Un ex-policier vénézuélien filme sa propre mort et devient une icône
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Une opération policière conduite près de Caracas, le 15 janvier, a mené à la mort d’Óscar Pérez, un ex-policier connu pour s’être rebellé contre les autorités vénézuéliennes. Au cours de l’opération, il avait posté plusieurs vidéos sur Instagram, vues des centaines de milliers de fois, dans lesquelles il affirmait vouloir négocier sa reddition. Ces images ont divisé l’opinion, certains dénonçant le "show" d’un "terroriste", d’autres le "martyre" d’un "héros".
Óscar Pérez, un inspecteur de la police scientifique, s’était fait connaître le 27 juin 2017, en attaquant le Tribunal suprême de justice et le ministère de l’Intérieur à partir d’un hélicoptère, à Caracas. Des grenades avaient notamment été lancées, sans toutefois faire de victimes.
Juste avant cette attaque, l’homme de 36 ans avait déclaré dans une vidéo appartenir à une coalition de militaires, de policiers et de civils opposés au gouvernement et réclamé la démission du président Nicolás Maduro. À l’époque, le pays était secoué par des manifestations quasi-quotidiennes, durement réprimées par les autorités.
Depuis cette date, il était recherché par la police et vivait dans la clandestinité. Il appelait régulièrement les Vénézuéliens à se soulever contre les autorités, notamment à travers des vidéos publiées sur les réseaux sociaux. En décembre 2017, il avait d’ailleurs filmé une opération au cours de laquelle lui et ses hommes avaient volé des armes et des munitions dans un bâtiment de la Garde nationale bolivarienne.
Le 15 janvier, la police avait finalement réussi à le repérer dans un quartier situé dans l’ouest de Caracas, déclenchant une vaste opération afin de le capturer.
Selfies ensanglantés : l’opération filmée par Óscar Pérez
Au cours de cette opération, qui a duré plusieurs heures, l’ex-policier a posté une série de vidéos sur Instagram, toutes vues plus de 100 000 fois, prises à l’intérieur du bâtiment où il était retranché avec d’autres personnes armées. Bien que les comptes Instagram où elles avaient été postées initialement aient été supprimés, de nombreuses reproductions existent sur les réseaux sociaux.
Dans les premières vidéos, il se filme en gros plan, ses yeux clairs fixés sur l’objectif. Il indique que lui et ses hommes sont "en train de négocier" et que des civils se trouvent parmi eux . Il appelle également le peuple à continuer à "se rendre dans la rue" et dit à ses fils qu’il a "fait ça" pour eux.
Estoy publicando todos los video en secuencia de Oscar Pérez y su grupo transmitido en la madrugada de hoy #15Enero VIDEO 1 pic.twitter.com/UIj5ti8xJu
Esteban Gerbasi (@estebangerbasi) 16 de enero de 2018
L'une des premières vidéos postées par Óscar Pérez.
Dans d'autres vidéos, il filme ses négociations avec les forces de l’ordre. On aperçoit plusieurs policier à l’extérieur, auxquels il s’adresse.
Une partie des négociations avec les forces de l'ordre.
Dans les vidéos suivantes, Oscar Pérez apparaît le visage ensanglanté et des tirs retentissent. Il dit que lui et ses compagnons sont "en train de [se faire] tirer dessus avec des grenades" et qu'ils se font attaquer alors qu’ils ne tirent pas. Selon lui, les forces de sécurité "ne veulent pas" qu’ils se rendent : "Littéralement, ils veulent nous assassiner. Ils viennent de nous le dire." Il indique aussi que des "blessés" se trouvent parmi eux.
Tirs à répétition : l’opération filmée de l’extérieur
L’opération a également été filmée depuis l’extérieur du bâtiment où se trouvait Óscar Pérez. Dans la vidéo ci-dessous, qui aurait été transmise par les policiers, l’un d’eux tire en direction du bâtiment, qui disparaît alors dans un nuage de fumée.
Vídeo 2. Cortesía de fuentes policiales. Opinión: Esta es la Venezuela que la mayoría rechaza, repudia, venezolanos matándose entre ellos, esto es condenable. Saque ud. Sus conclusiones. pic.twitter.com/nVEQyDEMgp
Daniel G. Colina (@danielgcolina) 16 janvier 2018
Dans cette autre vidéo, prise de plus haut, on entend des tirs nourris et on voit également un énorme nuage de fumée au niveau du bâtiment où les rebelles sont retranchés. On entend crier à plusieurs reprises : "Ne tirez pas !"
