Les handicapés de Conakry : des "porte-malheurs" pour qui les taxis ne s'arrêtent pas
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Considérées comme une malédiction, les personnes handicapées de Conakry sont généralement condamnées à vivre entre elles et à mendier pour subvenir à leurs besoins. Le manque de transports publics empire leur condition, alors qu’elles sont déjà victimes d’exclusion sociale et qu’elles ne peuvent pas se déplacer seules. Sur place, notre Observatrice Fatoumata Chérif relate en images ces inégalités sur son compte Twitter.
Beaucoup considèrent les handicapés comme des sorciers ou des "portes-malheurs". Pour Fatoumata Chérif, activiste pour l'intégration et le développement durable, ces personnes sont souvent exclues des activités familiales et de leur communauté : "Cela les pousse à aller vivre dans la rue et à rejoindre d'autres personnes handicapées."
Les personnes handicapées étaient environ 21 600 en 2014 dans la capitale Conakry, selon les derniers chiffres de l'Institut national des statistiques guinéen.
"Être handicapé physique, mental ou visuel, c'est n'avoir aucune autonomie"
Depuis quelques années, l'État ne ne dispose plus de société de transports publics en raison de problèmes de gestion. C'est un problème institutionnel qui exclut automatiquement les handicapés, puisque même lorsqu'ils ont les moyens de prendre des taxis ou des bus, les chauffeurs ne s'arrêtent pas en pensant que ces personnes ne vont pas payer. En Guinée, l'image de la personne handicapée est systématiquement associée à celle du mendiant.
Par manque de trottoir approprié,les handicapés sont obligés d'emprunter les mêmes voies que les véhicules avec tous les risques. #Guinée @FemmeVision2030 @GouvGN #TransportsPublics SOS pour des HandyBus gratuit en #Guinée et des fauteuils roulants à pédale-mains @mariamasyl pic.twitter.com/bLGE7xGq75
Chérif Fatoumata (@Fatiiche) 10 avril 2018
On déplore également l'état des routes et des trottoirs. Du matin au soir, certaines personnes sont obligées de rouler en fauteuil sur la route pour atteindre leur destination. Il n'y a aucune signalétique sonore pour les malvoyants et les personnes sourdes et muettes sont dans l'impossibilité d'appeler un taxi. Or ici, il faut crier pour les appeler. Ces personnes dépendent entièrement des personnes valides pour leurs déplacements. Et aucun système n'est mis en place pour permettre aux handicapés de se déplacer.
"Cela pose également des problèmes de sécurité"
Le fait qu'il n'y ait pas de transports publics incite les enfants à entrer dans le véhicule de n'importe quel particulier sans connaître leur moralité. J'ai par exemple relayé l'image d'une dizaine d'enfants de l'école des sourds et muets concentrés sur un pick-up. De plus, avec toutes les histoires de viols et de kidnapping que l'on connaît, les sourds muets sont d'autant plus vulnérables qu'ils peuvent difficilement décrire ce qui leur est arrivé, puisque beaucoup de personnes handicapées sont analphabètes et peu de gens connaissent la langue des signes en Guinée.
quand je parle de l'urgence de relancer les bus scolaires c'est justement pour pallier à ce type de situation qui obligent les élèves à monter en masse dans des véhicules pour rejoindre leurs établissements.ici des élèves de l'école des sourds de #Kaloum pris par un particulier pic.twitter.com/KvuX7bExbz
Chérif Fatoumata (@Fatiiche) 10 avril 2018
"Des smartphones pour les aider ?"
À l'Assemblée, un projet de loi est en cours. Il devrait permettre aux personnes handicapées d'être identifiées et d'être prises en charge. Mais rien n'est fait pour le moment. Il y aurait pourtant de nombreuses initiatives simples qui permettraient d'améliorer les conditions de vies des personnes handicapées, à l'image de "Walikaré" le projet de Bernard Tinkanio qui emploie des personnes en fauteuil roulant dans sa cordonnerie. Une autre idée serait d'utiliser des smartphones pour que les enfant sourds et muets puissent communiquer avec les enfants valides.