La diaspora ouïghoure exige des preuves de vie de ses disparus, "rééduqués" par la Chine
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"Montrez-moi qu’ils sont en vie". Des Ouïghours de la diaspora ont lancé, lundi 11 février, une campagne sur les réseaux sociaux pour réclamer des preuves de vie de leurs proches disparus, en publiant leurs portraits. Dans la région Xinjiang, la Chine aurait envoyé dans des camps de "rééducation" au moins un million de personnes appartement à cette minorité musulmane et turcophone.
Cette opération en ligne intervient quelques jours après l’annonce dans la presse turque, le 9 février, du décès en détention d’un célèbre musicien ouïghour, Abdurehim Heyit. Sur son site, le journal Yeni Safak précise que l’artiste, détenu depuis 2017, avait été condamné à huit ans d’emprisonnement pour avoir écrit une chanson déplaisant aux autorités.
En Turquie, où vivent de nombreux réfugiés ouïghours, le ministère des Affaires étrangères s’était aussitôt emparé de l’affaire et qualifiait de "honte pour l’humanité" le traitement réservé par la Chine aux Ouïghours.
Ces attaques ont fait bondir la Chine, qui a fermement démenti la mort du musicien. Dans la foulée, dimanche soir, la vidéo d’un homme présenté comme Abdurehim Heyit et se disant en bonne santé était diffusée sur Twitter par la radio publique Radio Chine internationale.
Abdurrehim Heyit ölmedi, Türkiye Dışişleri’nin #Xinjiang iddiaları asılsız. Abdurrehim Heyit’in sağlık durumunun iyi olduğu açıklandı. https://t.co/cqmcyeVS2s @TC_Disisleri @TurkEmbBeijing @anadoluajansi @trthaber @ntv @cnnturk @Hurriyet @Postacomtr #AbdurrehimHeyit pic.twitter.com/hFryakReEr
CRI Türkçe (@CRI_Turkish) 10 février 2019
"Cela fait 11 mois que mon père a disparu"
Si certains ont remis en question l’authenticité de cette vidéo, un Ouïghour basé en Finlande, Halmurat Harri, en a lui profité pour demander à la Chine des preuves de vie des "millions d’autres détenus". Dans un tweet publié lundi 11 février, il a invité les Ouïghours à faire de même grâce au hashtag #MeTooUyghur.
Please join our social media campaign- #MeTooUyghur!
Halmurat Harri Uyghur (@HalmuratU) 11 février 2019
As you know Chinese authority responded Abdurehim Heyts scandal by released a video to show he is alive.
Are millions of detainees too alive?
Small action, big impact! You action count, please join us! #MeTooUyghur pic.twitter.com/jtpvAX0oPM
From CCR’s video, we see #AbdurehimHeyt is possibly still alive, but where are millions of others? Where are these #Uyghur intellectuals? #China, show us their videos if they are alive! #MeTooUyghur #MenmuUyghur #FreeUyghur #SaveUyghur pic.twitter.com/mQZWCHp9rM
Halmurat Harri Uyghur (@HalmuratU) 12 février 2019
Le lendemain, Halmurat Harri a publié un autre tweet, avec des photos de disparus, en demandant : "Où sont ces intellectuels ouïghours ?"
Des dizaines d’Ouïghours de la diaspora ont alors diffusé des images de leurs proches sur les réseaux sociaux.
China, as u did with singer #Abdrehim heyit, show me my father and my mother ! Its been 15 Month since my mom taken to concentration camp and been 11 month since my father disappeared. Show me they r still alive! #MeTooUyghur#stopconcentrationcamp pic.twitter.com/4lXMAkUsfm
Alfred_Uyghur (@Alfred_Uyghur) 11 février 2019
"Cela fait 15 mois que ma mère a été placée dans un camp de concentration et 11 mois que mon père a disparu", écrit cet internaute sur Twitter en accompagnant son message d’une photo de lui brandissant les portraits de sa mère et de son père.
China’s government, show my father Kurban Mamut’s video too the way you did with #AbdurihimHeyit
Bahram K. Sintash (@BSintash) 11 février 2019
You’ve cut our connection for more than one year! I worry about his well-being.#CCPShowVideoOfMyLovedOneToo#MeTooUyghur pic.twitter.com/zemb3JCsEs
"Montrez-moi une vidéo de mon père Kurban Mamut comme vous l’avez fait pour Abdurehim Heyit", peut-on lire dans cette autre publication.
