Des poupées différentes, pour permettre à tous les enfants de s’identifier
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Des poupées chauves, avec la peau dépigmentée, ou encore avec une petite canne blanche : sur le continent américain, plusieurs personnes fabriquent des poupées différentes de celles qui sont commercialisées habituellement. Elles permettent aux enfants atteints de cancer, de maladies de la peau ou encore souffrant d’autres types de handicap d’avoir des jouets à leur image.
L’une de ces initiatives, appelée "My Pretty Little Gift" ("Mon joli petit cadeau") est à l'origine d'une Vénézuélienne vivant aux États-Unis, tandis que l’autre, "Amigurumi da Lena", du nom de l’art japonais de confection de petits animaux en tricot ou crochet, a vu le jour au Brésil.
Des poupées chauves fabriquées au Venezuela, pour les fillettes atteintes de cancer ou d’alopécie
"My Pretty Little Gift" est le nom de la collection de poupées lancée en mars par Vanessa Barrera, une vénézuélienne de 36 ans qui vit aux États-Unis depuis cinq ans. Nombre de ses poupées sont chauves, avec la tête recouverte d’un foulard, à l’image des fillettes atteintes de cancer et ayant perdu leurs cheveux en raison de la chimiothérapie.
À 34 ans, on m’a diagnostiqué un cancer du sein. Avant d’entamer une chimiothérapie, j’ai coupé mes cheveux – car j’allais les perdre de toute façon – pour les donner à une fondation américaine, afin qu’ils soient utilisés pour fabriquer des perruques destinées aux fillettes ayant un cancer. Il est très dur pour une femme de perdre ses cheveux. Actuellement, je suis en rémission, mais je continue tout de même certains traitements.
Par la suite, j’ai eu l’idée de créer ces poupées, qui sont jolies et coquettes, pour que les fillettes ayant perdu leurs cheveux en raison de la chimiothérapie puissent s’y identifier.
Les poupées sont fabriquées au Venezuela.
Pour les fabriquer, j’ai cherché des artisanes vivant au Venezuela, car il y a très peu de travail là-bas actuellement. Je travaille avec une dizaine de femmes vivant à Barquisimeto, même si cela ne les occupe pas à temps plein. Mais il est très difficile, pour elles, de trouver le matériel nécessaire à la fabrication des poupées, en raison de la situation économique au Venezuela : tissu, tulle, fil à coudre, petits éléments brillants…
"Pour les fillettes qui reçoivent ces poupées, c’est un soutien émotionnel important"
Une fois que les poupées sont prêtes, les artisanes me les envoient, puis je les expédie aux clients. Le prix est de 39,99 dollars [soit 36,60 euros, NDLR] Pour chaque poupée vendue, une poupée est donnée à une fillette atteinte d’un cancer ou d’alopécie [un terme désignant une perte de cheveux, pouvant avoir différentes causes, NDLR]. Pour l’instant, nous en avons fabriqué une centaine : la moitié a été vendue et l’autre moitié a été donnée aux États-Unis ou au Venezuela, via deux fondations, la Fundación Amigos del Niño con Cáncer et l’Hospital de Peluches, qui m’ont d’ailleurs passé une commande pour décembre.
Pour les fillettes qui reçoivent ces poupées, c’est un soutien émotionnel important. Par exemple, Natalia, une petite vénézuélienne venue aux États-Unis pour se faire soigner, car il est très difficile d'être traitée au Venezuela actuellement, m’a tout de suite dit "elle est comme moi", au sujet de sa poupée, quand je l’ai rencontrée. Et les parents sont contents, car il n’y a pas d’autres jouets similaires.
Natalia, une Vénézuélienne venue aux États-Unis pour se faire soigner.
Une petite Canadienne atteinte d’alopécie.
Des poupées, avec des taches sur la peau, fabriquées au Brésil, pour les enfants atteints de vitiligo
João Stanganelli Junior, un Brésilien de 64 ans, est atteint de vitiligo depuis ses 38 ans. Cette maladie de la peau, qui touche environ 1 % de la population mondiale, se caractérise par l’apparition de taches blanches sur plusieurs parties du corps, notamment les pieds, les mains et le visage. Elles sont causées par une dépigmentation, c’est-à-dire la disparition des cellules responsables de la couleur de la peau. Pour combattre les préjugés autour des maladies de peau, il confectionne des poupées avec des petites taches, qu’il vend ensuite via sa page Facebook "Amigurumi da Lena".
Il y a environ un an, j’ai dû arrêter mon travail dans la restauration pour des raisons de santé [non liées au vitiligo, NDLR]. Pour passer le temps, ma compagne m’a appris le crochet. J’ai appris petit à petit plusieurs techniques, jusqu’à réussir à fabriquer des petites peluches que je me suis mis à vendre.
Un jour, j’ai voulu fabriquer une poupée atteinte de vitiligo, qui me ressemble, pour ma petite fille. Puis j’ai envoyé une photo à sa mère : elle a été très touchée et l’a envoyée en mars au site Razões Para Acreditar ["Raisons de croire", un site d’histoires positives, NDLR], qui a alors écrit un article sur mes poupées. Après cela, je me suis transformé, un peu malgré moi, en influenceur digital. Beaucoup de gens ont été intéressés.
Du coup, j’ai continué à confectionner des poupées "représentatives" : atteintes de vitiligo ou ayant d’autres maladies dermatologiques, mal voyantes, ou encore en fauteuil roulant.
“Sur les réseaux sociaux, les gens me remercient pour ce travail”
Sur les réseaux sociaux, les gens me remercient pour ce travail. Au début, j’en vendais surtout au Brésil, mais ensuite mon initiative a été relayée dans la presse internationale et je reçois désormais des demandes d’un peu partout. Elles coûtent environ 23 euros pour des personnes se trouvant en Europe. J’en ai déjà vendu près de 200.
Certains parents achètent ces poupées à leurs enfants atteints de maladies de la peau. Mais d’autres en offrent simplement pour que leurs enfants soient informés de ces différences. C’est important, car je pense que la majorité des préjugés sur le vitiligo sont dus à un manque d’informations [certaines personnes croient par exemple - à tort - que le vitiligo est contagieux, NDLR]. Moi, je n’ai pas souffert de ces préjugés, cette maladie n’a rien changé dans ma vie. Mais je reçois parfois des messages de personnes qui en ont beaucoup souffert, qui ont été traitées de pandas, de vaches.
Article écrit par Chloé Lauvergnier (@clauvergnier) et Maëva Poulet (@maevaplt).