Dans le nord du Congo-Brazzaville, conflit autour de l’exploitation de l’or et du titanium
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Près d'Elogo, village reculé de la région de la Sangha, dans le nord du Congo Brazzaville, une mine d'or et de titanium est exploitée illégalement selon nos Observateurs. Une vidéo, tournée en 2017 par une ONG, l'Observatoire congolais des droits de l'Homme, montre des machines en train de creuser dans la zone forestière proche du village. Aux commandes, des hommes visiblement asiatiques. Selon nos Observateurs, cette exploitation a des répercussions sur l'environnement et les populations locales, et d’autres cas similaires ont été identifiés dans le nord du pays .
À environ 80 kilomètres de la frontière camerounaise, le village d'Elogo appartient à la sous-préfecture de Souanké, dans la région de la Sangha. Une route bétonnée y sera bientôt construite dans le cadre d'un axe Congo - Cameroun - Gabon, financé par la Banque africaine de développement. En attendant, Elogo et les villages aux alentours restent des endroits très reculés. Il n'y a ni Internet, ni réseau téléphonique : il ne nous a pas été possible de joindre les habitants sur place ni aucune personne travaillant sur le site.
Jusqu'en 2015, les habitants d'Elogo exploitaient, en faible quantité, l'or des terres proches de leur village. Début 2016, la société congolaise Maud Congo est arrivée, munie d'un permis d'exploitation attribué par le ministère des Mines et de la Géologie du pays.
Dans ce contexte, une vidéo publiée par l'Observatoire congolais des droits de l'Homme (OCDH) le 29 avril 2018, montre les machines en pleine action. "Nous sommes à Elogo 2 ou la société Maud Congo exploite de l'or de façon semi-industrielle" commente l'employée de l'ONG congolaise.
Nos Observateurs signalent que ces entreprises minières provoquent une importante déforestation. Elles sont aussi responsables de l'arrivée des moustiques, absents jusque-là dans cette zone. Désormais, les machines creusent des trous profonds, dans lesquels stagne l’eau après de fortes pluies ce qui favorise le développement des insectes.
"Le carburant est déversé dans les cours d’eau, ça assèche la rivière, c’est une catastrophe écologique"
Bertrand Mekane Niamazok, un Franco-Congolais, acteur de la société civile et originaire de la Sangha, fait régulièrement des allers-retours entre la France et le Congo. Il a été candidat aux élections locales de 2017 sous la bannière de "Club 2002 pur", un parti proche de la majorité présidentielle. Il est porteur de plusieurs projets dans la région.
Les entreprises déversent du carburant dans le cours d'eau qui traverse Souanké, ces produits assèchent la rivière qui n'existe presque plus désormais, il n'y a plus de poissons. C'est une catastrophe écologique.
Selon l'OCDH, à l'aide d’un sous-traitant chinois, la Sefyd, la société Maud Congo exploite depuis 2016, le site de façon semi-industrielle [qualificatif défini selon la taille des machines], conformément à l’autorisation qui lui a été faite en 2015.
À ce moment-là, la presse pro-gouvernementale avait annoncé que les habitants d’Elogo seraient autorisés à récupérer les résidus. Mais selon nos Observateurs, les habitants, chassés de la zone, n'ont pas le droit de fouiller la zone. En novembre 2016, le ministère suspend, via une note, l’ensemble des permis d’exploitation semi-industrielle dans le pays pour "non déclaration de production et destruction de l’environnement". Selon cette même note, l’exploitation pourra reprendre dès que la société qui en est chargée aura tenu un cahier des charges en collaboration avec la population, et réalisé une étude d'impact environnemental.
Pourtant, six mois plus tard, l'exploitation continue à Elogo, comme si de rien n'était.
L'auteure de la vidéo pour l’OCDH précise à la rédaction des Observateurs :
L'État doit veiller à l'exécution de la note, mais les entreprises profitent des faiblesses administratives et de la loi pour faire ce qu'elle veulent
"L'interdiction est juste un moyen d'améliorer l'image du pays vis-à-vis de la communauté internationale"
Bertrand Niamazok reprend :
Les autorités ont officiellement promis une équipe pour vérifier [que l’exploitation continuait, NDLR]. Mais sur le terrain, rien ne s'arrête, et l'exploitation continue. Les populations ne sont pas consultées. Les entreprises arrivent de Brazzaville avec des soldats. Il y a des gens qui guettent, il suffit qu'une ONG arrive pour que les militaires s'en aillent.
Il y a eu des protestations et des échanges avec les autorités, sans suite. Les habitants avaient créé un ‘front pour la défense des intérêts des fils et filles de la Sangha', encouragé par le gouvernement. Mais dès qu'ils ont commencé à parler des mines, le préfet a suspendu leurs activités. D’après ce qu’on m’a dit, il y a quelques habitants qui soutiennent l'exploitation, mais cela reste mineur. Certains sont employés par les structures sur place, ils ont des salaires misérables, comparé au travail qu'ils font.
Contacté par France 24, le président de l'Observatoire des cultures Bantu, de la biodiversité et de l'éducation à l'environnement (OBCE/Vert), une ONG de la région, estime que la présence de l'armée laisse par ailleurs penser aux habitants que l'exploitation est légale, ils ne profitent donc pas des retombées potentielles.
La population semble ne pas être éduquée au problème. Ils sont dans l'impossibilité de fouiller dans les résidus d'or, les militaires leur interdisent. Les entreprises chinoises ont attaqué leurs plantations. Mais ils ne peuvent rien dire puisqu'il n'y a aucune communication entre les exploitants et les habitants
À la direction des mines : "Nous sommes actuellement en train de procéder à des annulations de titre miniers"
Joint par la rédaction des Observateurs de France 24,, le directeur général des Mines du Congo, Louis-Marie Djama, accuse les habitants d’obstruer l’écriture du cahier des charges, censé permettre l’exploitation. Selon lui, ils font valoir que "les mines appartiennent à leurs ancêtres et qu'on n'a pas le droit d'y toucher".
Sans réfuter le manque d'étude d'impact, Louis-Marie Djama remet en question la responsabilité de la société Maud Congo :
Il y a des acteurs qui ne s'entendent pas et tentent de nuire l'un à l'autre. Dans la vidéo, il n'y a aucune preuve que c'est la société Maud Congo qui exploite de l'or. Cette dernière est seulement habilitée pour le coltan et le titane. À Elogo, c'est une autre société, Mac Congo, qui a obtenu un permis de recherche pour l'or.
Deux de nos Observateurs affirment pourtant avec certitude qu’il s’agit de Maud Congo. De même, la presse congolaise écrivait début 2016 qu'un permis d'exploitation semi-industrielle pour l'or, avait été attribué à cette même société.
Cependant, le directeur général des Mines du Congo concède :
Il y a un vrai problème avec les productions non déclarées chez Maud Congo dans d'autres régions. La production n'est pas déclarée à l'État, et ils ne payent pas de taxes. Nous sommes actuellement en train de procéder à des annulations de titre miniers. Mac Congo, elle, rend régulièrement des comptes et vient de recevoir un permis d'exploitation. L'important c'est qu'elle respecte les lois et qu'elle déclare sa production.