Quand la police brésilienne prend des "selfies" avec le baron de la drogue de Rio
Publié le : Modifié le :
La police de Rio de Janeiro a arrêté mercredi matin l’un des trafiquants de drogue les plus recherché de la ville : Rogerio Avelino da Silva, dit "Rogerio 157". Mais certains policiers en ont profité pour prendre quelques "selfies" avec le criminel. Une attitude pour le moins déconcertante.
Près de 3 000 policiers et soldats ont participé mercredi 6 décembre à l’arrestation de "Rogerio 157", dans la zone nord de Rio. Le trafiquant se trouvait alors dans la favela d’Arará, dont les accès avaient été entièrement bouclés par l’armée.
Policiais civis prenderam o Rogério 157, na comunidade do Arará, Zona Norte do Rio, durante #operaçãointegrada coordenada pela @SegurancaRJ. pic.twitter.com/xNXIKGKt6S
Polícia Civil RJ (@PCERJ) 6 décembre 2017
"Rogerio 157" est soupçonné d’être le chef du trafic de drogue de Rocinha, l’une des plus grandes favelas de Rio en proie à une recrudescence des violences depuis septembre. La police offrait même 50 00 réais (environs 13 000 euros) à quiconque fournirait des informations à son sujet.
Le trafiquant avait jusqu’ici toujours réussi à échapper à la police, qui s’est félicitée de cette "arrestation très importante pour (la) société brésilienne". Mais la publication sur les réseaux sociaux d’étonnantes photos des forces de l’ordre aux côtés de "Rogerio 157" est venue entacher le sérieux de l’opération.
Sur une première image, le malfrat est assis sur une chaise, menotté. Autour de lui, sept agents en uniformes et armés posent fièrement, comme des fans avec leur idole. Une deuxième image, plus curieuse encore, montre l’une des fonctionnaires presque appuyée sur l’épaule du trafiquant. Et les deux ont le sourire aux lèvres.
Ce compte est l'un des nombreux à avoir relayé les photos.
La police se défend de toute "glamourisation"
Une étrange pratique à laquelle certains semblent habitués. La presse locale révèle ainsi que l’une des policières apparue sur des clichés avec "Rogerio 157" s’est également photographiée avec le chanteur Naldo Benny, arrêté le même jour. L’artiste a été interpellé pour port illégal d’arme après avoir été dénoncé alors qu’il agressait sa femme.
Policial que fez selfie com Rogério 157 também tirou foto com cantor Naldo. https://t.co/6HuC5rGwPa pic.twitter.com/NIoIzTOE9w
Jornal Extra (@jornalextra) 7 décembre 2017
Le chef des services de sécurité locaux Roberto Sá a annoncé l’ouverture d’une enquête. "Il y a eu une euphorie dans la police" qui a "dépassé les bornes", a-t-il tenté de justifier devant les journalistes, précisant qu’il ne fallait y avoir aucune "glamourisation" du criminel.
Mais le sujet fait déjà polémique au Brésil. "Des policiers de Rio de Janeiro souriant qui se prennent en ‘selfie’ avec ‘Rogerio 157’ après son arrestation. La sécurité publique à Rio de Janeiro est clairement en faillite", a écrit sur Twitter la procureure de Petrópolis, Monique Cheker.
Policiais Civis do RJ tirando “selfie”, sorridentes, com o traficante “Rogerio 157” hoje, após a prisão. A Segurança Pública do RJ é algo absolutamente falido. pic.twitter.com/H6s956QSD2
Monique Cheker (@MoniqueCheker) 6 décembre 2017
"Combien de policiers et habitants sont morts dans les affrontements entre la police et les trafiquants dans la favela de Rocinha ? Et maintenant qu’ils arrêtent finalement le chef du trafic, que font les policiers ? Ils se prennent en ‘selfie’ avec lui […]”, déplore un internaute.
Quantos policiais e moradores não morreram em confrontos de policiais e traficantes na rocinha? Aí prendem finalmente o chefe do tráfico na rocinha e o que os policiais fazem? Tiram selfie tietando o traficante na brodagem. https://t.co/b3AwHAFSpp
Leandro Ramos (@ramos_leandro) 6 décembre 2017
"Rogerio 157" était considéré comme l’ancien bras droit d’Antonio Francisco Bonfim, alias "Nem", ex-baron de la drogue à Rocinha, derrière les barreaux depuis 2011. Mais en septembre dernier, leur faction s’est divisée, donnant lieu à une guerre sanglante. Pendant une semaine, des milliers de soldats ont été déployés sur place pour tenter de reprendre le contrôle.
Les Jeux olympiques de 2016 avaient été marqués par la volonté du gouvernement local de l'État de Rio de changer de stratégie dans la guerre contre le crime organisé en occupant certaines favelas avec des unités de police pacificatrice. Mais un an et demi plus tard, la ville est en proie à un regain de violences, accentuées notamment par une grave crise économique.
>> LIRE AUSSI SUR LES OBSERVATEURS :
À Rio, la police squatte chez l’habitant pour mieux traquer les narcotrafiquants
Alors que les policiers font grève, des gangs sèment la terreur à Vitoria, au Brésil
Pacification à marche forcée dans une favela de Rio à l'approche du Mondial