Iran : Le fléau des tempêtes de sable peut-il être résolu… par les nanotechnologies ?
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En Iran, les tempêtes de sable et de poussière sont un problème persistant qui ne cesse de s’aggraver. En cause, le changement climatique et la mauvaise gestion des ressources d’eau, qui ont transformé des régions entières depuis un demi-siècle et rendent l’air presque irrespirable. Depuis les années 1960, les autorités tapissent le sable d’un paillis à base de pétrole pour le stabiliser. Mais des inventeurs ont élaboré une solution plus écologique, aidés par les nanotechnologies.
En Iran, les tempêtes de sable et de poussière sont un problème persistant qui ne cesse de s’aggraver. En cause, le changement climatique et la mauvaise gestion des ressources d’eau, qui ont transformé des régions entières depuis un demi-siècle et rendent l’air presque irrespirable. Depuis les années 1960, les autorités tapissent le sable d’un paillis à base de pétrole pour le stabiliser. Mais des inventeurs ont élaboré une solution plus écologique, aidés par les nanotechnologies.
Le changement climatique et la mauvaise gestion des ressources en eau ont défiguré des régions entières du pays ces cinquante dernières années, notamment au sud-est et au sud-ouest.
Ces dernières années, plusieurs startups ont proposé des solutions mélangeant des fibres végétales, de l’argile, et de la gélatine pour élaborer un paillis collant, déversé sur le sable pour l’empêcher de s’envoler. Ces solutions sont toutes organiques, mais ne durent en général guère plus de deux ans. Alors que les solutions à base de pétrole durent quatre à cinq ans.
Enseignant en biologie à l’université de Chabahar, le professeur Taimour Aminrad propose lui une alternative organique qui tiendrait dix ans. Il a déposé un brevet et l’a fait approuver par l’organisation iranienne de normalisation sous le nom "Nanorad851". Aujourd’hui, il conduit des tests dans le sud-est de l’Iran, à Chabahar.
Ce paillis pourrait facilement être pulvérisé sur de grandes surfaces.
"Le paillis ne modifie pas le PH du sol, et n’a pas d’effet sur les plantes ou les animaux, même pas sur les insectes"
Nous utilisons un paillis à base de pétrole depuis des décennies, ce qui endommage considérablement l’environnement. Il empoisonne la terre, tue les insectes, les plantes et empêche l’eau de s’infiltrer dans le sol. À cause de sa couleur noire, il augmente la température de l’air. Et, parce qu’il est fragile et se fissure facilement, on ne peut pas marcher dessus.
Les paillis organiques sont bien meilleurs pour l’environnement. Mais la plupart ont une courte espérance de vie : seulement deux ou trois ans.
L’histoire de mon paillis commence avec la conférence sur le changement climatique de la COP21, à Paris, en 2015. J’ai suivi cette conférence depuis l’Iran, et j’ai vu que les biocarburants étaient présentés comme une alternative prometteuse aux énergies fossiles. Avec notre propre argent, nous avons pu produire cinq tonnes d’algues en deux mois. Nous étions fous de joie. Notre projet a attiré l’attention des autorités locales, qui nous ont donné dix hectares de terres pour que nous puissions cultiver plus d’algues. Je me suis donc attelé à la création d’une formule permettant de stabiliser le sol pour qu’il puisse retenir l’eau dans des piscines naturelles.
En deux mois, grâce à la nanotechnologie, je créais un mortier peu cher et organique pour la fabrication des piscines. Ça a très bien marché. Une idée m’est alors venue : nous pourrions peut-être utiliser cette formule pour stabiliser le sol de notre région. Les mois suivants, j’ai donc travaillé à transformer ce mortier en matière liquide, qui pourrait facilement être pulvérisée sur de grandes surfaces.
“Comme les perles d'un collier”
Pour protéger mon invention, je ne peux pas dévoiler les détails de la formule. Mais, schématiquement, ça fonctionne ainsi : À une échelle microscopique, chaque grain de sable ou de terre est perforé de trous, de diamètres variables. Le nanomatériau est capable de passer à travers ces cavités. On ajoute de la colle à l’ensemble et, quand il sèche, il devient comme la chaîne qui fait tenir les perles d’un collier.
Le paillis ne modifie pas le PH du sol, et n’a pas d’effet sur les plantes ou les animaux, même pas sur les insectes. Même si des animaux en mangent, ça ne va pas leur faire de mal, ça n’a pas de réactivité chimique. [L’organisation iranienne de normalisation a testé le paillis et confirmé qu’il n’est pas toxique, NDLR]. Si des gens marchent dessus, il ne se réduit pas en poudre, il se brise en morceaux de la taille de pierres et continue de fonctionner. Mes tests indiquent qu’il devrait être efficace pendant une dizaine d’années.
Si on marche dessus, il ne se transforme pas en poudre.
À ma connaissance, c’est le seul paillis organique créé avec les nanotechnologies au monde. Pour l’instant, un litre coûte 2 000 tomans (environ 0,45 euros). Chaque litre peut recouvrir dix mètres carrés. C’est bien moins cher que les paillis à base de pétrole. [Pour un hectare, environ 10 millions de tomans, soit plus de 21 00 euros]. Pour un hectare, mon paillis couterait environ 2 millions de tomans (425 euros).
La directrice du département iranien de l’environnement, Masoumah Ebtekar, a fait tester mon paillis et a vérifié les résultats à de nombreuses reprises pour voir si ça marchait vraiment. Néanmoins, le gouvernement ne l’a pas développé, j’espère qu’il va le faire à l’avenir. L’industrie du paillis à base de pétrole pèse plusieurs millions de dollars, cette situation ne va donc pas changer du jour au lendemain.
Notre Observateur teste "Nanorad851” à Chabahar.
Le gouvernement a laissé cinq start-up tester leur paillis organique sur un terrain de 45 hectares près du lac Uremia, qu’ils essaient de sauver du dessèchement. Dans trois ans, ils détermineront quel projet a été le plus efficace et ce dernier sera utilisé dans toute la région. Le paillis du docteur Aminrad, développé récemment, ne fait pas partie de ce projet.
Le pays a alloué 200 milliards de tomans (plus de 245 millions d’euros) aux paillis dans le budget de l’année prochaine, sans préciser la part allouée aux versions organiques et fossiles. Selon les autorités iraniennes, le pays a besoin de stabiliser sept millions d’hectares de terres arides de catégorie “zone de crise de niveau un”.