilan officiel n’a été communiqué par les autorités.
Serge Sindani, journaliste, était envoyé à Beni pour Kis24 :
Après avoir incendié la mairie, sans que la police n’arrive à maîtriser la foule, des manifestants se sont rendus devant la base de la Monusco à Boikene (commune de Mulekera) et ont brûlé l’enceinte. Une fois à l’intérieur, ils ont chanté en Swahili "Léo njo Léo" ("aujourd’hui c’est aujourd’hui") pour demander le départ immédiat de la mission.
Ils ont ensuite pillé du matériel et mis le feu à un véhicule. La Monusco a tiré pour maîtriser les débordements. La police et les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) étaient aussi présentes pour calmer la situation. Des tirs ont retenti toute la journée. Depuis [aux alentours de 17 heures, NDLR], un calme précaire est revenu.
La tuerie de la nuit dernière est venue s’ajouter à une semaine extrêmement émouvante. Depuis jeudi, des manifestations ont été organisées pour demander plus de sécurité, pendant lesquelles des protestataires ont été tués. Ce week-end, le gouverneur de la province, Carly Nzanzu Kasivita, était à Beni pour apaiser la population et aller à la rencontre de la société civile. Ce lundi, les activités étaient par ailleurs au ralenti : très peu de taxi-motos circulaient, les magasins et les écoles étaient fermés.

Dans un communiqué, les FARDC ont présenté leurs condoléances aux familles des victimes de tueries et ont demandé aux habitants de continuer à les soutenir, notamment en "dénonçant des personnes et tous mouvements suspects" et ne s’attaquant pas "aux édifices et symboles de l’État".
Dans un communiqué envoyé à la rédaction des Observateurs de France 24, le porte-parole par intérim de la Monusco, Mathias Gillmann, rapporte que le Bureau de la Mission à Beni a été "endommagé" et que le personnel a été "redéployé sur un autre site".
La #MONUSCO lance un appel au calme et à la responsabilité à Beni, alors que les manifestations violentes se poursuivent. Le Bureau de la Mission à #Beni a été endommagé après une attaque et le personnel redéployé sur un autre site.
MONUSCO (@MONUSCO) November 25, 2019
À l'issue d'une réunion urgente d'un "conseil de sécurité" à Kinshasa présidé par le chef de l'État, Félix Tshisekedi, ce lundi, en présence de la cheffe de la Monusco, la présidence de la République démocratique du Congo a annoncé le lancement d’"opérations conjointes entre l'armée nationale et la Monusco". Un "quartier général avancé des forces armées" devrait ainsi voir le jour à Beni.
#RDC-#Beni: 2 principales résolutions à l'issue de la réunion:
Stanis Bujakera Tshiamala (@StanysBujakera) November 25, 2019
-l'installation d'un quartier général avancé des forces armées à Béni et la mise en oeuvre d'opérations conjointes entre l'armée et la Monusco afin d'assurer la paix et la sécurité à la population civile de #Béni. pic.twitter.com/UjFzbRn4uG
La Monusco a également assuré qu’elle allait renforcer sa coopération avec "ses partenaires et travailler étroitement avec les autorités pour trouver conjointement des solutions en faveur de la population de Beni".
La représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies en RDC, Leïla Zerrougui, s’est toutefois inquiétée "de la diffusion d'informations mensongères et d'appels à la violence sur les médias sociaux". Elle a en outre plaidé en faveur d’un retour au calme "nécessaire à la fois à la lutte contre les ADF et à la continuité essentielle de la riposte Ebola".
Les violences ont en effet interrompu les activités de la riposte contre Ebola à Beni et Butembo, les deux épicentres de l'épidémie qui a tué près de 2 200 personnes depuis le 1er août 2018.
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