FRANCE

À Séméac, le "mur anti-migrants" a été détruit, mais divise toujours les habitants

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Dans la nuit du dimanche 23 au lundi 24 juillet, des habitants du village de Séméac (Hautes-Pyrénées) ont construit un mur devant un hôtel Formule 1, qui doit sous peu être transformé en centre d’accueil pour des migrants. Le "mur de la honte", comme l’ont surnommé ses opposants, est devenu un symbole de la rhétorique anti-migrants en France, et a divisé les 5 000 Séméacais. Avant de finalement être détruit mercredi.

Le "Collectif Séméac", qui compte une vingtaine de personnes selon un habitant, a construit ce mur en béton, d’une hauteur de 1,80 mètre pour 20 mètres de longueur. Lundi matin, la découvert de cette construction a créé la sensation dans le village, et attiré l’attention des médias.

Les opposants au projet de centre d’accueil jurent qu’ils ne sont pas contre les migrants, mais contre la façon dont les autorités locales ont décidé de la mise en place d’un centre d’accueil. L’hôtel appartenait auparavant au groupe Accor Hôtels, avant d’être vendu au groupe Adoma, une entreprise que gère des hébergements sociaux. Selon la municipalité, 85 migrants sont attendus à partir du mois d’août, dont 40 enfants. L’inquiétude des opposants au projet est également liée à la question de savoir combien de temps les migrants resteraient à Séméac.

Photo du mur, prise par un habitant.

Sur la page Facebook d'un groupe conre le projet de mur.

Finalement, devant les menaces qu’ils disent avoir reçues, les membres du collectif ont démonté le mur mercredi 26 juillet au matin. L'un deux, Loïs (pseudonyme) revient sur les évènements :

"Le mur était symbolique, ce n’était pas anti-migrants"

Ce mur était un symbole pour dire à l’État : "On ne peut pas juste prendre un bâtiment comme ça, sans en parler avant, sans rassurer les habitants, et leur dire ce qui va se passer ". Il y a eu un gros manque d’information, une vraie opacité, c’est contre ça que nous protestons. Il n’y avait absolument aucune xénophobie dans notre action, ce mur n’était pas anti-migrants.

Nous ne sommes pas effrayés par les étrangers, seulement de ce qui va se passer. Sur Facebook, le gens nous traitent de racistes, mais c’est faux. Politiquement, Séméac est une ville de gauche [elle a placé Jean-Luc Mélenchon en deuxième position au premier tour de l’élection présidentielle en avril, juste derrière Emmanuel Macron]. Je ne pense pas que les gens aient peur, c’est juste que ce n’est pas la même culture, il y a plus une inquiétude sur la cohabitation qui s’annonce.

Le collectif a veillé à faire son action dans un cadre légal : il a loué une parcelle de terrain par lequel passe le chemin d'accès à l'hôtel Formule 1 et déposé une demande d'autorisation de travaux auprès de la commune, qui l'a validée en 24 heures.

Mur de Berlin, mur de Trump

Mais d’autres habitants ont exprimé leur colère sur les réseaux sociaux, contre ce qu’ils percevaient comme une provocation raciste. Des comparaisons ont été faîtes avec le mur de Berlin, le mur séparant Israël de la Cisjordanie, ou le projet de Donald Trump d’ériger un mur à la frontière entre les États-Unis et le Mexique.

Catherine, qui vit à Séméac près de l’hôtel Formule 1, explique qu’il y a eu beaucoup de débats autour du mur depuis lundi.

"Ça va bousculer un peu notre petite ville mais je ne m’y oppose pas"

Photo envoyée par notre Observatrice Catherine

Photo envoyée par notre Observatrice Catherine

Les Séméacais sont très divisés, beaucoup soutiennent le collectif, beaucoup le condamnent aussi. Ici, on ne rencontre jamais d’étrangers.

Nous n’allons pas laisser les migrants à la rue. Mais nous n’avons pas les infrastructures pour les accueillir maintenant. Nous n’avons qu’une école primaire, avec 12 classes qui ont jusqu’à 30 élèves. Et il faut accueillir 40 enfants de plus ? Ça va bousculer un peu notre petite ville mais je ne m’y oppose pas. Ces gens fuient la guerre, ce ne sont pas des futurs terroristes. Je veux vivre dans une ville humaine.

Photo envoyée par notre Observatrice Catherine

Bien que le mur ait été déconstruit, Catherine pense que les mentalités vont rester marquées par l’affaire :

Il n’y a plus de mur physique, mais le collectif est toujours aussi vindicatif contre l'arrivée des migrants. Ils ont démonté eux même leur mur car la préfecture est intervenue et il y aurait eu des menaces à l'encontre de certains membres du collectif. J’espère simplement que cette affaire ne fera pas office de précédent…. Ce mur n’aurait jamais dû exister.