BURUNDI

Au Burundi, rendre aux mères célibataires leur dignité perdue

Des femmes prises en charge par l'Association des mamans célibataires à Bujumbura.
Des femmes prises en charge par l'Association des mamans célibataires à Bujumbura.
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Exclues de l’école, rejetées par leurs parents et leurs communautés : au nom de la moralité publique, les mères célibataires au Burundi sont ostracisées, surtout les jeunes filles issues de familles démunies. L'Association des mamans célibataires s’efforce de réinsérer ces mères en détresse dans la société à Bujumbura, la capitale burundaise.

Face à cette situation, Pamella Mubeza, qui s’est retrouvée elle-même mère célibataire, a fondé en 2007 l’Association des mamans célibataires, basée à Bujumbura. Elle intervient notamment dans les quartiers les plus défavorisés, comme ceux de Kinama et Kinyankonge. Dans ces zones pauvres, les femmes ont encore moins accès à l’information concernant la santé sexuelle et reproductive qu’ailleurs.

"Beaucoup d'adolescentes ne savent pas comment fonctionne leur corps"

Il y a beaucoup d’ignorance chez ces adolescentes, elles ne savent pas comment fonctionne leur corps. La grande majorité de celles qui tombent enceinte ont été manipulées, voire violées, par des hommes malveillants.

Au Burundi, les femmes qui tombent enceintes hors mariage sont considérées comme des femmes de petite vertu. Elles sont exclues de l’école et du domicile, elles sont tuées socialement. Ces femmes se retrouvent dans la rue, avec leur enfant. Pour survivre, certaines sont obligées de se prostituer.

Nous organisons régulièrement des ateliers, avec des psychologues, pour aider ces filles à retrouver leur estime de soi. Mais nous nous efforçons surtout de les réintégrer à l’école.

Des membres de l'Association des mamans célibataires en compagnie de mamans célibataires, lors d'un cours de sensibilisation aux droits des femmes, dans une école de Bujumbura, fin 2018. Photo transmise par Pamella Mubeza.

Cette année, nous sommes parvenues à re-scolariser 40 adolescentes. C’est une tâche très difficile, car il faut d’abord convaincre les écoles. Nous organisons régulièrement des séances dans ces établissements pour expliquer aux enseignants, aux responsables, que ces femmes ont tout à fait le droit d’avoir un enfant et de l’élever, et que cela ne fait pas d’elles des femmes de mauvaises mœurs.

Un mère célibataire en train de parler de son expérience, en classe. Photo transmise par Pamella Mubeza.

Je leur parle de mon cas : je leur explique que moi aussi, j’ai été maman célibataire, et que malgré cela, j’ai obtenu des diplômes et je suis devenue autonome.

Ce travail est loin d’être terminé. Nous devons encore scolariser 250 mères.

Pas les moyens d'acheter des serviettes hygiéniques

Dans les quartiers pauvres, les femmes n’ont pas les moyens de s’acheter des serviettes hygiéniques. Le paquet coûte autour de 2 000 francs burundais [environ un euro]. Il y a des adolescentes qui demandent de l’argent à leurs copains pour les acheter, et ces derniers en profitent pour leur réclamer des faveurs sexuelles. Nous essayons d’intervenir afin que ces jeunes filles ne soient pas des proies.

Distribution de serviettes hygiéniques dans les locaux de l'Association des mamans célibataires.

Tous les trois mois, nous distribuons des serviettes hygiéniques dans nos locaux, environ 1 500 pièces, pour aider ces femmes à devenir autonomes.

C’est très important, car les femmes qui ont leurs règles n’osent pas sortir de chez elles et, accablées par la honte, les adolescentes ne se rendent pas à l’école. En plus, elles utilisent en substitut une multitude de produits nocifs comme les sachets plastiques, les chiffons, le papier, les herbes, qui peuvent provoquer des infections vaginales.

Pamella Mubeza

L'action de l'Association des mamans célibataires s'inscrit dans le cadre plus large de la lutte contre les discriminations au Burundi. Dans ce petit pays de la région des Lacs, les femmes ont notamment très rarement accès à la terre : en l’absence d’une loi sur la succession, les questions d’héritage sont réglées selon la coutume qui veut que l’héritage de la terre revienne aux seuls hommes. Par ailleurs, depuis 2017, les femmes n’ont plus le droit de jouer au tambour, instrument emblématique de la culture burundaise.

Cette inititaive nous a été signalée par notre Observateur Ferdinand Bisengi.