VENEZUELA

Coiffure, douche et médecins : à Caracas, un bus au secours des sans-abris

L'équipe de "Panabus" sillonne Caracas du lundi au vendredi. Crédit : Panabus / Facebook.
L'équipe de "Panabus" sillonne Caracas du lundi au vendredi. Crédit : Panabus / Facebook.
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Du lundi au vendredi, une équipe de médecins, coiffeurs et médiateurs sociaux sillonne la capitale du Venezuela à bord du "Panabus", un véhicule aménagé pour venir gratuitement en aide aux sans domicile fixe. L’objectif ? Rompre leur isolement mais aussi, dans la mesure du possible, les aider à retrouver un toit.

L’ancien véhicule de transport sillonne Caracas depuis début octobre. Peint en vert en bleu, il est pourvu d’une douche, d’un cabinet médical, d’un petit salon de coiffure et d’un coin cuisine.

Un homme avant et après sa rencontre avec l'équipe de "Panabus". Crédit : Panabus.

Le projet est porté par la Fondation "Santa en las Calles" (Le Père Noël dans les rues), qui offre depuis 12 ans des cadeaux et des repas aux plus démunis à l’occasion des fêtes de fin d’année. Mais le pays s’enfonçant dans la crise, l’équipe a décidé d’étendre son action tout au long de l’année avec le "Panabus", comme l’explique Carlos De Veer, l’un des fondateurs du projet.

"Voir des familles avec des enfants de 5 ou 6 ans cherchant de quoi manger dans les décharges ne m’étonne malheureusement plus"

La crise économique que traverse le Venezuela pousse de plus en plus de personnes dehors. Il y a quelques années, je vous aurais dit que la plupart des habitants des rues avaient des problèmes d’addiction aux drogues. Aujourd’hui, même s’il n’existe pas de statistiques officielles, nous constatons une réelle augmentation du nombre de familles à la rue, parfois avec des nouveaux-nés.

Selon mon analyse personnelle, il y a également 20 % de mineurs isolés. Voir des familles avec des enfants de 5 ou 6 ans cherchant de quoi manger dans les décharges ne m’étonne malheureusement plus. Début 2017, l’équipe de "Santa en las calles" à Caracas s’est réunie pour réfléchir à un projet qui puisse se déployer tout au long de l’année et c’est à ce moment que nous avons eu l’idée de ce bus permettant aux SDF de se laver, de manger et d’être suivi médicalement.

Le projet "Panabus" vient en aide à de nombreuses familles et mineurs isolés. Crédit : Panabus.

En février dernier, Carlos De Veer et ses collègues ont investi dans un bus de transport public destiné à la casse. Grâce aux fonds propres de l’association et des aides de mécènes, des bénévoles ont entièrement remis sur roues et aménagé le véhicule. Une équipe salariée a également été embauchée.

Le bus a été réaménagé par des bénévoles. Crédit : Panabus.

 

Tout est parti d’une idée citoyenne, mais il fallait des professionnels pour mener à bien ce projet. Aujourd’hui, on compte douze personnes dans l’équipe, dont un agent d’entretien, un chauffeur, un gérant, ainsi que des médecins et coiffeurs qui se relaient. Nous avons également embauché des "médiateurs sociaux" pour aborder les sans-abris dans la rue et leur proposer de monter à bord du bus. Ces médiateurs sont eux-mêmes d’anciens SDF ou toxicomanes qui connaissent bien les codes de la rue. Nous traversons la ville du lundi au vendredi deux fois par jour, le matin et l’après-midi.Le chemin emprunté est chaque fois différent et nous prenons en charge entre six et sept personnes par jour.

Dès lors que quelqu’un monte dans le bus, nous l’invitons à faire sa toilette, s’habiller de vêtements propres, puis nous tentons de proposer des solutions. Au début les gens n'y croient pas vraiment, ils ne sont pas habitués aux aides gratuites alors ils s'en méfient. Mais dès lors que le lien de confiance est établi, nous passons souvent des moments de convivialité. Il nous arrive d’accompagner, si elles y consentent, des personnes toxicomanes vers des centres de réadaptation. Pour l’heure, notre plus grande victoire a été de reloger deux jeunes, Alejandra Miranda et Rubén Suárez, qui ont perdu leur travail et se sont retrouvés à la rue avec un nouveau-né. Nous avons réussi à les faire entrer dans un centre d’hébergement temporaire du gouvernement.

Deux médiateurs de "Panabus" et un sans-abris à Caracas. Crédit : Panabus.

Alejandra Miranda et Rubén Suárez dans le "Panabus". Crédit : Panabus.

D’une crise économique à une crise humanitaire

Après un mois de circulation, le "Panabus" a permis à 12 personnes d’être logées dans des hébergements temporaires, selon Carlos De Veer qui espère que le projet intéressera de nouveaux investisseurs pour se développer d’avantage.

Depuis 2014, le Venezuela traverse une crise économique majeure : le pays connaît d'importantes pénuries, notamment de biens de première nécessité, ainsi qu’une inflation vertigineuse (800 % en 2017).

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À cela, s'ajoute une crise humanitaire, dénoncée par des ONG comme Human Rights Watch. Un recensement effectué en 2016 a montré que sous le coup des privations, 75 % des Vénézuéliens ont perdu 8,5 kg en un an. L’insuffisance de médicaments a également entraîné le retour de maladies qui avaient disparu, comme la malaria et la diphtérie.