Les mille techniques des narcotrafiquants iraniens pour passer les douanes
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En matière de lutte contre le trafic de drogue, l’année 2016 a été un record pour l’Iran : les douanes ont réalisé 171 saisies de stupéfiants sur le territoire la République islamique. Pourtant, les trafiquants rivalisent d’ingéniosité pour cacher la marchandise… comme le montrent de nombreuses photos diffusées par les douanes iraniennes sur les réseaux sociaux.
L’Iran est l’une des plaques-tournantes du trafic d’opium et d’héroïne, et pour cause : le pays est frontalier de l’Afghanistan, le plus gros producteur d’opium au monde, et sur le chemin de l’Europe, l’un des plus gros marchés pour les vendeurs de drogue. Sa frontière avec l’Afghanistan, longue de 900 kilomètres, rend le contrôle extrêmement complexe.
Pour autant, les douaniers ont connu une année 2016 riche en saisies : selon le commandant de police iranien Sadar Ali Mayedi, en charge de la lutte contre le narcotrafic, 705 tonnes de drogues ont été saisies. Ces derniers mois, les trafiquants ont utilisé des techniques assez élaborées utilisées par des trafiquants pour cacher la drogue : au milieu d’un tapis, cousu dans des robes ou même caché dans une pastèque…
Voici une sélection des meilleures photos révélant ces techniques plus ou moins efficaces, publiées sur le compte Telegram officiel de la douane iranienne et sur son site internet.
Un kilo d'opium trouvé à l'aéroport de l'Imam Khomeini à Téhéran, le 6 mars.
30 kilos d’opium retrouvés dans un distributeur de cannettes. Photo prise à Téhéran le 9 mars.
Ici, de l’opium a été caché en plus petites quantité au milieu de semences. Photo pris à l’aéroport international de Téhéran, le 11 mars.
La douane iranienne a intercepté 5,4 millions de pilules de tramadol, un médicament normalement destiné aux toxicomanes, et sur la liste des médicaments à surveiller, émise par l’Organisation mondiale de la santé, depuis le scandale du Mediator en France, dans des cartons contenant du papier.
De l’opium retrouvé dans un tube de dentifrice à Nordouz, à la frontière entre l’Iran et l’Arménie.
235 grammes de méthamphétamine retrouvées au milieu de graines de tournesol à Bazargan, à la frontière entre l’Iran et la Turquie, le 23 mars.
2,8 kilos d’opium dissimulés dans des sachets de soupe en poudre, interceptées à l’aéroport de Téhéran, le 24 mars.
De la drogue retrouvée dans des paquets de spaghettis, le 30 avril.
61 kilos de méthamphétamine cachés dans des tubes de colle à l’aéroport de Téhéran le 1er mai. C’est la plus grosse saisie de la douane cette année pour ce type de drogue.
De la méthamphétamine au milieu de morceaux de sucre, le 4 mai.
168 kilos d’opium retrouvés dans des pots en céramique pour cuisiner. Trouvé à Téhéran le 31 mai.
Le 5 juin, de l’opium caché au milieu de couches et de nourriture pour bébé.
Et même deans des tubes de dentifrice à la frontière Iran-Arménie le 22 mars.
Dans Shargh Daily , un des principaux journaux iraniens, un trafiquant expliquait en 2011 qu'à chaque fois qu'une technique est découverte par les douanes, elle n'est plus jamais utilisée par les trafiquants. Des personnes seraient même spécialisées dans l'invention de ces nouvelles techniques, qu'elles vendent aux trafiquants.
"Les trafiquants ont aussi commencé à passer par les ports du sud de l’Iran"
Faraz (pseudonyme) est un journaliste iranien spécialisé dans l’analyse du marché de la drogue.Selon les estimations officielles, le trafic de drogue coûte à l’Iran environ 10 milliards d’euros par an. À titre de comparaison, le budget de l’armée en 2016 était d’environ 11 milliards d’euros.
Un gramme d’héroïne coûte environ 2 euros en Afghanistan, 18 euros à Téhéran, et est vendu environ 42 euros le gramme à Paris.
Après avoir traversé l’Iran, les trafiquants de drogue passent généralement par la Turquie, la Géorgie, l’Arménie, la Moldavie, l’Ukraine, puis par les Balkans. Ces cinq dernières années, les trafiquants ont aussi commencé à passer par les ports du sud de l’Iran, d’où ils envoient leurs marchandises directement vers l’Europe, généralement vers la Belgique, les Pays-Bas et l’Angleterre [le port de Rotterdam, aux Pays-Bas, a par exemple saisi 764 kilos d’héroïne venant d’Iran en 2014, Ndlr]. Parfois, cette drogue circule via des passagers qui en transportent en petite quantité sur eux.
La guerre contre la drogue est quelque chose de plus compliqué qu’on ne le croit. Par exemple en 2000, l’Iran a adopté une nouvelle stratégie en allant directement en Afghanistan pour combattre le trafic à la source [profitant alors du délitement de l’État afghan, aux mains des talibans]. Ils ont même distribué des subventions ou du matériel à des fermiers pour les inciter à ne plus cultiver le pavot qui entre dans la composition de l'opium et de l'héroïne et stopper leur collaboration avec les trafiquants [à l’époque, les autorités iraniennes ont profité de la faiblesse de l’État afghan, une grande partie du territoire étant sous le contrôle des taliban, Ndlr].
Dans un premier temps, ça a marché : la production a diminué, et les prix ont augmenté. Mais deux problèmes sont apparus : d’abord, c’était une opération très couteuse pour l’Iran. Puis les habitudes de consommation, pas seulement des toxicomanes, mais aussi des consommateurs occasionnels, ont changé : beaucoup ont commencé à consommer davantage d’héroïne et de méthamphétamine. L’Iran a donc juste mis fin à cette opération.
Des méthodes toujours plus élaborées
Le 14 juin dernier, les douaniers de Téhéran ont fait la plus grosse prise de l’année en retrouvant 282 kilos d’opium dans un four industriel qui devait être exporté vers l’Allemagne. Les trafiquants avaient caché la drogue derrière des couches de plomb pour la rendre indétectable au rayon X, ou encore camouflé l’odeur avec du camphre, un composant chimique à l’odeur très puissante.
Selon des chiffres des Nations Unies publiés en 2014, les saisies d’opium en Iran représentaient 74 % des saisies de ce produit dans le monde, et 25 % pour les saisies d’héroïne et de morphine. Lors de 30 dernières années, environ 3700 policiers iraniens ont été tués dans des affrontements directs avec les trafiquants.
La loi condamnant le trafic de drogue en Iran est vivement critiquée, puisqu’elle entraîne des centaines d’exécutions chaque année. En 2015, l’Iran a ainsi exécuté environ 1 000 prisonniers, la plupart du temps pour des crimes liés à la drogue.