Face au manque de monnaie en Argentine, cet étudiant propose une solution écolo
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Depuis quelques années, les commerçants argentins peinent régulièrement à rendre la monnaie à leurs clients, en raison du manque de pièces et de petits billets dans le pays. Pour pallier ce problème, un étudiant de Mendoza, une ville dans l’ouest de l’Argentine, a lancé Ecovuelto en février : ce sont des petits sachets de graines, que les commerçants peuvent donner à leurs clients lorsqu’ils n’ont pas la possibilité de leur rendre la monnaie.
Le manque de monnaie n’est pas nouveau en Argentine, puisque c’était déjà un problème il y a une douzaine d’années, d’après Les Échos. Mais il s’est accentué récemment, notamment en raison du retrait de la circulation du billet de 2 pesos – équivalent à 0,04 euro – en 2018, remplacé par un nombre insuffisant de pièces de monnaie, selon la Chambre de commerce argentine et l’Union des kiosquiers de la République argentine.
Ce billet a été retiré puisqu’il ne valait presque plus rien, en raison du taux d’inflation très élevé qui existe en Argentine (47,6 % en 2018). Parallèlement à ce retrait, des billets de plus grande valeur – 200 pesos (4,24 euros), 500 pesos (10,59 euros) et 1000 pesos (21,18 euros) – ont d’ailleurs été mis en circulation.
"Les commerçants donnent souvent des caramels, du thé ou encore des pansements à leurs clients, pour compenser"
Leandro Bompadre, âgé de 28 ans, étudie le graphisme à l’Université nationale de Cuyo, à Mendoza. Il explique comment il a eu l’idée de lancer Ecovuelto, un projet écologique destiné à faire face au manque de monnaie.
En Argentine, le manque de monnaie est problématique pour tout le monde – les petits kiosques, les supermarchés, etc. – depuis deux ans environ. Quand les commerçants ne peuvent pas rendre la monnaie à leurs clients, ils leur donnent souvent des caramels, du thé ou encore des pansements, pour compenser. Mais les gens n’ont pas forcément envie de recevoir cela !
Du coup, il y a un an, j’ai commencé à réfléchir à une solution alternative, en me disant qu’il valait mieux que les clients reçoivent des graines plutôt que des choses inutiles, pour qu'ils puissent faire pousser des plantes ou des légumes, et c’est ainsi qu’est né le projet Ecovuelto.
Sachets Ecovuelto.
Chez moi, j’ai un potager bio. Donc j’ai commencé à utiliser les graines que j’avais, en les mettant dans des petits sachets en papier. C’est moi qui les fabrique, avec ma famille, donc c’est très artisanal. Et c’est une entreprise locale qui imprime le mot "Ecovuelto" sur le papier.
Le frère de Leandro Bompadre, en train de fabriquer les sachets Ecovuelto, qu'il remplit de graines.
En février, quand j’ai commencé à proposer ces sachets à des commerçants, certains se sont montrés immédiatement intéressés. Puis, plusieurs médias ont publié des articles sur Ecovuelto, et le projet a pris de l’ampleur petit à petit.
Je vends chaque sachet aux commerçants au prix de 1,60 peso [soit 0,03 euro, NDLR], auquel il faut ajouter le coût d’envoi. J’en ai déjà vendu plusieurs milliers. Désormais, plus de 60 boutiques me les achètent dans la province de Mendoza, mais aussi dans les provinces de Buenos Aires, Jujuy, Córdoba ou encore Neuquén : ce sont des kiosques, des épiceries qui vendent des produits naturels et diététiques, des bars, des librairies, des mini-marchés, des boulangeries…
Sachets Ecovuelto, dans une épicerie de Mendoza.
Des graines de fleurs, de plantes rampantes et de légumes
Comme le projet a pris de l’ampleur, j’ai commencé à acheter des graines à des producteurs locaux, car celles de mon potager ne suffisaient plus. Actuellement, dans les sachets, nous mettons des graines de fleurs (zinnia, mirabilis jalapa, tagètes, antirrhinum), des graines de plantes rampantes (dichondra rampant) et des graines de légumes (roquette, blettes, persil, radis, coriandre, ciboule), car l’idée est aussi de reconnecter les gens aux potagers…
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© {{ scope.credits }}Les sachets Ecovuelto contiennent des graines permettant de faire pousser des plantes, des légumes...
"Pour aller plus loin, il faudrait automatiser la fabrication des sachets"
Pour l’instant, je fais ça parallèlement à mes études. Ça me permet de gagner un peu d’argent, mais pas assez pour en vivre. Pour aller plus loin, il faudrait automatiser la fabrication des sachets – qui se fait manuellement actuellement – utiliser du papier plus écologique…
Confrontés au manque de monnaie, certains commerçants arrondissent également leurs prix (pour ne pas avoir à rendre de la monnaie), d’autres rendent davantage d’argent à leurs clients que ce qu’ils devraient faire (perdant ainsi de l'argent)… Plus surprenant encore, certains proposent même désormais d’acheter de la monnaie, à un prix supérieur à sa valeur réelle.
Cet article a été écrit par Chloé Lauvergnier (@clauvergnier).