Carnet de reportage : la face cachée de la récolte de la tomate en Italie
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Dans le sud de l’Italie, les tomates sont généralement récoltées par des ouvriers agricoles africains. Ces derniers gagnent souvent moins que le salaire légal et vivent dans des campements de fortune, depuis de nombreuses années pour certains. Derek Thomson, le rédacteur en chef des Observateurs de France 24 est allé à leur rencontre : dans ce carnet de reportage, il revient sur les difficultés à filmer les champs de tomates.
Dans le cadre de ce reportage Ligne Directe, Derek Thomson s’est notamment rendu dans la province de Foggia, située dans région des Pouilles, dans le sud-est de l’Italie, où la production de tomates est la plus importante.
Découvrez la bande-annonce du reportage ci-dessous, à découvrir dans son intégralité sur France 24 ce dimanche, à 20h15, et sur les réseaux sociaux la semaine prochaine.
"Dès que l’on s’approche d’un champ, il y a toujours quelqu’un qui demande qui l'on est"
Il revient sur les coulisses du reportage :
Le deuxième jour de notre tournage, nous sommes allés près d’un champ, situé à une quinzaine de kilomètres de Foggia. Nous avons commencé à filmer à 300 mètres environ de l’endroit où les tomates étaient récoltées. Mais au bout de quelques minutes, un 4x4 de la marque Audi s’est arrêté près de nous et un monsieur nous a demandé ce que nous faisions. Il nous a dit que le propriétaire du champ était à l’hôpital, dans le coma, et que ce n’était donc pas correct de filmer son champ, étant donné les circonstances. Il nous a indiqué un autre champ, à trois kilomètres de là, où nous nous sommes alors rendus.
Lorsque nous sommes arrivés à proximité de ce deuxième champ, nous avons recommencé à filmer, là encore à 300 mètres environ de l’endroit où les ouvriers travaillaient. Mais au bout de deux ou trois minutes, un fourgon jaune – qui se trouvait à côté des ouvriers – a traversé le champ et son conducteur nous a dit que nous n’avions pas le droit de filmer.
"Nous avons été suivis par deux voitures"
Puis, un peu plus tard dans la journée, un autre incident s’est produit. Nous étions en train de rouler sur une route assez lentement, car nous cherchions un campement de fortune appelé "La Pista" (il se trouve sur la piste d’atterrissage d’une ancienne base aérienne), lorsque nous avons remarqué que deux voitures nous suivaient. Il y avait une Mercedes, conduite par un jeune homme qui parlait au téléphone, et une autre voiture, où se trouvaient deux personnes. Nous avons ralenti pour qu’ils nous doublent, car il y avait de l’espace pour le faire, mais ils ne l’ont pas fait. Du coup, nous étions vraiment certains qu’ils nous suivaient. Nous sommes alors entrés dans l’ancienne base aérienne, à un endroit où il était possible de faire demi-tour sans s’arrêter, puis nous sommes repartis. L’une des voitures est alors restée sur place, et l’autre est repartie. En bref, ils ont arrêté de nous suivre au bout de dix minutes.
Le troisième jour de notre tournage, nous nous sommes rendus dans la matinée au "Gran Ghetto", situé à une dizaine de kilomètres au nord de Foggia. C’est un endroit où vivent de nombreux ouvriers agricoles, bien qu’il ait été démantelé en 2017, à la suite d’un incendie. L’atmosphère était assez hostile aux journalistes.
Puis, après l’avoir visité, nous nous sommes arrêtés à côté d’un champ où se trouvaient des travailleurs, qui installaient un tuyau d’irrigation, pour tourner une dernière séquence. Pendant que nous filmions, un camion s’est approché de nous. Il s’est arrêté et le conducteur a crié : "Qui êtes-vous ?" Nous avons alors compris qu’il fallait partir. J’ai démarré la voiture, alors que Natalia Mendoza, la journaliste qui filmait, était encore dehors. L’un des travailleurs du champ – sûrement le "capo noir" – a alors essayé de l’empêcher de s’asseoir sur le siège du passager avant, après avoir traversé le champ en courant. Mais nous avons réussi à déguerpir.
En bref, il est assez difficile de filmer les récoltes dans les champs de tomates. Dès que l’on s’approche d’un champ, il y a toujours quelqu’un qui demande : "Qui êtes-vous ? Êtes-vous un journaliste, de la gendarmerie, de la police locale, de la Garde des finances (la police douanière et financière italienne) ?"