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Inde : des alternatives saines et durables pour les règles des femmes (2/2)

Notre Observatrice présente sur sa chaîne Youtube différents modèles de serviettes lavables. Capture d'écran.
Notre Observatrice présente sur sa chaîne Youtube différents modèles de serviettes lavables. Capture d'écran.
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Dans les régions pauvres d’Inde, nombre de femmes n’ont pas les moyens de se payer des serviettes hygiéniques pour absorber leurs règles. En plus d’être chères, ces protections, présentées comme LA solution par beaucoup d'associations, d'avocates et d'activistes, sont aussi très polluantes. Associations et start-up se mobilisent pour offrir des alternatives gratuites ou bon marché, mais surtout écologiques, à toutes les femmes.

Cet article est la deuxième partie de notre enquête sur les règles en Inde. Dans un première article, nous avions montré que faute de pouvoir se payer des serviettes hygiéniques, nombre de femmes doivent prendre des risques pour leur santé .

>> LIRE SUR LES OBSERVATEURS : Faute d’argent, des Indiennes utilisent de la terre pour absorber leurs règles (1/2)

Fin mai, le prix des serviettes hygiéniques jetables a fortement augmenté, avec l'instauration d'une taxe à 12 %. La mesure a fait scandale, et de nombreuses associations féministes ont fait campagne pour un accès élargi à ces produits.

Les serviettes jetables, "un business très lucratif"…

Mais pour une partie de la société civile, la solution n’est pas là, car l’impact environnemental des serviettes est désastreux. Notre Observatrice Priyanka N Jain, 31 ans, milite depuis plus de trois ans pour développer des alternatives, à travers une chaîne YouTube et un site Internet, Hygiene and you.

Les serviettes jetables gagnent en popularité et certaines marques proposent des prix attractifs, avec des paquets de 10 serviettes à 20 roupies par exemple (0,26 euros). C’est un business très lucratif : les produits sont jetables [il faut donc constamment en acheter] et la population féminine est très importante en Inde. Ils font énormément de campagnes publicitaires, disent que les simples tissus qu’utilisent encore beaucoup de femmes ne sont pas hygiéniques [le problème est en réalité que les femmes nettoient et sèchent mal ces tissus, NDLR]. Ils propagent un mythe de la serviette comme solution idéale, et tout le monde y croit aujourd’hui.

“La meilleure alternative : les produits réutilisables”

Dans une vidéo publiée le 18 août 2017 sur YouTube, Aditi Gopinath, une jeune indienne membre de l'association Green the Red qui milite pour des "règles durables", résume les problématiques écologiques et sociales liées à ce phénomène.

Ces serviettes jetables, une fois utilisées, finissent dans une décharge ou dans un incinérateur, envoyant des tonnes de vapeurs toxiques dans l’atmosphère. […] Certaines filles les jettent dans les toilettes… Quelqu’un doit ensuite déboucher les canalisations bouchées par les serviettes, remplies d’urine, d’excréments et de sang en décomposition …

La rédaction des Observateurs de France 24 a sélectionné des projets alliant hygiène et impact environnemental réduit. Priyanka N Jain explique les avantages et les inconvénients de chacun d’entre eux.

La culotte Saafkins, "meilleure option pour les plus démunies"

Photos publiées sur le site de "Give her 5".

Pour les femmes très pauvres qui vivent dans les zones rurales, je pense que c’est la meilleure option. Parfois, elles n’ont pas les moyens de s’offrir des sous-vêtements, et ne peuvent donc pas utiliser les protections qui s’y attachent. Cette sorte de culotte est dotée d’une ceinture élastique, elle peut donc être utilisée seule. Je l’ai essayée, ça n’est pas l’option la plus confortable mais c’est très absorbant, facile à utiliser et à laver, rapide à sécher et durable (environ 100 utilisations). En plus, le tissu est doté d’agents antibactériens.

