Attente interminable, passeurs et moteurs inondés : en Guinée, l’enfer de la traversée de la rivière Bagou
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Depuis trois semaines environ, l’axe reliant les communes de Mali et Labé, dans le nord de la Guinée, est devenu un enfer pour les voyageurs, car il n’existe plus aucun pont pour traverser la rivière Bagou, située sur cet axe. Pour pouvoir la franchir, ils sont désormais contraints d’attendre des heures et de payer des gens pour les aider à faire passer leurs véhicules, qui sont souvent endommagés à cause de l’eau.
La rivière Bagou se trouve dans le district de Yambering. Elle est située entre Mali (au nord) et Labé (au sud).
"Les rabatteurs sont devenus les maîtres des lieux"
Alpha Ousmane Aob Bah, un journaliste de Africaguinee.com qui vit à Labé, s’est rendu sur place dimanche 28 juillet, où il a tourné l'ensemble des vidéos visibles ci-dessous.
Au niveau de cette rivière, il y avait un pont très vétuste, datant de la période coloniale. Donc les autorités l’ont détruit l’an dernier, pour en construire un nouveau. Un point de passage a alors été aménagé à quelques mètres, avec des pierres et du gravier, pour que les gens puissent continuer à franchir la rivière, le temps des travaux. Mais le chantier a été arrêté au début de la saison des pluies, fin mai - début juin.
Puis il y a trois semaines environ, le point de passage a été emporté en raison de fortes pluies. À partir de ce moment-là, la traversée de la rivière est devenue un enfer.
"J’ai vu des personnes arrivées à 6h du matin, qui étaient toujours là vers 13h"
Déjà, il faut attendre des heures avant de pouvoir la franchir. Quand je suis allé sur place, j’ai vu des personnes qui étaient arrivées à 6 h du matin, et qui étaient toujours là vers 13 h. C’est problématique notamment pour les personnes de Mali qui sont malades et qui doivent se rendre à Labé pour être soignées, surtout qu’elles sont obligées de passer par là : il n’y a pas d'alternative.
De plus, c’est très compliqué de traverser à pied. Certains se tiennent par les coudes pour ne pas être emportés par les flots, mais d’autres paient des "rabatteurs" pour les aider à passer : il faut payer 15 000 francs guinéens pour cela [soit 1,50 euro environ, NDLR].
Certaines personnes peinent à franchir la rivière, comme l’homme que l’on voit dans cette vidéo à 0’20. Vidéo envoyée à notre rédaction par Alpha Ousmane Aob Bah, de Africaguinee.com.
Et pour faire passer des véhicules, il n’y a pas vraiment le choix, car il leur est quasiment impossible de franchir la rivière sans aide : il faut verser 50 000 francs aux "rabatteurs" pour une moto [soit 5 euros environ, NDLR], qu’ils portent, et 200 000 francs pour les autres véhicules [soit 20 euros environ, NDLR], qu’ils tirent avec des chaînes. Les "rabatteurs" sont devenus les maîtres des lieux.
Des gens tirent une voiture pour qu’elle franchisse la rivière. Vidéo envoyée à notre rédaction par Alpha Ousmane Aob Bah, de Africaguinee.com.
Dans cette vidéo, on voit un mini-bus qui parvient à franchir la rivière seul (0’36), puis une voiture qui reste bloquée dans le cours d’eau (0’55). Vidéo envoyée à notre rédaction par Alpha Ousmane Aob Bah, de Africaguinee.com.
Ici, on voit des hommes porter une moto, puis un minibus qui tente de passer, en vain. Vidéo envoyée à notre rédaction par Alpha Ousmane Aob Bah, de Africaguinee.com.
"Plusieurs véhicules ont failli être emportés par le courant"
Si un véhicule reste bloqué au milieu de la rivière, tout le monde se met à aider, car tant qu’il reste bloqué, les autres qui attendent ne peuvent pas passer non plus. Plusieurs véhicules ont failli être emportés par le courant, et certains sont également tombés en panne, car leurs moteurs ont pris l’eau…
Quand je suis allé sur place, cela faisait deux jours qu’il n’avait pas plu, donc c’était un moment propice pour traverser, mais quand il pleut, il est impossible de passer. Or, c’est un axe où le trafic est important : par exemple, à Mali, presque toute la nourriture vient de Labé.
Dernière chose : au niveau de cette rivière, il n’y a pas de latrines ou d’eau potable. Il y a juste une source, où les gens viennent s’approvisionner, mais l’eau n’est pas potable. Donc à mon avis, il y a des risques sanitaires.
Le 25 juillet, le ministère des Travaux publics a publié un communiqué indiquant que les travaux sur le pont allaient reprendre "dans les jours à venir". Il n’a toutefois pas précisé quand, ni combien de jours étaient nécessaires pour terminer les travaux.
Outre le pont de Bagou, Alpha Ousmane Aob Bah s’inquiète pour les autres ponts situés sur l’axe entre Mali et Labé, également vétuste et pouvant "céder à tout moment" d’après lui (voir ci-dessous).
Vidéo envoyée à notre rédaction par Alpha Ousmane Aob Bah, de Africaguinee.com.
Vidéo envoyée à notre rédaction par Alpha Ousmane Aob Bah, de Africaguinee.com.
Vidéo envoyée à notre rédaction par Alpha Ousmane Aob Bah, de Africaguinee.com.
Article écrit par Chloé Lauvergnier (@clauvergnier).