Au Kenya, un fermier sauve les animaux sauvages de la sécheresse
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Dans le parc national Tsavo West, situé dans le sud du Kenya, les animaux sauvages souffrent de la soif en raison de la sécheresse qui touche le pays depuis plusieurs années. En 2016, un fermier a donc commencé à leur apporter de l’eau plusieurs fois par semaine, pour les aider, parcourant chaque fois des dizaines de kilomètres pour se rendre dans le parc.
Cela fait plusieurs décennies que la région de Tsavo est régulièrement touchée par la sécheresse, mais le problème touche désormais l’ensemble du pays, depuis 2014.
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© {{ scope.credits }}Images publiées sur Facebook le 13 octobre 2018.
Patrick Kilonzo Mwalua, un fermier vivant à Kajire, dans le sud du pays, raconte pourquoi il a commencé à venir en aide aux éléphants, aux zèbres ou encore aux buffles qui vivent dans le parc national Tsavo West.
"J'ai commencé à faire l'aller-retour entre la ville et le point d'eau cinq fois par jour"
J’ai commencé à faire cela en mars 2016. À ce moment-là, la sécheresse était très importante [dans l’ensemble du pays, NDLR] et tuait beaucoup d’animaux.
Un jour, j’ai vu un buffle qui reniflait au niveau d’un étang vide, dans le parc : il avait clairement soif. Du coup, ça a fait "tilt" dans mon esprit. Quand des animaux assoiffés essaient de trouver de l’eau, ils vont souvent là où vivent les êtres humains, ce qui crée des problèmes : parfois, les animaux ou les hommes sont blessés, des habitations sont abîmées… Donc j’ai décidé de leur apporter de l’eau, plutôt qu’ils viennent vers nous.
Patrick Kilonzo Mwalua en train de remplir un point d’eau.
Pour commencer, j’ai loué un camion dans la ville de Voi [située à une vingtaine de kilomètres de Kajire, NDLR], et je me suis mis à faire l’aller-retour entre Voi et un point d’eau situé dans le parc cinq fois par jour, soit 140 kilomètres à chaque fois. Quand je rentrais à la maison le soir, il faisait déjà nuit. Au début, j’utilisais mon argent pour louer le camion et acheter l’eau à l’organisme qui fournit l’eau au niveau local [environ 27 euros les 10 000 litres].
Quand j’ai commencé à faire cela, beaucoup de personnes me disaient de “laisser la nature suivre son cours”. Mais je leur répondais : “Il ne s’agit pas de la nature, mais du réchauffement climatique. Tout cela arrive à cause des actions humaines et nous sommes censés prendre nos responsabilités”.
Des éléphants s’abreuvent. Photo publiée sur Facebook, le 20 octobre 2018.
Petit à petit, le travail de Patrick Kilonzo Mwalua s’est fait connaître. Des gens ont commencé à lui donner de l’argent, et il a alors pu acheter son propre véhicule.
Des vidéos montrant ses actions ont eu un énorme succès sur les réseaux sociaux : l’une d’elle, publiée il y a deux ans, a été vue plus de 90 millions de fois, tandis qu’une autre, publiée l’année dernière, a été visionnée plus de 50 millions de fois.
Patrick Kilonzo Mwalua a profité de cette visibilité pour développer ses activités et créer la Fondation Mwalya pour la biodiversité.
Sur la plateforme GoFundMe, il a également récolté 450 000 dollars, soit 408 000 euros environ, entre septembre 2016 et juillet 2018. Il a ensuite fermé sa cagnotte car, selon lui, les dons ont commencé à se tarir, petit à petit.
Il revient sur l’engouement que ses actions ont suscité :
J’ai simplement commencé à raconter ce que je faisais sur Facebook. Puis un employé de K24 [une chaîne de télévision kényane, NDLR] m’a appelé et a mis en valeur mon travail. Après cela, les autres médias kényans sont venus; puis des médias internationaux. Il y a même eu des journalistes japonais et coréens, c’était incroyable !
J’ai commencé à utiliser une pelleteuse pour creuser d’autres points d’eau. Nous en avons creusé plus 25 dans le parc et nous avons aussi construit des points d’eau en béton qui peuvent retenir de l’eau durant quatre à six mois après une averse.
Actuellement, je conduis toujours le camion citerne moi-même, mais j’ai recruté un employé de bureau, un autre chauffeur et trois bénévoles.
Mais la sécheresse est de pire en pire chaque année. Il n’y a aucun espoir que la situation s’améliore tant que les humains ne changeront pas leur façon de fonctionner.
L’équipe de Patrick Kilonzo Mwalua en train de construire un point d’eau en béton.
Patrick Kilonzo Mwalua, au centre, à Kajire. Photo publiée sur Facebook, le 15 octobre 2018.
Bien que Patrick Kilonzo Mwalya souffre d’insuffisance rénale depuis cinq ans, et qu’il ait subi plusieurs opérations, il confie qu’il n’a pas l’intention de s’arrêter pour autant.
Même quand j’étais sous dialyse, j’ai toujours continué à amener de l’eau dans le parc. Quand on est passionné par quelque chose, c’est une vraie force, on se rend compte qu’on est malade seulement après. Quand on veut faire quelque chose de bien pour la planète, on continue à travailler !
Article écrit par Peter O’Brien (@POB_journo).