Así fue el enfrentamiento en El Junquito. Fuerzas Especiales de la PNB usaron armas automáticas y lanzacohetes contra el grupo de Óscar Pérez. Incluso hubo fuego cruzado entre los mismos funcionarios. pic.twitter.com/8jqqTwLB23
Daniel Blanco (@DanielBlancoPz) 15 janvier 2018
La mort d’Óscar Pérez confirmée 24 heures après
Les autorités ont annoncé seulement le lendemain la mort d’Óscar Pérez, de six autres "terroristes" et de deux policiers, ainsi que l’arrestation de six personnes. Selon elles, c’est le groupe d’Óscar Pérez, "fortement armé", qui a été à l’origine de l’affrontement, "malgré toutes les tentatives pour obtenir une reddition pacifique et négociée", ce qui aurait alors contraint les policiers à le "neutraliser".
De leur côté, des ONG de défense des droits de l’Homme ont évoqué "une possible exécution extrajudiciaire". Des spécialistes des questions militaires ont également dénoncé l'usage disproportionné d'un lance-grenades antichar lors de l’opération.
Un "spectacle de pleurnichement" ou un "massacre" ?
Ces interprétations divergentes ont été reprises sur les réseaux sociaux, où de nombreux internautes ont suivi l’opération quasiment en direct. Ces différences de point de vue sont emblématiques de la polarisation politique qui existe au Venezuela.
Du côté des soutiens du gouvernement, certains ont traité Óscar Pérez de "terroriste", affirmant qu’il était à la tête d’un "groupe armé jusqu’aux dents" ayant "ouvert le feu contre la police", tout en rappelant l’attaque qu’il avait menée en juin dernier. Certains l’ont également accusé de s’être livré à un "show" avec ses vidéos, à l'image d'Iris Varela, ex-ministre du Service pénitentiaire (2011-2017). Alors que l’opération était encore en cours, elle a dénoncé un "show de pleurnichement".
Oscar Perez es un terrorista cobarde. Te la tirabas de rambo y terminaste siendo un triste payaso
Junquito#MaestrosYMaestrasDePaz
Día del Maestro#FelizLunes#15Ene pic.twitter.com/cklmppe2LM
"Le dernier show"
#MalandroOscarPérezCapturado
PatriciaD 158K. (@PatriciaDorta40) 15 janvier 2018
Oscar perez
Junquito #15Ene a llorar pa tocoron pa la PGV.. terrorista eres.. se te garantizara la vida porque el Presidente y sus Instituciones son gente de Paz.. asi que no llores pajuo.. pic.twitter.com/RETbF34Wt0
"En train de me préparer pour le prochain show. On se voit à Tocoron [référence à une prison vénézuélienne, NDLR]."
En revanche, d’autres ont dit que l’opération policière avait été un "massacre", dénonçant un "assassinat". C'est notamment le cas de Luisa Ortega Díaz, ex-procureure générale de la République, qui a déclaré qu’il s’agissait d’une "exécution extra-judiciaire". Certains ont également qualifié l'ex-policier de "héros" ou de "martyr", postant parfois des photos de lui à côté d’une vierge Marie, faisant ainsi de lui une icône. Des hashtags ont d'ailleurs fait leur apparition sur les réseaux sociaux, tel que #TodosSomosOscarPerez ("Nous sommes tous Óscar Pérez").
Lo llamaron terrorista y en sus operaciones nunca hubo un muerto ni un herido, entonces quienes son los terroristas? #TodosSomosOscarPerez #OscarPerezSomosTodos #Oscar Perez pic.twitter.com/xlqrKTxqjE
avsg (@abirsg) 16 janvier 2018
"Vole haut, héros"
RESISTENCIA, fuerzas militares y policiales, sociedad civil, oposición en general, UNÁMONOS TODOS por el fin común, la LIBERTAD de #VENEZUELA. #ÓscarPérezSomosTodos #MNSF @soldadoDfranela @alecalcines @VR_VzlaLibre pic.twitter.com/qMeRrcE7CG
guaradisidente (@guaradisidente) 16 janvier 2018
"Nous sommes tous Óscar Pérez"
#TodosSomosOscarPerez porque muy dentro de nuestro ser está encendida esa llama libertadora.Ya basta, levántate y LUCHA. Escucha tu voz interior y hazte escuchar por todos #ÓscarPérezSomosTodos #MSNF pic.twitter.com/dBqxQE80f8
IG: OneChot???? (@OneChot) 16 janvier 2018
"Nous sommes tous Óscar Pérez"