ÉTATS-UNIS

À Washington, de la musique go-go pour protester contre la gentrification

Des habitants rassemblés autour de la musique go-go, née à Washington, après qu’un magasin ait été sommé d’arrêter la diffusion de cette musique, suite à une plainte du voisinage (Photos: Twitter).
Des habitants rassemblés autour de la musique go-go, née à Washington, après qu’un magasin ait été sommé d’arrêter la diffusion de cette musique, suite à une plainte du voisinage (Photos: Twitter).
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Des milliers de riverains du quartier de Shaw, dans la ville de Washington, se sont réunis mardi dernier pour protester, en musique, contre l’envahissante gentrification de leur ville.

La foule a occupé, pendant des heures, l’intersection de la 14e rue et de la U Street Northwest, un endroit qui était un haut lieu de vie et de culture afro-américaine dans la ville de Washington, mais qui abrite désormais des immeubles d’habitation haut standing, ainsi qu’un club haut de gamme de vélo en salle. Le public a dansé sur la musique jouée par des groupes locaux tels qu’ABM et Backyard Band, et chanté à tue-tête avec ce dernier sa reprise, sur des rythmes go-go, de la chanson d’Adele "Hello".

La musique go-go est née dans les années 1970 à Washington. Elle est devenue un emblème pour ses habitants depuis qu’un fait divers a donné lieu à un débat national sur les changements démographiques, dans l’une des villes des États-Unis où la gentrification est la plus agressive. En effet, en avril dernier, une boutique MetroPCS du quartier, spécialisée dans la vente de téléphones portables, et qui avait diffusé de la musique go-go pendant deux décennies depuis la devanture du magasin, a été sommée de mettre fin à cette pratique, suite à la plainte d’un résident d’un immeuble de luxe voisin.

Plusieurs personnes se sont alors rapidement rassemblées autour du magasin, en signe de soutien, et ont lancé le hashtag #DontMuteDC (Ne faites pas taire DC). Un premier concert de protestation a été organisé le 9 avril, à l’intersection de la 14e et de la U Street, marqué par la participation du groupe de go-go TOB. Devant cette réaction, le PDG de la société mère de MetroPC, T-Mobile, a tweeté que la musique continuerait de jouer, et que le magasin travaillerait avec le voisinage pour trouver un compromis.

Le rassemblement du mardi 7 mai est le troisième concert organisé dans ce contexte (un deuxième avait eu lieu à la mi-avril avec les groupes New Impressionz et TCB). Les organisateurs l’ont baptisé "Moechella", en référence au festival de musique Coachella, le mot "moe" étant un terme familier pour "ami" dans la ville de Washington.

L’ampleur du mouvement #DontMuteDC a donné envie aux organisateurs de mettre à profit le soutien des riverains dans la lutte contre la gentrification. Ronald Moten est un activiste local qui a lancé une pétition pour que le magasin de Metro PCS continue à diffuser de la musique go-go. Il explique comment la hausse fulgurante des prix a poussé de nombreux habitants hors de la ville :

C’était réjouissant de voir les gens se réunir pour une cause et résister, mais cette énergie doit être canalisée pour déboucher sur l’action et la sensibilisation.

Nous sommes balayés par la gentrification. Des restaurants, des magasins de vente à emporter, des boutiques de vêtements et des organisations à but non-lucratif se trouvaient dans plusieurs quartiers de Washington où personne ne voulait s’installer. Aujourd’hui, ils ne peuvent plus payer les loyers de ces quartiers-là. Les taxes foncières ont augmenté, et il est difficile de faire un achat immobilier. La gentrification touche maintenant les 7e et 8e arrondissements de la ville, qui sont principalement habités par des Afro-américains vivant en-dessous du seuil de pauvreté. Or l’immobilier devient très prisé dans ces quartiers. L’anxiété est palpable.

Il s’agit de donner à chacun une chance équitable. Si vous n’êtes pas propriétaire d’un bien dans la ville, vous serez éjecté. Nous voulons tisser des liens avec des personnes qui n’auraient pas les ressources nécessaires pour rester dans la ville, et les garder ici. Le problème n’est pas le changement, mais de ne pas être inclus dans le changement.

Durant le dernier rassemblement, nous avons inscrit des personnes pour voter. Nous mettons en place des plans stratégiques, et nous voulons que la législation limite la gentrification et le déplacement des habitants. Nous travaillons afin de donner aux communautés le moyen d’acquérir plus de pouvoir.

Article rédigé par Jenny Che (@jsyche).