L'Arabie saoudite organise enfin des concerts pop mixtes… où il est interdit de danser
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Alors que les autorités saoudiennes lancent, depuis l’arrivée au pouvoir d’un nouveau prince héritier en juin 2017, une série de réformes en faveur des loisirs et de la consommation, le royaume wahhabite ouvre désormais ses salles aux artistes célèbres du monde arabe – chose inimaginable il y a encore un an. Mais n’allons pas plus vite que la musique : femmes et hommes sont tenus à distance et il est interdit de… danser.
Imaginez-vous aller au concert de votre star préférée, mais de vous voir interdire de danser sur vos morceaux favoris. Les Saoudiens et Saoudiennes doivent se faire à cette idée. Le célèbre chanteur égyptien Tamer Hosny doit se produire le 30 mars 2018 dans la ville de Jeddah, dans l’ouest du pays. Mais sur les billets du concert une mention a attiré l’attention des futurs spectateurs : "danser ou se trémousser" sera strictement interdit.
“Dancing is strictly prohibited during the concert” written on @tamerhosny’s concert tickets in #Jeddah #SaudiArabia #Hilarious ???? pic.twitter.com/nKnyHlWeKJ
Khaled (@MoonNeighbour) 6 mars 2018
Cette réglementation a suscité beaucoup de réactions indignées ou amusées sur Twitter. Certains se demandant quelle pourrait être l’ambiance du concert, ou comment les danseurs seraient repérés et sanctionnés.
📡 لقطات حصرية من حفل #تامر_حسني في #السعودية ب #جدة
📡 رادار تويتر 📡 (@Radar_tweets) 6 mars 2018
بعد تعميم منع الرقص والتمايل 👀 pic.twitter.com/glCdWRVe8q
"Images exclusives du concert de Tamer Hosni à Jeddah après la décision d’interdire la danse", s’amuse cet internaute sur Twitter, en associant les images du ticket et celle d’un "mannequin challenge" réalisé lors d’un concert. Ce défi consiste à réaliser une vidéo dans laquelle tout est immobile pendant plusieurs secondes.
D’autant que d’autres restrictions s’appliquent, comme le précise ce panneau visible dans un point de vente : les hommes et les femmes seront notamment installés dans des tribunes différentes.
واللي يتكلم الحفلة مشروحة pic.twitter.com/Oc4hKNaa0O
تغريد فلمبان (@Taghreed_F) 1 mars 2018
"Pour le concert de Tamer Hosny : trois billets maximum par personne, entrée interdite aux moins de 12 ans, les femmes et les hommes sont installés dans des tribunes séparées, défense de fumer, tenue correcte exigée, interdiction de manger à l’intérieur, les billets ne sont ni repris ni remboursés", peut-on lire sur la pancarte du magasin Virgin au sujet du concert
Le concert se fera pourtant probablement devant une salle comble : la quasi-totalité des tribunes était déjà réservée ce 7 mars, pour des prix allant de 330 rials (environ 70 euros) à 1 475 rials (320 euros) en fonction des catégories.
Une libéralisation récente
Ces derniers mois, plusieurs concerts ont été organisés dans le royaume saoudien, une vraie révolution puisque c’était jusque-là interdit. L’artiste libanaise Hiba Tawaji, le compositeur grec Yanni, le chanteur de pop orientale Mohammed Abdo ou le rappeur américain Nelly se sont ainsi produits dans le pays devant des publics non-mixtes : Hiba Tawaji a chanté devant un public exclusivement féminin, alors que les artistes masculins ne sont eux produits que devant des hommes.
La mixité a été introduite le 23 septembre dernier, quand des festivités ont été organisées par les autorités à l’occasion de la fête nationale. Ce soir-là, femmes et hommes avaient dansé ensemble en pleine rue, suscitant l’indignation de la frange la plus conservatrice de la société.
>> LIRE SUR LES OBSERVATEURS : Des Saoudiennes s’éclatent sur le dancefloor, une liberté jamais vue…mais en trompe-l’œil
#مضاربه_فتاه_مع_شباب
#samei_100% (@s10m2010) 4 mars 2018
2018 اشوف اشياء غريبه وقلت حياء من النساء ماقد شفتها فاللهم احسن خاتمتنا واجعلنا من المتمسكين في ديننا
وهذا مقطع فيديو لبيع تذاكر حفل تامر حسني
واقول يانساء الارض اتقن الله اتقن الله اتقن الله
فالدنيا صغيره جدا
ماقلت يارجال لاني ماشفت رجال بهالمقطع💔 pic.twitter.com/pfZvyoLldH
Une foule de jeunes femmes se précipite dans un magasin Virgin pour acheter les tickets du concert de Tamer Hosny. Vidéo publiée sur Twitter le 4 mars 2018.
Cette libéralisation récente des mœurs et des lieux de divertissement est l’œuvre du prince héritier Mohammed ben Salmane, dit "MBS", qui a lancé le projet Vision 2030 dont l’objectif est de "moderniser" le royaume. Il s’agit surtout, pour le spécialiste Stéphane Lacroix, de transformer l’Arabie saoudite en société de consommation et de récupérer les milliards de dollars dépensés chaque année par les Saoudiens à l’étranger pour se divertir.