"Mettre des visages sur les chiffres" : des portraits de migrants interactifs à la frontière USA-Mexique
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Des portraits de migrants déportés ou menacés de déportation ont été installés à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, sur la barrière métallique qui sépare les deux pays, début août. Ce projet a été mis en œuvre par une chercheuse et des plasticiens, afin de contrer le discours anti-migrants de Donald Trump. L’objectif du projet : montrer "les visages et les histoires derrière les chiffres" de la politique migratoire américaine.
Ces portraits de migrants ont été installés sur la plage de Tijuana, qui marque l’extrémité occidentale de la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Cette zone est un point de passage majeur entre les deux pays, puisque le poste-frontière de San Ysidro – le quatrième le plus fréquenté au monde avec 90 000 passages quotidiens de véhicules et piétons – se trouve à 9 km de là.
"Le dispositif permet de s’immerger dans les histoires de ces personnes"
C’est là que Lizbeth De La Cruz Santana, doctorante en études hispaniques aux États-Unis, a décidé d’installer une œuvre narrative sur la migration, puisque ce lieu incarne le début d’une nouvelle vie pour de nombreuses familles mexicaines, y compris la sienne – son père est passé par là avant sa naissance :
J’ai eu cette idée en 2016 quand je me suis rendue à Tijuana pour la première fois : j’y ai découvert une scène artistique florissante, où un projet innovant pouvait trouver sa place.
Je voulais montrer les visages derrière les chiffres de l’immigration, et me concentrer sur la thématique de la déportation qui est au centre de la thèse que je prépare dans le cadre de mon doctorat à l’Université UC Davis (Californie). L’idée était de réaliser une fresque montrant les visages de personnes mexicaines ayant émigré aux États-Unis et ayant été déportées par la suite, ou alors menacées de déportation.
"Tania Mendoza à côté de son portrait sur le mur frontalier sur la plage de Tijuana. Découvrez son histoire en scannant le QR code à côté de sa peinture. Son récit narratif numérique a été rendu possible par le projet Humanizando la Deportacion dirigé par Robert McKee Irwin de l'Université UC Davis. Photo : Liz Santana", écrit Lizbeth De La Cruz Santana sur sa page Facebook.
Mais je voulais aussi y incorporer un pendant numérique et interactif pour l’enrichir de récits à la première personne. Quand les visiteurs s’approchent de chacun des 10 portraits, ils peuvent scanner un QR code qui les redirige vers le témoignage audio de la personne peinte sur le mur, disponible sur YouTube. Ce dispositif leur permet de s’immerger dans les histoires de ces personnes.
Nous avons aussi beaucoup communiqué sur les réseaux sociaux et filmé en direct l’installation des portraits, pour que les personnes dépeintes et qui sont coincées aux États-Unis puissent nous suivre.
J’ai aussi réuni autour du projet le peintre muraliste Mauro Carrera, qui a réalisé la fresque, et le plasticien Enrique Chiu, basé à Tijuana.
Nous avons pu utiliser trois photos de Leopoldo Pena et d’autres issues de projets universitaires sur la migration. Nous avons également reçu l’aide de 15 volontaires. Nous espérons recouvrir une plus large partie du mur de ces portraits, à l’endroit où la barrière métallique est immergée dans l’océan Pacifique et pensons le faire à la mi-septembre. "
Durcissement de la politique migratoire américaine
À l’image du projet architectural de balançoires de part et d’autre du mur, le projet de Lizbeth De La Cruz Santana s’imbrique dans une dynamique artistique de réponse aux politiques migratoires strictes mises en place par le président américain, Donald Trump, depuis son arrivée à la Maison blanche.
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Outre son projet de poursuite de construction du mur, validé par la Cour suprême américaine le 26 juillet dernier, et le durcissement des procédures de déportation, il a menacé son voisin de sanctions douanières si Mexico n’enrayait pas les flux migratoires en provenance du reste du continent américain. Une requête auquel le président mexicain a accédé en renforçant les contrôles à sa frontière méridionale depuis un accord conclu entre les deux pays début juin.
Article écrit par Liselotte Mas (@liselottemas).