SÉNÉGAL

À Dakar, des photos prises sur le vif pour dénoncer les incivilités du quotidien

Traverser en plein milieu de l'autoroute, emprunter les passerelles avec sa voiture ou uriner sur les murs... un projet recense toutes ces incivilités à Dakar. Photos Save Dakar et Ibnou Diallo du blog Sunumbir.
Traverser en plein milieu de l'autoroute, emprunter les passerelles avec sa voiture ou uriner sur les murs... un projet recense toutes ces incivilités à Dakar. Photos Save Dakar et Ibnou Diallo du blog Sunumbir.
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Lassé des incivilités de ses compatriotes qu’il constate quotidiennement à Dakar, un photographe sénégalais a lancé un projet où il recense en images tous ces comportements néfastes au bien-être de la société. Avec quelques fois des photos saugrenues…

Le projet "Save Dakar" (sauver Dakar en français) a été lancé début juin et dispose d’une page Facebook, d’un compte Twitter et d’un compte Instagram. On y retrouve chaque jour des photos montrant "la détérioration de la qualité de vie, l’enfer de la circulation, en passant par l’état de saleté, l’occupation illégale de l’espace public, le saccage et disparition de l’espace vert..." comme l’explique Madione Laye Kembé, le photographe sénégalais à l’origine du projet. Il a sélectionné pour les Observateurs de France 24 les clichés les plus représentatifs de ces incivilités du quotidien.

Dans les thèmes régulièrement traités sur la page, les incivilités au volant sont nombreuses, avec des photos notamment de bus bondés ou d'accidents de la route.

"Les Sénégalais disent souvent 'la rue n’appartient à personne' : moi je dis plutôt qu'elle appartient à tout le monde"

Il y a un mois, j’ai pris conscience que ma ville, Dakar, était en train de se dégrader, lorsque je suis passé il y a un mois sur la place de l’Indépendance, l’une des places centrales de la capitale. Tous les jours, des ambassadeurs, des consuls, mais aussi des citoyens lambda passent par ici. Plus personne ne remarque les déchets qui traînent çà et là, alors que c’est le cœur historique de la capitale. Je me suis alors dit qu’il fallait recenser les incivilités et prendre sur le vif ceux qui jettent leurs déchets ou contribuent à cette dégradation du vivre-ensemble.

Sur la place de l'Indépendance à Dakar, point de départ du projet, notre Observateur trouve régulièrement des déchets, des fils électriques, ou des panneaux de travers, signe pour lui de la dégradation de l'espace public de la capitale sénégalaise.

"On ne peut plus marcher sur les trottoirs quand on est un piéton !"

Une situation qui me désole particulièrement est l’occupation anarchique des trottoirs par des marchands ambulants. Je comprends la situation de ces personnes qui ont besoin de travailler, mais le problème est qu’aujourd’hui, dans certains quartiers de Dakar, les piétons ne peuvent plus marcher sur les trottoirs ! Ils doivent marcher sur la route pour circuler, et se faufiler entre les voitures…

Parfois même, les gens ne peuvent plus sortir de chez eux, car les marchands ambulants se mettent devant les portes d’entrée.

Tantôt en plein milieu de la route, tantôt occupant tout le trottoir, ou même parfois sur des voitures, les marchands ambulants font preuve selon notre Observateur d'incivilités.

"L'autoroute à Dakar, c'est le monde à l'envers !"

L’endroit où il suffit d’aller pour constater des dizaines d’incivilité, c’est sûrement l’autoroute. C’est le monde à l’envers : les piétons traversent au milieu de l’autoroute, et les voitures ou charrettes empruntent les passerelles destinées aux piétons pour éviter les embouteillages !

Ce comportement est dangereux pour tout le monde… Une fois, j’ai même pris en photo une femme avec un tout petit bébé zigzaguant entre les voitures !

"Les murs de Dakar se transforment en urinoirs !"

Un autre comportement qui m’énerve profondément, c’est que beaucoup de personnes transforment les murs de Dakar en urinoirs. C’est particulièrement le cas dans les gares routières, où l’odeur est parfois insoutenable. Je dis à mes compatriotes, par pitié, retenez-vous, nos rues ne sont pas des toilettes géantes !

Je ne parle même pas des très nombreuses images de détritus que je prends chaque jour dans les rues de Dakar… On pourrait en faire un album ! Tout le monde jette sans se soucier, faute de système efficace de ramassage des ordures ou car il n’y a pas assez de poubelles dans les rues.

Devant les écoles, dans la rue ou sous les ponts, notre Observateur épingle les endroits où sont jetés les détritus en signalant aux autorités les décharges sauvages qu'il repère

"Je montre aussi les initiatives positives pour le vivre-ensemble"

Les Sénégalais disent souvent "la rue n’appartient à personne ", moi je dis plutôt que ça appartient à tout le monde, et surtout, ça appartient à l’État ! Je crois que c’est assez urgent que nos responsables politiques constatent avec ces photos qu’il est urgent d’agir. Pourquoi ne pas lancer une police de l’environnement qui serait là pour faire ce que je fais avec mon appareil photo et pour éduquer les gens ?

Je ne souhaite pas seulement être dans une logique de dénonciation : lorsqu’il y a de bonnes initiatives pour notre vivre-ensemble, je me rends aussi sur place pour faire des photos ! Malheureusement, ces initiatives sont encore insuffisantes par rapport au nombre d’incivilités que je constate quotidiennement.

Bravo 👏👏👏👏 Sabrina. Merci à tous pour votre participation !! Au final, c’est plus de 500 kg de déchets qui ont été...

Publié par SAVE DAKAR sur dimanche 9 juillet 2017

Une initiative similaire a été lancée en 2012 par Ibnou Diallo sur le site Sunumbir.com dans une rubrique "A bas ces pratiques", dont les photos comme celle ci-dessous sont disponibles ici.

Crédits photo : Ibnou Diallo, Sunumbir.

Le projet se veut totalement participatif, puisque le photographe, qui concède ne pas pouvoir être partout pour constater les incivilités, publie également les meilleurs clichés envoyés par d’autres internautes.

N’hésitez pas à envoyer vos images si vous êtes témoin d’une incivilité via la page Facebook du projet "Save Dakar" ou en envoyant un mail à savedakar@gmail.com .

Et pour voir plus d'images sur ce projet, retrouvez la vidéo de nos confrères de RFI ci-dessous.