POLOGNE

Des militants LGBT agressés dans une Gay Pride en Pologne : "J’ai eu la peur de ma vie"

Capture d'écran de la deuxième vidéo ci-dessous, tournée à Bialystok, dans le nord-est de la Pologne, samedi 20 juillet, lors de la première Gay Pride organisée dans cette ville.
Capture d'écran de la deuxième vidéo ci-dessous, tournée à Bialystok, dans le nord-est de la Pologne, samedi 20 juillet, lors de la première Gay Pride organisée dans cette ville.
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Alors qu’une Gay Pride était organisée pour la première fois à Bialystok, une grande ville située dans le nord-est de la Pologne, samedi 20 juillet, le cortège a été attaqué par des conservateurs radicaux. L’une des participantes raconte avoir eu très peur et dénonce l’homophobie ambiante dans le pays.

Environ 800 personnes ont participé à cette marche des fiertés selon la police, qui avait déployé de nombreux agents dans les rues de Bialystok. Dans le cortège, des banderoles affichaient des messages comme "Égalité des sexe" ou encore "L'amour n'est pas un pêché."

Mais cette importante présence policière n’a pas suffi à dissuader des groupes radicaux d’attaquer le cortège, en témoignent plusieurs vidéos et témoignages publiés sur les réseaux sociaux.

Dans cette vidéo, on entend plusieurs détonations, puis on voit des hommes poursuivre une personne en courant (0’16). À partir de 0’31, on voit également des hommes pousser une jeune femme au sol, qui hurle.

Cette internaute, qui raconte avoir participé à la marche, assure s’être fait cracher dessus à plusieurs reprises et avoir été aspergée d’eau. Elle dit avoir également vu des pétards et des débris de verre être jetés devant elle. Elle conclut en écrivant : "Merci les nationalistes."

 

"Beaucoup de personnes ont renoncé à participer à la marche, car elles avaient peur"

Âgée de 20 ans, Julia, une étudiante de Bialystok, s’est rendue à la Gay Pride pour "défendre ses droits" :

J’avais prévu d’y aller avec des amis, mais rien que l'accès au lieu de rassemblement a été compliqué : des gens ont menacé de nous taper, certains ont même arraché le drapeau arc-en-ciel des mains d’une personne pour le piétiner... J’ai eu très, très peur, car je portais moi-même un sac arc-en-ciel. Nous avons également croisé d’autres personnes qui allaient à la marche, et qui nous ont dit : "N’allez pas dans cette direction, car ils sont violents là-bas".

D’ailleurs, beaucoup de personnes ont renoncé à participer à la marche, car elles avaient peur.

"Un homme a craché sur l’un de mes amis, qui portait un T-shirt arc-en-ciel"

Notre rédaction a également contacté une autre Polonaise, qui confirme les dires de Julia :

Je voulais aller à la marche, mais un groupe de hooligans nous ont empêchés d’y accéder. Nous avons également vu des gens agressifs, qui faisaient des commentaires très violents : "Dégagez du pays", "Il est encore temps de changer", "Une famille normale, c’est une femme et un homme"… Parmi eux, il y avait de tout : des femmes, des vieux, des jeunes… Un homme a même craché sur l’un de mes amis, qui portait un T-shirt arc-en-ciel. Du coup, avec mes amis, nous avons pris peur et nous sommes partis, car nous ne voulions pas être blessés.

"Nous avons reçu des œufs et du gaz poivre"

Julia reprend :

Au final, nous avons commencé la marche vers 14h30 environ. Avec mes amis, nous avons reçu des œufs et du gaz poivre. Nous pensons que ce sont surtout des supporteurs d’un club de football local - le Jagiellonia Białystok - qui nous ont jeté ça, en raison des maillots qu’ils portaient. [Mais des groupes de supporteurs de football venus d’autres endroits du pays ont également perturbé la marche, NDLR.] Des gens ont également jeté des pétards et des pierres. [De même que des bouteilles, selon un porte-parole de la police, NDLR.] Certains criaient : "Allez vous faire enculer !" Franchement, je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie.

 

Dans cette vidéo, on voit un homme portant un maillot rouge et jaune – les couleurs du club de football Jagiellonia Białystok – frapper une personne vêtue d’un haut vert (0’13). Cette dernière se fait ensuite agresser par d’autres hommes. 

 

Heureusement, les policiers nous ont beaucoup aidés, ils étaient nombreux. Mais il a tout de même fallu changer l’itinéraire de la marche, en raison des attaques.

Le seul moment où ça a été plus calme, c’est quand ces gens ont bloqué la route, pour nous empêcher de continuer. Ça s’est fini vers 18h.

Je pense que la Pologne reste un pays très homophobe, et cette marche n’a fait que renforcer mon sentiment. Sur Facebook par exemple, il y a plein de commentaires homophobes. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai fait mon coming-out seulement auprès de mes amis les plus proches.

 

"Je suis terrifiée par rapport à ce qui s’est passé aujourd’hui, à l’occasion de la première marche des fiertés à Bialystok. Un de mes amis a été frappé et il se trouve à l’hôpital maintenant. Je suis fière de toutes les personnes qui ont eu le courage de marcher au milieu de cette haine. Rappelez-vous : l’amour l’emporte toujours", écrit cette internaute.

 

Des contre-manifestations organisées par les milieux catholiques et nationalistes

D’après la police, une quinzaine de personnes ont été interpellées samedi à Bialystok. Selon d’autres témoins, certains supporteurs portaient des T-shirts avec des symboles ultra-nationalistes, tandis que d’autres criaient : "Pas de sodomie à Bialystok !"

Cette marche a été vivement critiquée par les milieux catholiques et nationalistes, qui ont organisé une quarantaine de contre-manifestations de leur côté.

À l’initiative de partis conservateurs, une importante campagne contre "l’idéologie LGBT" a lieu en ce moment en Pologne, pays catholique, avec un débat sur la théorie du genre par exemple, à l’approche des élections législatives de l’automne. Le sujet des LGBT est même devenu l’un des principaux thèmes de la campagne électorale.

 

Article écrit par Chloé Lauvergnier (@clauvergnier).