GABON

Une entreprise pétrolière française pollue une rivière et un lac au Gabon

Photos diffusées sur les réseaux sociaux, à la suite de l'incident qui s'est produit sur le site d'Onal de la société pétrolière Maurel & Prom, au Gabon, dans la nuit du 15 au 16 décembre 2017.
Photos diffusées sur les réseaux sociaux, à la suite de l'incident qui s'est produit sur le site d'Onal de la société pétrolière Maurel & Prom, au Gabon, dans la nuit du 15 au 16 décembre 2017.
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Un problème mécanique s’est produità la mi-décembre sur l’un des sites de Maurel & Prom, une société pétrolière française, dans l’est du Gabon. Conséquence : du brut s’est déversé dans une rivière et dans le lac Ezanga situés à proximité, alors que de nombreux habitants vivent de la pêche dans cette zone. Maurel & Prom minimise l’impact de l’incident.

L’incident s’est produit dans la nuit du 15 au 16  décembre 2017 sur le site d’Onal, à 150 km environ au sud-est de Libreville. C’est l’un des trois sites de Maurel & Prom dans le pays.

Fondée en 1831, cette société française est spécialisée dans l’extraction et la production d’hydrocarbures. Elle opère notamment en Afrique et est passée sous le contrôle de Pertamina, une société pétrolière publique indonésienne, l'an dernier.

"Des employés ont réalisé qu'il y avait un problème seulement trois heures plus tard"

Henri M. (pseudonyme) travaille sur le site d’Onal. Il revient sur l’incident :

Un joint a lâché au niveau d’une pompe de gavage : il s’agit d’une pompe qui récupère le pétrole brut au niveau des séparateurs, lesquels sont des machines séparant l’eau, le gaz et le pétrole extraits des puits. C’est un problème d’ordre mécanique. Mais personne n’était là quand ça s’est produit.

Des employés ont réalisé qu’il y avait un problème seulement trois heures plus tard environ, vers 3 h du matin. Ils ont arrêté la pompe, mais c’était trop tard : du brut s’était déjà écoulé, débordant du réceptacle qui se trouve sous la pompe. Ça s’est déversé dans les canalisations, qui conduisent habituellement les eaux de pluie jusqu’à la rivière située à côté.

Selon une autre personne travaillant sur le site, des employés font des rondes toutes les trois heures pour vérifier qu’il n’y a pas de problème. Il indique que le joint a lâché juste après la ronde de minuit, ce qui explique pourquoi le problème n’a été découvert que trois heures plus tard.

Contactée par la rédaction des Observateurs de France 24, la direction de Maurel & Prom confirme cette version de l’incident. Elle estime que "80 à 90 m3 de brut se sont écoulés".

Henri M. poursuit :

Le lendemain de l’incident, des barrages ont été installés sur la rivière, pour empêcher le brut d’aller plus loin. Mais ils n’ont pas été très efficaces car beaucoup de pluie est tombée. Du coup, du pétrole s’est quand même retrouvé sur les berges et s’est déversé plus loin.

Dans un premier temps, des salariés de Maurel & Prom ont commencé à nettoyer les dégâts. Puis la société a embauché une vingtaine d’habitants d’Ezanga [un village situé à proximité, NDLR] pour continuer le travail. Je pense qu’elle a été contrainte de les engager car ils avaient protesté quelques semaines plus tôt pour exiger davantage de travail.

Les images diffusées sur les réseaux sociaux, montrant la pollution au niveau du cours d'eau qui est situé à côté du site d'Onal.

"La pêche et la chasse sont en partie paralysées"

Eric N. (pseudonyme) vit à Ezanga, où les habitants vivent en grande partie de la pêche et la chasse.

Depuis l’incident, nous avons retrouvé du brut dans la rivière, sur les arbres à proximité, et dans le lac Ezanga [où la rivière se jette, NDLR], notamment sur des filets de pêche. Nous avons aussi retrouvé des poissons morts. Du coup, les gens continuent de pêcher, mais un peu plus loin sur le lac, donc ils consomment plus de carburant. Des boulettes de brut ont également été retrouvées sur des animaux. Les gens continuent de chasser, mais ils se méfient un peu car ils savent que les animaux qu’ils tuent ont pu avaler du pétrole. Personnellement, je n’ai pas mangé d’animaux issus de la chasse depuis un mois et demi. En bref, la pêche et la chasse sont en partie paralysées.

Par ailleurs, nous utilisons habituellement l’eau de la rivière et du lac pour nous laver, pour boire… Mais en ce moment, on peut avoir la diarrhée si on la consomme, donc ceux qui en ont les moyens vont acheter de l’eau en ville.

Même si des villageois nettoient la pollution, j’ai l’impression qu’il n’y a aucune différence depuis un mois et demi. Et Maurel & Prom n’a rien fait pour aider les villageois.

D’autres sources ont indiqué à notre rédaction que du pétrole avait été retrouvé à la fois dans le cours d’eau et le lac Ezanga, dont un journaliste basé à Lambaréné, une ville située plus au nord. S’il n’est pas allé sur place, il affirme lui aussi que plusieurs habitants d’Ezanga lui ont indiqué que le lac était pollué et que des poissons étaient morts.

 

Pour l'entreprise, la rivière est touchée, mais pas le lac

Des accusations que veut balayer la direction de Maurel & Prom :

Dans un premier temps, le brut s’est écoulé sur 800 mètres dans le ravinement [un sillon creusé par les eaux de pluie, que les autre témoins cités dans cet article désignent comment étant une rivière, NDLR] situé à côté du site. Mais de fortes précipitations se sont produites le lendemain, donc les barrages flottants qui avaient été mis en place pour contenir la pollution ont été submergés. Donc il y a eu des galettes de brut sur 3,5 km environ, sachant que le lac d’Ezanga se trouve à 7 km de notre site. Le brut n’est donc pas arrivé jusqu’au lac et aucun poisson n’est mort.

Selon l’entreprise, les habitants ne se seraient pas plaints jusqu’à présent. Elle n'a donc prévu aucun dédommagement financier pour pallier leurs difficultés actuelles.

Elle assure que les activités de nettoyage seront achevées à la mi-février et qu’elle envisage plusieurs pistes pour éviter des problèmes similaires à l’avenir : augmenter la fréquence des rondes ou encore mettre en place d’autres systèmes de détection des problèmes mécaniques.