ÉGYPTE

Vaudou et Strox : en Égypte, deux nouvelles drogues cartonnent et effraient les riverains

Notre Observateur a installé des caméras pour montrer les ravages de la drogue qui sévit dans son quartier.
Notre Observateur a installé des caméras pour montrer les ravages de la drogue qui sévit dans son quartier.
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Bagarres à couteaux tirés, agressions, harcèlement des riverains : notre Observateur, un habitant du Caire, n’en peut plus de l’insécurité qui règne en bas de chez lui, dans le quartier populaire d‘Ain Shems. Il y a environ un an, des dealers s’y sont installés pour vendre un cannabis de synthèse particulièrement dangereux.  En mai dernier, il a installé avec ses voisins des caméras à plusieurs endroits de la rue, pour montrer les ravages de cette drogue et pousser la police à agir.

Ces deux dernières années, deux nouvelles drogues ont fait leur apparition en Égypte : la "Strox" et la "Vaudoo".

La Vaudoo est composée d’une plante aromatique, la marjolaine ou l’encens, qui est imprégnée d’un cannabinoïde synthétique dont l’effet est jusqu’à 100 fois plus puissant que celui du cannabis naturel. Elle est généralement vendue sous la marque "Mister Nice Guy", dans un petit sachet affublé d’un dessin d’émoticône. Sur le sachet, il est mentionné : "encens relaxant, non comestible". Cette drogue est légale dans certains pays comme Israël, où elle est populaire notamment parmi les militaires.

Pour fabriquer la Strox, on utilise également une plante aromatique, en général la marjolaine, ou l'encens, mais cette fois on vaporise dessus des substances actives utilisées en médecine pour soulager les crampes et les coliques, l’atropine, l’hyoscine et l’hyoscyamine. Ces substances ont un effet psychotrope lorsqu’elles sont consommées à fortes doses.

Ces deux drogues sont généralement mélangées à du tabac pour être fumées. Elles provoquent notamment chez l’usager des troubles de la parole, des hallucinations visuelles et auditives, et des délires paranoïaques qui peuvent conduire à un comportement agressif.

Notre Observateur, Mustapha Nasser (pseudonyme) décrit ces jeunes qui rôdent dans sa rue comme des "zombies".

"Ils s’évanouissent parfois en plein milieu de la rue, puis se relèvent, cherchent à provoquer une bagarre"

Ces gens marchent en titubant, en parlant de manière très confuse. Ils s’évanouissent parfois en plein milieu de la rue, puis se relèvent, cherchent à provoquer une bagarre. Leur comportement fait très peur aux riverains. Dans la rue où j’habite il y a plein de magasins, mais beaucoup de personnes, surtout les femmes, n’osent plus venir faire leurs courses ici par peur d’être agressées.

Cette vidéo montre les dealers postés au coin de la rue, autour d’une moto. Un homme passe devant eux en titubant, puis s’écroule par terre.

Ces drogues tuent. Il y a environ un an, un gamin de 16 ans a été tué au cours d’une rixe avec un autre jeune. Et il y a tout juste deux semaines, un autre jeune est mort d’une overdose de Strox.

Ces images montrent deux jeunes se battre à coup de sabre, puis s’en prendre au propriétaire d’une boutique d’alimentation.

Des dealers se sont installés au coin de ma rue depuis plusieurs mois, sans être inquiétés le moins du monde par la police. Parmi ces dealers, il y a même un enfant d’à peine 12 ans !

Cinq caméras pour tout documenter

Donc pour pousser la police à réagir, nous nous sommes cotisés avec des voisins afin d’acheter cinq caméras que nous avons installées sur nos balcons. Elles nous ont couté 7000 livres [335 euros], une petite fortune !

Cette vidéo montre un jeune sous emprise en train d’essayer de défoncer la porte d’un médecin, explique note Observateur. Quelques instants plus tard, il s’écroule par terre. 

Au bout de quelques jours, et une fois que nous avons eu suffisamment d’enregistrements prouvant la propagation de la drogue dans le quartier, nous avons contacté Mohamed al-Koumy, un député qui milite contre le trafic de drogue et qui avait déjà mené des campagnes de sensibilisation à Ain Shems pour sensibiliser à ses dangers.

Cette vidéo montre un homme sous emprise de la drogue tituber, puis perdre connaissance en plein milieu de la rue.

Mohamed al-Koumy a accepté de nous apporter son aide. Fin mai, il nous a accompagnés au poste de police, et nous avons pu montrer ces vidéos aux policiers. Ils se sont engagés à mener leur enquête. Mais jusqu’à aujourd’hui, rien n’a été fait.

 

La rédaction de France 24 a tenté de joindre à plusieurs reprises le commissariat d’Ain Chems, pour en savoir davantage sur ce trafic, sans succès pour l’instant. 

Contacté par France24, le directeur du centre égyptien de lutte contre l’addiction à la drogue,  Ali Abdallah, a expliqué que la formule chimique de la Vaudou change régulièrement, ce qui empêche le ministère de la Santé de la mettre sur la liste des substances illégales.

Selon une étude publiée en février 2017 par le Fonds de lutte contre l’addiction, 10,4% des Égyptiens de 12 à 60 ans consomment de la drogue –aucune précision n’est donnée sur la nature des dogues. Ce taux est très élevé par rapport à la moyenne mondiale qui est située autour de 5 %. 

En Égypte, il n’en existe pas de statistiques sur le nombre des victimes des deux drogues, Vaudoo et Strox. Cette dernière semble la plus dangereuse : des cas de décès des suites d’une overdose de Strox sont régulièrement rapportés par les médias égyptiens.