L’association "Give her five" propose de venir en aide aux femmes indiennes les plus pauvres via un don qui permet de leur donner deux culottes Saafkins contre 2,50 dollars, soit un peu plus de 2 euros.

La coupe menstruelle, "idéale pour les femmes actives"

Plusieurs coupes menstruelles, produites en Inde ou à l'étranger, sont alignées pour en comparer la forme et la taille. Capture d'écran d'une vidéo explicative de notre Observatrice.

La coupe menstruelle est l’option que j’ai choisie depuis 2006, quand j’étais encore étudiante en architecture au Royaume-Uni. Avec cette protection, pas de risque de fuites, on a la possibilité d’aller à la piscine, une durabilité d’environ 10 ans, une flore intime préservée et bien d’autres avantages…

Ce produit souffre par contre d’un préjugé totalement faux : celui de parfois déchirer l’hymen des femmes vierges, et donc de les "dépuceler". En Inde, il est donc surtout privilégié par les femmes mariées, qui vivent en ville, mènent une vie active et n’ont pas le temps de laver des serviettes réutilisables.

Mais c’est aussi un investissement de plusieurs centaines de roupies (100 roupies = 1,30 euro) que toutes les femmes ne sont pas prêtes à faire.

Les serviettes lavables, classiques mais efficaces

Les serviettes lavables sont disponibles sous différentes marques, tailles et prix. Elles sont une version améliorée des morceaux de tissu traditionnellement utilisés. Notre Observatrice, lors de ses conférences et workshops, a rencontré de nombreuses femmes qui leur trouvaient des défauts. Elle a donc décidé de lancer sa propre ligne de produits, en prenant en compte leurs remarques.

Elle a réalisé, sur sa chaîne Youtube, un test comparatif des principales marques distribuées en Inde.

De vieux morceaux de tissu transformés en serviettes basiques

Les différentes étapes de la fabrication des serviettes Goonj, de la collecte au lavage en passant par le repassage et l'assemblage. Photo publiées sur le site internet de l'association.

Autre solution, les serviettes lavables, comme celles fabriquées par l'association Goonj, très simples, à partir de tissus réutilisés, assemblés en serviettes distribuées gratuitement dans les villages pauvres. Bien sûr, ça n’est pas aussi efficace que les serviettes lavables mentionnées ci-dessus, mais elles sont gratuites et propres. En plus, les membres de l’association prennent le temps, lors des distributions, d’expliquer aux femmes comment les laver et les sécher correctement pour prévenir les infections.

Une bande-dessinée pour éduquer les jeunes filles

Extraits de la bande-dessinée, disponible gratuitement en 11 langues, qui explique entre autres comment nettoyer et sécher correctement une serviette lavable, mais aussi le fonctionnement du cycle hormonal féminin.

Menstrupedia est une bande-dessinée destinée aux jeunes filles de neuf ans et plus. Elle existe dans plusieurs dialectes. Je la recommande vivement, elle est bien faite et amusante, elle se lit comme une histoire. Malheureusement, beaucoup de mères en savent très peu sur les règles et pensent elles aussi que c’est un phénomène sale, à cacher. Si certaines mères ont peur d’avoir ce genre de conversation avec leur fille, le livre est une option qui permet de ne pas laisser l’enfant dans l’ignorance.

D’autres solutions moins convaincantes

D’autres solutions au "problème des règles" en Inde existent, comme des serviettes jetables fabriquées à partir de fibres de banane biodégradables, ou d’autre,s réalisées avec des machines très simples et bon marché, utilisées localement par des groupes de femmes pauvres qui trouvent ainsi travail et rémunération.

Ces deux initiatives, largement relayées par la presse nationale et internationale, n’ont pas convaincu notre Observatrice. La première parce que "le produit n’est biodégradable que dans des conditions précises et s’avère peu absorbant". La seconde parce que, malgré un effort dans le sens du social et de l’hygiène, peu de cas est fait de l’environnement et de l’aspect "durable" de ces serviettes.