PAYS-BAS

Une Néerlandaise se prend en selfie avec tous les hommes qui la harcèlent dans la rue

Deux 'selfies' pris avec les harceleurs de rue. Crédit : Instagram, Dearcatcallers
Deux 'selfies' pris avec les harceleurs de rue. Crédit : Instagram, Dearcatcallers
Publicité

“Hé belle gosse, tu veux monter dans ma voiture ? ". "Salut toi, tu vas où ? "Les femmes du monde entier subissent chaque jour le harcèlement de rue, qui va du sifflement aux commentaires lourds voire jusqu’aux propositions déplacées. Pendant le mois de septembre, une étudiante néerlandaise a décidé de montrer ce qu’il en était, en se prenant en photo avec chacun des hommes qui la harcelaient.

Noa Jansma, 20 ans, vit à Amsterdam et est étudiante en design à Eindhoven et vit à Amsterdam. Elle a commencé son projet le 29 août pour “faire prendre conscience de la 'chosification' des femmes dans la vie quotidienne ". Parce que pour elle : "ce n’est pas un compliment ".

#dearcatcallers

Une publication partagée par dearcatcallers (@dearcatcallers) le

Elle a posté en tout 24 photos durant le mois de septembre sur un compte Instagram dédié, "DearCatcallers "("Chers harceleurs de rue "). Et encore, elle n’a pas pu prendre en photo tous ceux qui l’ont alpaguée … Elle a pris des photos à Amsterdam, Eindhoven et Barcelone où elle a passé quelques jours. Sur certains clichés, des hommes n’hésitent pas à passer leurs bras autour d’elle.

"C’est un moyen d’inverser le ratio du pouvoir que s’octroient les hommes dans ces situations"

Noa Jansma a détaillé à la rédaction des Observateurs de France 24 les raisons de sa démarche.

J’ai commencé ce projet comme une réponse indirecte à un groupe d’hommes qui, un jour, dans un train, m’avaient filmée en faisant des commentaires sexuels. J'ai réalisé à ce moment que j’avais le droit de répondre, que je pouvais inverser le ratio du pouvoir que s’octroient les hommes dans ces situations. Parce que ces hommes ne font ça que parce qu’ils auraient un réel pouvoir sur moi, ils le font parce qu’ils savent que je ne peux rien faire en retour. Et ils ne pensent sûrement pas que je vais leur donner mon numéro en retour.

#dearcatcallers "weheeee horny girl"

Une publication partagée par dearcatcallers (@dearcatcallers) le

"Il était en moto, il m'a klaxonné dessus à trois reprises. Il s'est approché de derrière, puis s'est mis en travers de mon chemin. Dieu, quand je te vois, j'ai des pensées sauvages, des pensées sauvages chérie ! [wild thoughts, une référence à une chanson de Rihana]. Il m'a encore klaxonné dessus à trois reprises." 

Le harcèlement de rue est un problème dans le monde entier. Vous pouvez l’ignorer et continuer votre vie. Ça n’arrive pas qu’à moi, ça arrive à mes amies et a beaucoup de femmes partout. On en parlait en cours, et beaucoup de mes amis garçons ne savaient pas que c’était à ce point un problème quotidien. C’était assez drôle : une moitié de la classe savait exactement de quoi je parlais, l’autre ne me croyait pas. Mais les garçons étaient curieux. Donc je me suis dit : "je vais vous montrer ce qu’il en est ".

Voilà pourquoi je fais ça : sur le plan personnel j’ai enfin un moyen d’avoir du pouvoir. Et sur un plan pédagogique, je peux montrer comment se passe le harcèlement.

#dearcatcallers "Babyyyyyyyy! THANKYOU" *blowkiss* (slide ➡️)

Une publication partagée par dearcatcallers (@dearcatcallers) le

"Merci chérie ! Il m'a envoyé un baiser."

“Certains pensent vraiment qu’ils font un compliment”

L’idée me trottait dans la tête depuis plusieurs mois, mais je n’osais pas la mettre en pratique. Je pensais que les hommes seraient suspicieux : ils me manquent de respect, sont vulgaires, et subitement, j’aurais envie de me prendre en photo avec eux ? Ils pensaient peut-être que j'allais m'en servir comme preuves pour les dénoncer à la police.

Mais ça n’est pas du tout arrivé. En fait, ils se pensent si innocents que ça ne leur traverse pas l’esprit. Sur les photos, beaucoup sourient, ont l’air fiers d’eux. Ils ne comprennent pas vraiment que c’est du harcèlement, et que c’est quelque chose de très désagréable. Certains pensent vraiment qu’ils font un compliment.

Nog een keer #dearcatcallers *psssssst, kissing sounds and whistling"

Une publication partagée par dearcatcallers (@dearcatcallers) le

"Psssssst, baisers sonores et sifflements."

Au début, j’avais un peu peur de leurs réactions, qu’il puisse m’arriver quelque chose. Puis cette peur est passée lorsque j'ai vu les réactions. J’ai fait 24 photos et encore je ne l'ai pas fait à chaque fois : certains m'alpaguaient depuis leur voiture, d’autres le faisaient en soirée ou dans la nuit et je ne voulais pas me risquer.

Il est possible d’éduquer les hommes sur ce problème. Ce n’est pas mon rôle d’expliquer les choses à chaque homme qui me harcèle. Ça serait trop de travail. Ce projet à pour objectif de toucher beaucoup plus de gens. Les hommes symbolisent ce problème mais ce n’est évidemment pas une attaque contre eux en général.

slowly following me 2 streets shouting "sexy!" and "wanna come in my car?" #dearcatcallers

Une publication partagée par dearcatcallers (@dearcatcallers) le

"Il m'a suivie sur deux rues en vocifrant : “sexy” et “tu veux monter dans ma voiture ?” "

Les Pays-Bas se sont dotés d'une nouvelle loi contre le harcèlement de rue qui entrera en vigueur le 1er janvier 2018. Selon cette loi, ceux qui suivent, sifflent ou harcèlent une femme dans la rue pourront avoir une amende s'élevant jusqu'à 4 100 euros.

Noa Jansma rapporte avoir eu de très bonnes réactions à son projet. Des femmes lui ont écrit pour la remercier d’avoir attiré l’attention sur le problème du harcèlement de rue, et des hommes se sont excusés, disant qu’ils n’avaient pas conscience de faire quelque chose de mal. Et puis comme toute démarche féministe et sur internet, la jeune femme a également reçu son flot de commentaires salaces et d’insultes.

#dearcatcallers "hmmmm you wanna kiss?"

Une publication partagée par dearcatcallers (@dearcatcallers) le

"Hmmmm, tu veux m'embrasser ?"

Le mois des selfies est passé, mais Noa Jansma ne veut pas s’arrêter là. Elle espère que d’autres femmes prendront le relais dans le monde, dans leur ville, pendant un mois.

#dearcatcallers

Une publication partagée par dearcatcallers (@dearcatcallers) le