My parents SawutZunon and TursunhanKeyum. my 3 brothers and their families, my 4 sisters and their families . I am worrying about their well-being.
fezilet (@Guzel_sawut) 12 février 2019
I ask Chinese government to show my parents‘ video as they did with #AbdurehimHeyit #MeTooUyghur #SaveUyghur pic.twitter.com/FpjKVVqZjP
"Je demande au gouvernement chinois de montrer une vidéo de mes proches comme il l’a fait pour Abdurehim Heyit ", demande également cet utilisateur.
Le cousin d'Erpat Ablekrem, joueur de football professionnel de 25 ans, publie une de ses photos expliquant qu'il a été placé dans un camp en mars 2018.
#MeTooUyghur
Ezer Enver (Aiziheer Ainiwaer) (@aiziheer) 12 février 2019
Dear president Xi,
Please free our grandpa, he is a good man, we miss him a lot. Grandma is sick. Grandpa should take care of her. pic.twitter.com/XjlXErPoxa
Ce père et ses enfants demandent au président chinois de libérer leur grand-père.
My father’s name is Azat Eziz. He was taken to the #Consentrationcamp in October 2017. My mother’s name is Gvlmire Abdughini. She was taken to the #Consentrationcamp inSeptember 2017.I ask Chinese government to release my Parents. #مەنمۇئۇيغۇر #MeTooUyghur pic.twitter.com/I1T9HEa1b0
Hayat Ezizoova (@ezizoova) 12 février 2019
Cette personne donne l'identité de ses parents, Azat Eziz et Gvlmire Abdughini. Elle explique que sa mère a été emmenée dans un camp en septembre 2017 et son père en octobre 2017.
China! As you did with our famous singer Abdurrahim Heyit, show my sister,father in low,Mather
GulziraTaschmamat (@taschmamat) 12 février 2019
In low,sister in low,brother
In low in video too! They are been taken for more than a year! Show me they are still alive ! #MeTooUyghur #CCPShowVideoOfMyLovedOneToo #SaveUyghur pic.twitter.com/0wg6NqZujL
Ces enfants posent devant une affiche montrant leurs proches disparus et sur laquelle est inscrit : "Où sont-ils ?"
Çin rejimine soruyorum:
Muhammad Atawulla (@Uyghur_0903) 11 février 2019
Benim annem ve iki kardeşim nerede? Onların durumu nasıl? Hayatta mı yoksa öldürüldü mü? Ailemde kalanlara ne oldu?
Ben Çin hükümetinden bu konuda ciddi bilgi vermesini talep ediyorum!!!#MeTooUyghur pic.twitter.com/yN8C63U2AG
Cet internaute demande des nouvelles de ses frères et de ses parents au gouvernement chinois.
Des camps pour "dissoudre" les Ouïghours
Les Ouïghours, qui comptent près de 10 millions de membres, vivent au nord-ouest de la Chine, dans la région du Xinjiang. Cette dernière, riche en matières premières, est stratégique pour Pékin qui veut y faire passer la "Nouvelle route de la soie", le projet commercial international phare du président Xi Jinping.
>> À lire sur France 24 : ONG et ONU dénoncent les camps d’internement pour Ouïghours en Chine
Après des émeutes meurtrières en 2009 dans la région et des attentats attribués aux Ouïghours, le Xinjiang fait l’objet d’une haute surveillance policière. Selon le Congrès ouïghour mondial – une organisation internationale de Ouïghours en exil – c’est dans ce contexte que le gouvernement chinois a entamé en avril 2017 l’installation de "camps de rééducation" pour "dissoudre" cette minorité.
Selon les Nations unies, au moins un million de personnes seraient détenues dans ces centres et forcées de réciter des chants et slogans à la gloire du gouvernement, d’apprendre la langue chinoise au détriment de la langue ouïghoure [proche du turc et écrite avec l’alphabet arabe, NDLR] ou de subir des séances de torture, notamment de simulation de noyade. Ces accusations sont démenties par Pékin, qui parle de "centres de formation professionnelle" contre la "radicalisation" islamiste.
Cet article a été écrit par Maëva Poulet (@maevaplt).