En Chine, les autorités démontent et "brûlent des croix" pour contrôler les chrétiens
Publié le : Modifié le :
À gauche, selon les membres de la communauté chrétienne en Chine, cette église de la province du Henan a été dépouillée de ses croix et fermée par les autorités locales le 6 septembre. À droite, une croix brûle dans le centre du Henan le 8 septembre.
Publicité
Chaque semaine depuis le début du mois de septembre, de nouvelles vidéos émergent, montrant des églises indépendantes être fermées de force par les autorités dans la province du Henan, dans le centre de la Chine. Ces images sont souvent diffusées sur les réseaux sociaux par des pasteurs chinois installés à l’étranger, et qui ne sont donc pas soumis à la censure. Ils dénoncent la pression croissante du gouvernement sur les groupes religieux.
Les récentes fermetures d’églises dans la province du Henan concernent des lieux de cultes chrétiens indépendants, qui ont refusé d’être officiellement enregistrés. Ces églises sont qualifiées de "domestiques". Sur les réseaux sociaux, plusieurs images témoignent de cette répression grandissante : on y voit, dans la plupart des cas, des personnes retirer les croix en haut des édifices religieux, parfois avec l’aide de grandes grues (voir ci-dessous et ici ou ici).
Selon le révérend Jonathan Liu, notre Observateur et relais avec la communauté chrétienne du Henan, cette scène se déroule le 1er septembre devant une église chrétienne située dans la périphérie de Pingdingshan.
Selon le révérend Jonathan Liu, cette vidéo a été tournée le 27 août 2018 à Zhengzhou, dans la province du Henan.
D’autres vidéos montrent les croix prendre feu. Pour notre Observateur, le révérend Jonathan Liu, ces incendies – dont les causes ne sont pas claires – peuvent être interprétés comme des tentatives pour intimider les chrétiens.
Selon ChinaAid, cette vidéo montre une église de la province du Henan et date du 8 septembre 2018.
Parmi les nombreux pasteurs chinois vivant à l’étranger qui relaient ces images, l’un d’entre eux, Bob Fu, est également fondateur de l’ONG ChinaAid, qui fournit de l’aide juridique aux chrétiens de Chine. Contactée par notre rédaction, Brynne Lawrence, porte-parole de ChinaAid, s’inquiète de l’intensification des fermetures d’églises :
Nous voyons toutes ces images parce qu’il y a en ce moment une intensification des persécutions à l’encontre des chrétiens dans le pays, et ce surtout dans la province du Henan. Cette campagne de fermetures d’églises s’est intensifiée depuis l’entrée en vigueur en février de nouvelles lois sur la religion en Chine. Ces textes, qui s’appliquent à l’échelle nationale, réglementent plus strictement les activités religieuses et ne laissent pas de place à l’interprétation. Le but est d’imposer la "sinisation" des pratiques religieuses, c’est-à-dire les soumettre à l’idéologie du Parti communiste. L’idée, c’est qu’être un bon citoyen, loyal au Parti, passe avant la croyance en Dieu. Et cela signifie qu’il faut forcer les églises à s’enregistrer.
Les forces de l’ordre ferment une église sous le regard de la foule. Selon le révérend Jonathan Liu, ces vidéos ont été filmées à Xinyang, dans la province d’Henan, le 2 septembre 2018.
Il y a deux types d’églises chrétiennes en Chine : les églises "enregistrées", et les églises qui ne sont pas enregistrées, dites "domestiques". Les églises enregistrées sont soumises à la surveillance, et sont souvent obligées d’installer à l’intérieur des lieux de culte des caméras à reconnaissance faciale. Leurs sermons sont également censurés, et la propagande communiste y est ajoutée, "l’État est grand", etc.
Les gens sont également contraints de chanter l’hymne national. Dans les "églises domestiques", les croyants veulent éviter cette surveillance et pratiquer leur foi comme bon leur semble. Alors que certains estiment qu’il est plus sûr de s’enregistrer, beaucoup continuent donc à résister, malgré les risques. Quelques "églises domestiques" restent discrètes, tandis que d’autres rendent leur croix bien visible, en haut des édifices.
Une note ordonnant la fermeture d’une église non-enregistrée à Luohe, dans la province du Henan. Cette image a été partagée par le révérend Jonathan Liu.
Refuser l’ordre de s’enregistrer conduit généralement à la fermeture de l’église, ainsi qu’à l’arrestation des pasteurs et des leaders de l’église. Parfois, les autorités démolissent juste la croix, parfois tout le bâtiment.
Cette campagne suscite énormément de peurs dans la communauté chrétienne en Chine. Nous recevons beaucoup d’appels à l’aide, et les croyants craignent de perdre leurs droits. Ils sont ainsi très préoccupés par les caméras de surveillance qui sont installées dans les églises enregistrées. La situation est imprévisible et donc très inquiétante.
Le révérend Liu, qui vit à San Franciso, a aussi relayé plusieurs images de fermetures d’églises dans la province du Henan. Il assure recevoir des informations et des images directement de la part de chrétiens vivant en Chine.
"La répression s’intensifie dans la province du Henan particulièrement maintenant parce que c’est la province dans laquelle la chrétienté se développe le plus rapidement", explique-t-il. "Les images que nous recevons ne racontent qu’une partie de l’histoire. Nous savons qu’il y a beaucoup de fermetures de petites églises qui n’ont pas été photographiées ou filmées".
Selon le révérend Jonathan Liu, cette vidéo montre une foule devant une église fermée à Zhengzhou, dans la province du Henan. La croix qui a été retirée de l’église est suspendue à un câble en arrière-plan.
La répression du gouvernement chinois a récemment été marquée par la fermeture de l’Église de Sion, au nord de Pékin, le 9 septembre. Si elle n’était pas enregistrée, elle accueillait toutefois plus de 1 600 croyants. Mais le pasteur de cette église s’est dit prêt à défier le gouvernement, en assurant qu’il continuerait à prêcher ailleurs. Ce dernier a confié à l’AFP qu’il avait été persécuté par la police et brièvement détenu après avoir tenté de retrouver possession de l’église.
Musulmans et bouddhistes également visés par les autorités
Les chrétiens ne sont pas le seul groupe religieux sous la pression des autorités chinoises. En juin, des moines et nonnes bouddhistes du Tibet ont été obligés de suivre une formation sur les politiques religieuses du gouvernement et forcés à faire des "tests patriotiques".
En août, les autorités du Henan ont également hissé le drapeau rouge de la République populaire de Chine sur le temple Shaolin, un monastère bouddhiste vieux de 1 500 ans et connu pour ses entraînements aux arts martiaux. Les experts des Nations unies ont encore tiré la sonnette d’alarme au sujet du million de musulmans de la minorité ouïghoure en détention dans des camps de "rééducation" au nom de la lutte contre l'extrémisme religieux.
En Chine, cinq religions ont un statut officiel : le taoïsme, le bouddhisme, l’islam, le protestantisme et le catholicisme. Tous les lieux de cultes sont cependant tenus de s’enregistrer auprès des autorités, même si de nombreux croyants préfèrent se rendre dans des lieux non enregistrés.