VENEZUELA - COLOMBIE

Les Vénézuéliens passent en Colombie pour faire des courses… ou pour la vie

Photo prise par la journaliste Marian Torres lundi 24 juillet, au niveau du pont international Simón Bolívar, situé entre San Antonio del Táchira et Cúcuta, du côté vénézuélien. Photo publiée sur son compte Twitter (@mariantorres3).
Photo prise par la journaliste Marian Torres lundi 24 juillet, au niveau du pont international Simón Bolívar, situé entre San Antonio del Táchira et Cúcuta, du côté vénézuélien. Photo publiée sur son compte Twitter (@mariantorres3).
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Des milliers de Vénézuéliens traversent quotidiennement la frontière avec la Colombie. Certains y vont uniquement pour réaliser quelques achats, afin de pallier les pénuries qui touchent leur pays, avant de rentrer chez eux. Mais de plus en plus de Vénézuéliens cherchent surtout à fuir leur pays, en emportant toutes leurs affaires, comme le montrent de nombreuses photos diffusées récemment sur les réseaux sociaux.

Depuis 2014, le Venezuela traverse une crise économique majeure : le pays connaît d'importantes pénuries, notamment de biens de première nécessité, ainsi qu’une inflation vertigineuse (800 % l'an dernier). À cela s'ajoute une grave crise politique, puisque la République bolivarienne est secouée par des manifestations quasi-quotidiennes contre le pouvoir en place depuis quatre mois, ayant déjà fait plus de 100 morts.

De nombreux Vénézuéliens passent donc régulièrement en Colombie pour se réapprovisionner ou pour émigrer, afin de fuir les problèmes de leur pays, notamment au niveau du pont international Simón Bolívar, situé entre San Antonio del Táchira et Cúcuta. Environ 25 000 Vénézuéliens entrent ainsi chaque jour en Colombie, avant de retourner chez eux, pour la plupart.

Les Vénézuliens font régulièrement des aller-retours entre la Colombie et le Venezuela. Photo prise par la journaliste Marian Torres lundi 24 juillet, au niveau du pont international Simón Bolívar, et publiée sur son compte Twitter.

Lundi 24 juillet, ce flux migratoire a augmenté de 5 %, selon Migración Colombia, le service colombien des migrations. C'est également ce qu'a constaté notre Observateur Francisco Javier Sánchez, professeur à l’Université des Andes à San Cristóbal, la capitale de l'État de Táchira.

"Les Vénézuéliens ont peur que la situation n’empire chez eux après l’élection de l’Assemblée constituante"

Lundi 24 juillet, je me suis rendu au pont international Simón Bolívar : il y avait plus de Vénézuéliens que d’habitude qui allaient en Colombie.

Je pense qu’ils ont profité du fait que c’était un jour férié [afin de commémorer la naissance de Simón Bolívar, NDLR] pour aller s’approvisionner de l’autre côté de la frontière, en prévision de la grève générale de 48 h, qui a démarré mercredi et qui aurait pu les empêcher de voyager à Cúcuta. [L’opposition a appelé à faire grève pour protester contre l’élection de l’Assemblée constituante prévue dimanche. Selon elle, il s’agirait d’une manœuvre politique pour permettre au président Nicolás Maduro de rester au pouvoir, NDLR.]

Par ailleurs, je pense que certains Vénézuéliens ont décidé de quitter définitivement le pays ces derniers jours car ils craignent que la situation n’empire à la suite de l’élection de l’Assemblée constituante. [La journaliste locale Marian Torres a également confié à France 24 n’avoir jamais vu autant de personnes se dire au revoir à la frontière ce jour-là : "J’ai vu plusieurs jeunes pleurer, en disant au revoir à leur famille." NDLR.]

Notre Observateur a pris ces photos lundi 24 juillet, en fin de matinée, entre San Antonio del Táchira et Cúcuta.

Photo prise par la journaliste Marian Torres lundi 24 juillet, au niveau du pont international Simón Bolívar, et publiée sur son compte Twitter.

Il est facile de distinguer les personnes qui émigrent de celles qui se rendent à Cúcuta uniquement pour quelques heures, puisqu’elles ont toujours plein d’affaires avec elles.

Par exemple, lundi, j’ai parlé avec un groupe de 25 personnes environ, en provenance de Valencia, la capitale de l'État de Carabobo, et qui voulaient aller en Équateur. Elles m’ont dit qu’elles connaissaient du monde sur place et qu’elles chercheraient du travail là-bas. Pour le voyage, elles avaient des vêtements, des bouteilles d’eau, du pain, des conserves… Du côté colombien, on les traite bien généralement.

D’autres personnes m’ont également dit qu’elles allaient rester en Colombie ou aller au Pérou, au Chili et en Argentine. Mais personne n’a évoqué la Bolivie.

De nombreux Vénézuéliens ne restent pas en Colombie et se rendent plutôt en Équateur, au Pérou, au Chili ou encore en Argentine. L’un d’eux, Rodelvis Amaya, originaire de Caracas, explique pourquoi.

"La Colombie constitue avant tout un pays de transit"

J’ai traversé la frontière à San Antonio del Táchira la semaine dernière, mais je n’ai pas l’intention de rester en Colombie car c’est un pays trop cher, sans compter qu’il y a certains problèmes similaires au Venezuela : délinquance, corruption, enlèvements, monnaie dévaluée…

En fait, je veux me rendre à Quito, en Équateur : là-bas, il y a une monnaie forte, le dollar américain, et il est plus facile d’y séjourner légalement.

Comme de nombreux Vénézuéliens, je considère donc la Colombie comme un pays de transit. À mon avis, c’est d’ailleurs pour cela qu’il est facile de se faire tamponner le passeport et qu’il n’y a pas vraiment d’aide pour nous dans ce pays. J’ai l’impression que seuls les Vénézuéliens ayant de la famille en Colombie restent ici.

Entre 300 000 et 350 000 Vénézuéliens vivraient toutefois en Colombie, pour certains dans l’illégalité, selon le directeur de Migración Colombia, Christian Krüger.

"Dans la zone de Cúcuta, on voit bien qu’il y a de plus en plus de Vénézuéliens qui viennent travailler", raconte Diego Villamizar, qui travaille dans le secteur des droits de l’Homme sur place. "C’est une main d’œuvre pas chère. Ils travaillent comme serveurs, vendeurs, vendent des bricoles ou nettoient les vitres des voitures aux feux… Il y a également de plus en plus de travailleuses du sexe. Ces Vénézuéliens sont aidés avant tout par les églises ou des fondations", poursuit-il.

Selon le directeur de Migración Colombia, les autorités se sont préparées à plusieurs scénarios, y compris à une arrivée massive de Vénézuéliens dans le pays (préparation des fonctionnaires travaillant au service des migrations, etc.).